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DES EFFETS SUB-LETAUX DES CONTAMINANTS ORGANIQUES SUR LES VERS DE TERRE EISENIA ANDRE

2.3 Analyses biochimiques et chimiques associées aux essais écotoxicologiques sur le vers E andre

2.3.1 E SSAI DES COMETES

2.3.1.1 Notions théoriques

L’essai comète en conditions alcalines, employé pour mettre en évidence de possibles effets génotoxiques des substances étudiées, a été élaboré en 1988 par Singh et al. (44). Il s’applique bien aux cœlomocytes de vers de terre, cellules impliquées dans les fonctions immunitaires des vers de terre (45).

A l’échelle moléculaire, l’endommagement de l’ADN peut être une rupture d’un ou des deux brins, la perte d’un acide nucléique ou la liaison entre deux bases azotées d’un même brin ou de deux brins distincts (46). Des mécanismes de réparation de l’ADN sont efficaces dans une certaine mesure. Lorsque l’endommagement est trop important, cette réparation n’est plus suffisante et des effets peuvent être observés sur la physiologie des organismes affectés. Il s’agit par exemple de l’apparition d’effets néfastes sur leur reproduction et leur croissance. La mort des cellules dont le génome est altéré peut survenir à terme (47). Plusieurs réactions biochimiques, survenant dans les cellules, peuvent expliquer les effets génotoxiques de certains

21 CO. Une interaction directe entre les CO et les espèces oxygénée réactives (ROS) naturellement présentes dans la cellule peuvent former des radicaux libres. Les CO peuvent également être à l’origine de la formation de ces mêmes ROS dont certaines - les radicaux hydroxyles par exemple – sont très réactifs avec les macromolécules biologiques. Dans ces deux cas de figure, les radicaux en surplus vont pouvoir interagir avec l’ADN et causer les altérations mentionnées ci-dessus (48). Mesurer l’endommagement de l’ADN après une exposition au(x) CO est donc pertinent dans bien des cas. L’autre intérêt spécifique de cet essai est sa grande sensibilité, qui permet la détection d’effets avant même l’apparition de symptômes physiologiques.

En pratique, l’essai comète consiste à faire migrer l’ADN par électrophorèse sur gel d’agarose. Les cellules sont fixées sur une lame d’observation microscopique, leurs parois cellulaires sont brisées et l’ADN est déroulé. La vitesse de migration (donc la distance parcourue dans un temps donné) est majoritairement influencée par la masse molaire des brins (fragmentés ou non d’ADN). Le nom de comète s’explique bien par la répartition de l’ADN contenu dans une cellule lors de l’observation finale en microscopie en fluorescence. Les brins d’ADN non endommagés constituent la tête de la comète, puisqu’ils ne migreront que très lentement de par leur haut poids moléculaire. La fragmentation des brins qui résulte de l’endommagement de l’ADN génère des fragments d’autant plus petits que le dommage est important. Ces fragments sont capables de migrer plus rapidement (plus faible poids moléculaire) et constituent ainsi la queue de la comète Figure 5.

2.3.1.2 Essai comète : protocole pour la préparation des lames

La première étape est d’extraire les cellules sur lesquelles l’essai va être effectué. Pour les vers de terre, ce sont les cœlomocytes qui sont classiquement extraits en plongeant le ver de terre

Figure 5 : Photographie d’une comète lors d’une observation par microscopie en épifluorescence.

22 dans un milieu d’extrusion. Celui-ci contient 5 % d’éthanol et 95 % de solution saline (8,5 g.L- 1 de NaCl) ainsi que 2.5 g.L-1 de Na

2-EDTA et 10 g.L-1 de guaiacol glycéryl ether (45, 49). La suspension contenant les cellules dans le milieu d’extrusion est centrifugée et le surnageant est éliminé. Les cellules sont remises en suspension dans un tampon phosphate, dans un volume équivalent à celui éliminé. La centrifugation et la remise en suspension sont répétées une nouvelle fois. Les cellules sont ainsi lavées deux fois.

La viabilité des cellules dans notre suspension doit être vérifiée, avant de poursuivre les manipulations. Pour cela, une fraction de la suspension cellulaire est mélangée (ratio 1 :1 en volumes) avec du bleu de Trypan. Cette technique est connue pour colorer en bleu des cellules mortes. Après 15 minutes d’attente, l’hémacymètre est rempli avec cette solution. L’observation et le dénombrement des cellules se fait au microscope. Les critères d’acceptation pour utiliser la suspension cellulaire sont une viabilité supérieure à 80 % et une densité cellulaire comprise en 200 000 et 500 000 cellules par millilitre.

Lorsque la qualité de la suspension cellulaire est confirmée, les cellules sont fixées sur une lame de microscope pré-enrobée d’agarose. Pour cela, la suspension est mélangée en ratio 1 :1 (en volumes) avec une solution de LMPA (Low Melting Point Agarose) 1 % maintenue liquide dans un bain à 37 °C, puis est déposée sur la lame préparée et recouverte par une lamelle en plastique. La lame est immédiatement placée bien horizontalement dans une glacière remplie de blocs réfrigérants pour maintenir une température autour de 4 °C à l’intérieur. Après avoir attendu 15 minutes, les gels sont solidifiés et il est alors possible d’enlever avec précaution la lamelle. Les parois des cellules prises dans ce gel vont être lysées par la suite. Pour cela, les lames sont placées dans une solution de lyse. Cette solution est une solution saline contenant entres autres du Na2EDTA et DMSO comme agents protecteurs de l’ADN contre certaines enzymes (ex : les protéases). La présence de détergent triton-X-100 force la rupture de la membrane plasmique suite à un choc osmotique (50). Les lames restent immergées dans la solution de lyse pendant 1 h à 4 °C.

A partir d’ici et jusqu’à ce que les lames soient déshydratées, les manipulations se font à la lumière rouge. Les lames sont retirées de la solution de lyse et égouttées délicatement sur du papier absorbant, avant d’être placées dans la chambre de l’électrophorèse (Bio-Rad, Hercules, US). Elles sont recouvertes par le tampon électrophorétique, dans un premier temps pour

23 permettre le déroulement de l’ADN. La cuve est couverte de blocs réfrigérants de tous les côtés pour maintenir les lames à basse température. Le déroulement dure 20 minutes. Le courant est ensuite allumé pour permettre la migration de l’ADN sur le gel d’agarose. Pour avoir une vitesse de migration satisfaisante, lente mais suffisante pour séparer les brins, le voltage est réglé à 24 Volts et le courant entre 290 et 300 mA en ajustant le volume de tampon au besoin. La migration dure 24 minutes. Les lames sont par la suite neutralisées par trois lavages successifs avec une solution de tampon Tris 0,4 M (pH 7.5) et finalement déshydratées par immersion dans de l’alcool dénaturé (95 %) pendant au moins 30 minutes, suivi d’un séchage d’une heure à température ambiante.

2.3.1.3 Essai comète : lecture des lames et interprétation des résultats

La lecture des lames pour l’acquisition des données est effectuée par observation en fluorescence de l’ADN, après une coloration appropriée de l’ADN.

Le colorant retenu par le CEAEQ pour ce protocole est le SYBR GREEN I, qui se lie par des liaisons faibles (Van der Waals) et spécifiques aux acides nucléiques constitutifs de l’ADN (51). Vingt microlitres de SYBR GREEN (solution diluée) sont déposés sur la lame, puis recouverts d’une lamelle en verre. Après une attente de vingt minutes, il est possible de procéder à l’observation en microscopie à fluorescence (microscope Zeiss Axio Imager M2, Oberkochen, Allemagne). La coloration mise en œuvre est instable à la lumière ; il est alors préférable de prendre les photos des cellules observées rapidement, puis de traiter les images par la suite.

Figure 6 : Allure des comètes observées en fonction de la classe attribuée. Pour cette illustration,

24 Pour les études présentées par la suite, nous avons choisi un décompte manuel des comètes, en attribuant à chaque comète observée une classe allant de 0 lorsque l’ADN est intact à 4 lorsque les dommages sont extrêmes (voir chapitre 3 et Figure 6).

L’instrument présent au laboratoire est équipé du logiciel Comet VI permettant un traitement automatique des photos. Le logiciel calcul plusieurs paramètres des comètes, basés sur leur intensité et/ou leur longueur. Ce type de traitement des données est favorisée dans les lignes directrices de l’OECD (52) et fréquemment rencontré dans la littérature (53–56). Le problème que nous rencontrons est un estompement très rapide de la coloration des comètes. La détection automatique des comètes par le logiciel perd en fiabilité et par conséquent les résultats par cette méthode de traitement des données. Ce phénomène a déjà été rapporté (46) (voir Sup. Infos. Chapitre 2). Pour pallier au problème, nous avons choisis de n’exploiter que le traitement de données par classification visuelle.

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