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Ayant validé la pertinence de notre approche dans un cas simple, nous allons maintenant aborder le problème qui nous intéresse directement, en calculant les forces qui s’exercent sur une particule adhérant à une paroi et soumise à un flux d’air. Le but final est de parvenir à établir un critère numérique de ré-entraînement des particules qu’il soit possible d’implémenter dans une simulation ultérieure de type lagrangienne.

Géométrie et maillage

La géométrie de l’écoulement considéré présente une singularité au niveau du contact entre la sphère et le plan. En effet, nous ne pouvons pas mailler l’écoulement autour d’un contact ponctuel ; et même si le contact est surfacique, il présentera des angles trop aigus qui nuiront à la qualité des mailles au voisinage du contact. Nous avons contourné cette difficulté en posant la

sphère sur un socle cylindrique de hauteur un vingtième de rayon. Cette simplification a malgré tout un sens physique car un contact ponctuel génèrerait une contrainte infinie au point de contact.

Figure 7.5: Différentes vues du domaine de calcul de l’écoule-ment autour d’une sphère posée sur une paroi. La distance en

amont de la sphère est de 9 rayons, et 19 rayons en aval.

En conservant les mêmes contraintes fortes que précédemment, le domaine s’avère un peu plus délicat à mailler. En posant la sphère sur une paroi, nous perdons la symétrie sphérique qui nous avait permis d’inclure la sphère dans un cube dont nous avions projeté les côtés sur la sphère. Nous avons donc divisé la sphère en deux hémisphères. L’hémisphère supérieur a été maillé de la même façon que pour la sphère libre. L’hémisphère inférieur a quand à lui été divisé en quartiers afin d’exploiter la symétrie de révolution autour de l’axe sphère-plan.

Étude de convergence en maillage

Lors d’une simulation numérique, il convient de s’assurer que le maillage utilisé est suffisam-ment fin, mais pas non plus trop fin, ce qui allongerait les calculs sans apporter de précision supplémentaire. Pour cela on effectue une étude de raffinement. Nous ne l’avons pas fait pour l’étude de l’écoulement autour d’une sphère libre car nous disposions de mesures expérimentales auxquelles comparer nos résultats, ce qui n’est pas le cas ici. Signalons cependant que le maillage réalisé pour l’écoulement autour d’une sphère libre était probablement trop fin par rapport à notre besoin : une étude de raffinement nous aurait peut-être épargné du temps de calcul.

Nous avons donc réalisé différents maillages de finesses croissantes, calculé l’écoulement autour de la sphère, et comparé les profils de vitesse obtenus, représentés sur le graphe (7.6).

Figure 7.6: Profils de vitesses en aval d’une sphère en fonction de la finesse du maillage utilisé

Maillage Nombre d’hexaèdres CD CL

Grossier 26 000 1,19 0,42

Moyen 210 000 1,20 0,30

Fin 710 000 1,21 0,31

Très fin 1 680 896 1,20 0,31

Figure 7.7: Étude de raffinement du maillage : précision de calcul des coefficients de trainée et de portance

Le tableau (7.7) représente l’évolution des coefficients de traînée et de portance en fonction de la finesse des maillages utilisés. On constate qu’au delà d’un maillage moyennement raffiné de 210 000 éléments, le gain de précision ne justifie pas le doublement du temps de calcul. Nous avons donc effectué toutes les simulations dont les résultats sont présentés ci-après avec ce maillage. Il comporte 1400 faces de bord sur la surface de la sphère, socle cylindrique compris, ce dernier étant divisé en deux couches dans son épaisseur.

Options numériques

À l’exception de la face d’entrée, les conditions aux limites appliquées sont identiques aux cas de la sphère libre. Notons que nous avons appliqué une condition aux limites de type wall à la plaque plane. La face d’entrée étant en contact avec la paroi, nous avons nécessairement besoin d’imposer un profil de vitesse en entrée. Nous ne connaissons pas à priori ce profil de vitesse. Nous avons de bonnes raisons de penser, étant donné la petite taille des particules étudiées, que ces dernières sont immergées dans la sous-couche visqueuse de la couche limite. Cela implique que le profil de vitesse auquel elles font face est linéaire. Néanmoins, nous ne connaissons pas la pente de ce profil, ou de façon équivalent le taux de cisaillement.

Nous avons donc fait le choix de calculer analytiquement le profil de vitesse d’un écoulement parallèle à une plaque plane semi-infinie. Le détail de ce calcul se trouve au chapitre B. La simplification des équations de Navier-Stokes, compte-tenu des particularités de l’écoulement sur une plaque plane, permet d’obtenir un système d’équations différentielles du premier ordre

pouvant être résolu numériquement et à la précision voulue. Les profils de vitesses obtenus sont appelés profils de Blasius, et présentent la propriété d’être autosimilaires. Cela signifie qu’ils conservent exactement la même forme tout au long de leur évolution le long de la paroi, et changent seulement d’échelle : ils sont « étirés ». On observe également qu’une certaine portion du profil peut-être approximée par un profil linéaire, ce qui confirme notre intuition de départ. La figure 7.8 représente le profil de vitesse que nous avons appliqué au cours de nos simulations.

0 1 2 3 4 5 x/d 0 1 2 3 4 5 y/d 3U U∞

Figure 7.8: Profil de vitesse utilisé en entrée lors de nos simula-tions. Les unités de distance sont indiquées en rayons de sphère, et la vitesse en unité arbitraire. Le profil correspond au dévelop-pement d’un profil de Blasius à une distance de 66 rayons de

sphères du bord de la plaque.

Nous avons fixé le nombre de Reynolds de paroi à 32 400, ce qui correspond à placer la sphère à une distance de 66 rayons du bord de la plaque. De cette façon, nous sommes assez loin pour nous affranchir d’effets de bords éventuels et soumettre la particule à un profil de vitesse de Blasius complètement développé. Mais si nous avons choisi précisément cette valeur, c’est pour pouvoir comparer nos résultats à ceux de Sweeney & Finlay [127], qui sont les seuls, à notre connaissance, à avoir simulé l’écoulement laminaire d’un fluide autour d’une sphère posée sur une paroi.

Résultats

Les résultats de 45 simulations sont présentés sur la figure (7.9). Ils représentent l’évolution des coefficients de traînée et de portance en fonction du nombre de Reynolds local. Les valeurs obte-nues sont comparées aux valeurs expérimentales compilées par Brown et Lawler [23], ainsi qu’à celles obtenues numériquement par Sweeney et Finlay [127]. Nous avons ajusté empiriquement la courbe du coefficient de traînée par une courbe d’équation CD= 50/Re.

Figure 7.9: Évolution des coefficients de traînée et de portance d’une sphère posée sur une paroi en fonction du nombre de

Rey-nolds local de l’écoulement

Figure 7.10: Force de portance FL en fonction du nombre de Reynolds local ReL, pour les plus petites valeurs de ce dernier

On constate que le coefficient de portance devient négatif à faible Reynolds. Physiquement, cela signifie que la force exercée sur la particule n’a plus tendance à la soulever mais au contraire, à la maintenir en contact. Cette observation ne cadre cependant pas avec les résultats de Sweeney et Finlay. Ce résultat nous semblant suspect, nous avons tracé la courbe de la force de portance en fonction du nombre de Reynolds local pour les valeurs les plus faibles de ce dernier, sur la figure 7.10, afin de vérifier que la force de portance tend bien vers zéro avec le nombre de Reynolds, ce qui montre a minima que ce n’est pas absurde physiquement.

Il est à noter que l’on observe l’apparition d’instabilités à partir d’un Reynolds local égal à 300, ce qui est en accord avec ce qui est décrit dans la littérature [1, 116]. Physiquement, ces instabilités annoncent que l’ont commence à arriver dans une zone de transition entre un écoulement laminaire et un écoulement turbulent. Ces instabilités se présentent par exemple sous la forme de décollements de couches limites périodiques, et sont responsables d’oscillations des grandeurs observées (vitesse, pression, coefficients de traînée et de portance), comme illustré sur la figure 7.11. Les valeurs représentées sur la figure 7.9 sont donc, à partir de 300 pour le Reynolds local, des valeurs moyennes.

Figure 7.11: Apparition d’instabilités sur les coefficients de traî-née et de portance à partir d’un nombre de Reynolds local égal

à 300.

Figure 7.12: Écoulement autour d’une sphère à Reynolds local = 100. Pression sur la sphère et vitesse sur les lignes de champ.

Il aurait été possible de caractériser les oscillations observées grâce au nombre de Strouhal (Vincenc Strouhal, 1850-1922). Physiquement, il représente le rapport du temps d’advection et du temps caractéristique de l’instationnarité. Si f est la fréquence des instationnarités, L une longueur caractéristique de l’obstacle et Ula vitesse de l’écoulement non-perturbé, il s’exprime par la formule (7.13). Cependant, nous avons utilisé un pas de temps variable en temps et en espace, et dans ce cas l’interprétation physique des instabilités que l’on observe est très hasardeuse.

St = f · L

U (7.13)

La figure 7.12 représente quelques lignes de courant de l’écoulement autour d’une sphère pour un nombre de Reynolds local égal à 100, correspondant à un nombre de Reynolds local égal à 350. La pression est représentée sur la sphère ainsi que sur le plan, et les lignes de courant sont colorées en fonction de la vitesse de l’écoulement. On constate qu’il existe des recirculations juste en aval de la sphère, et que le point d’application des forces de pression n’est pas au centre de la sphère mais un peu au dessus, ce qui confirme l’hypothèse de Sharma et al. que nous évoquerons plus tard, voir pour cela l’équation (8.15)

Pour finir, nous allons observer le rapport entre les contributions des termes visqueux et de pression aux efforts de traînée et de portance. Le tableau 7.1 présente, pour tous les ordres de grandeurs du nombre de Reynolds local que nous avons explorés, ces contributions en pourcen-tages. Pour le coefficient de traînée, on constate que plus le nombre de Reynolds diminue, plus la part visqueuse prend le dessus. Pour le coefficient de traînée, c’est la plupart du temps la part de pression qui domine, sauf vers ReL= 1 où la part visqueuse atteint un maximum. Dans tous les cas, les deux contributions sont substantielles et aucune ne peut être négligée devant l’autre.

Tableau 7.1: Contributions des termes de pression et de viscosité aux efforts de traînée et de portance

ReL CD CL

Pression (%) Viscosité (%) Pression (%) Viscosité (%)

0,001 34,0 66,0 87,9 12,1 0,01 34,0 66,0 88,2 11,8 0,1 33,8 66,2 95,6 4,4 1 34,3 65,7 42,1 57,9 10 40,0 60,0 61,6 38,4 100 59,0 41,0 91,4 8,6