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Spectroscopie d’émission à l’état stationnaire

1. DES IONS DANS UNE MATRICE

1.2. Quelques expériences simples

1.2.2. Spectroscopie d’émission à l’état stationnaire

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Précautions expérimentales

Alors que la puissance du faisceau nécessaire à une mesure spectrale d'absorption reste assez faible pour ne pas blanchir le niveau fondamental de l'espèce considérée, on doit, pour recueillir des spectres d'émission, réussir à exciter suffisamment des niveaux supérieurs.

Dans le cas le plus simple, typiquement pour des ions isolés assimilables à un système à deux niveaux, la quantité de lumière disponible dépend essentiellement des deux facteurs ci-dessous:

- La physique de l'émission décrit l'intensité émise par ion excité comme inversement proportionnelle au produit de la section efficace d'émission par la durée de vie radiative, caractéristiques du matériau (cf. p. 49).

- La géométrie de l'excitation et de la collection déterminent l'importance de la réabsorption des photons émis par des ions voisins au repos.

Si les systèmes à quatre niveaux tels que Nd3+ dans sa transition à 1,06 µm ne sont pas concernés par cette dernière remarque, la réabsorption depuis le niveau fondamental est un handicap pour l'observation de l'émission vers 1,5 µm des ions Er3+. L'issue expérimentale est alors de localiser l'excitation dans une zone du cristal proche de sa surface et de s'assurer que le signal collecté provient du même endroit.

Lorsqu'on s'intéresse à des phénomènes plus complexes comme les transferts d'énergie, il faut également prendre en compte des évolutions non-linéaires de l’émission avec l’intensité du faisceau de pompe.

Ce sujet sera l'objet de la fin de ce chapitre. On peut cependant en déduire dès maintenant un pré–requis expérimental supplémentaire : il est nécessaire que les photons d'excitation soient répartis de façon homogène dans la zone d'où l'on extrait la lumière émise.

Dans la pratique, la plupart des spectres présentés ci-après ont donc été relevés en focalisant le faisceau issu de diodes laser collimatées sur la tranche polie des

cristaux à proximité de leur arête, ou, dans le cas de diodes couplées lors de leur fabrication dans des fibres monomodes, en approchant la face clivée de ces dernières très près de la même zone (cf. Figure 1-12).

Le signal était quand à lui recueilli grâce à une fibre multimode de 50 µm de diamètre de cœur, approchée le long de l'arête perpendiculairement à la face supérieure également polie des substrats jusqu'à la zone d'excitation.

Figure 1-12: Schéma de principe de la mesure de fluorescence.

Outre la bonne homogénéité de pompage et la minimisation de l'effet de réabsorption, cette configuration à 90° permet de s'affranchir beaucoup plus facilement des photons résiduels à la longueur d'onde d'excitation que dans le cas d'un détecteur aligné sur l'axe de la source après la traversée d'un échantillon et associé à divers filtres. Elle a également permis d'utiliser en l'état les cristaux doucis sur la face arrière dont on disposait.

Les expériences résolues dans le temps décrites plus loin constituent une vérification a posteriori du bien fondé de ces principes de mesure.

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Mesures résolues en puissance de pompage

La Figure 1-13 donne un exemple de spectre d'émission recueilli conformément aux remarques précédentes à l'aide d'une diode laser à 1,48 µm. Elle permet d'identifier rapidement ceux des niveaux qui possèdent une composante radiative non négligeable. Au vu de la faiblesse du signal recueilli dans la partie verte du spectre, on s'est essentiellement intéressé à l'évolution des pics autour de 1,53 et 0,98 µm, c'est-à-dire aux photons émis depuis les niveaux 4I13/2 et 4I11/2. Les résultats des mesures sont présentés plus loin et exploités simultanément (cf. p. 48).

Er:LiNbO3 Faisceau de pompe collimaté Détecteur Tranche polie Face polie Fibre multimode Objectif ×20, ouverture 0,35 (focalisation sur 5,3 µm de rayon à 1/e2)

Figure 1-13: Spectre d'émission d'un échantillon d'Er:LiNbO3 dopé à 1,09%, excité vers 1,48 µm et avec 10 nm de résolution.

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Calcul de la section efficace d’émission

On a vu que la métrologie des intensités de fluorescence est une discipline complexe, qui réclame un grand nombre de précautions expérimentales. Il existe en revanche diverses méthodes de calcul de la section efficace d'émission σe d'espèces actives, à partir de données plus accessibles. On peut en particulier montrer que le spectre d’émission est relié au spectre d‘absorption selon1:

σe = σa exp{(ε - hν) / kBT} Eq. 1-17 Dans cette équation, kB est la constante de Boltzmann, T la température en kelvins, hν l’énergie des photons à la longueur d’onde à laquelle on compare les deux sections efficaces et ε une énergie d’excitation caractéristique des niveaux considérés. On calcule ε à partir de la population à l’équilibre de ces derniers.

Dans le cas de la transition à 1,5 µm des ions Er3+, si on appelle N1 et E1j la population et les énergies des sous–niveaux Stark du niveau fondamental 4I15/2, mesurées par rapport au plus bas, puis N2 et E2j les mêmes grandeurs pour le niveau excité 4I13/2, on écrit ainsi :

N1 = N2 exp(ε / kBT) Eq. 1-18

1 [MINa] W. J. Miniscalco et coll., Opt. Lett., 16, 4 (1991) p. 258.

600 800 1000 1200 1400 1600 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2 1,4 1,6 In te ns ité r ec ue ill ie (n W ) Longueur d'onde (nm)

N1 N2 =

Π1

Π2 exp(E0 / kBT) Eq. 1-19

Ici, l’énergie E0 sépare les deux plus bas sous–niveaux de 4I15/2 et 4I13/2, et Π1 et Π2 sont les fonctions de partition au sens de Boltzmann définies par (i: 1 ou 2):

Πi = 1 +

j=2 jmax

exp(−Eij / kBT) Eq. 1-20

On note l’existence d’un faible écart entre les valeurs de Eij déduites, dans la littérature1, de mesures en lumière polarisée et à très basse température. Il est attribué à l’occupation de divers sites cristallins par les ions erbium incorporés dans LiNbO3. Le rapport des fonctions de partition Π12 obtenu est de l’ordre de 0,82 à 25°C (kBT ~ 208 cm-1) et on déduit:

ε = E0 + kBT ln(Π12) ~ 6487 cm-1 Eq. 1-21

Figure 1-14: Spectres d’émission étalonnés, calculés à partir des spectres d’absorption en configuration guidée d'un échantillon d'Er:LiNbO3 dopé à 1,09%. Résolution : ~ 0,5 nm.

La Figure 1-14 montre les spectres d’émission calculés à partir des spectres d’absorption de la Figure 1-10. Leur morphologie est en bon accord avec ceux relevés lors des expériences et les sections efficaces avec les valeurs calculées par la méthode de Fuchtbauer-Ladenburg2.

1 [HUAa] C. Huang et coll., J. Lightwave Technol., 12, 5 (1994) p. 803. [WIT] O. Witte et coll., J. Phys. D: Appl. Phys., 29 (1996) p. 561.

2 [TER] L. Terrier, Rapport de Stage FIRST 2ème année, Université de Bourgogne, 1992-93.

1450 1500 1550 1600 0 5 10 15 20 25 polarisation π polarisation σ Se ct io n ef fi ca ce d m is si on (* 10 -2 1 cm 2 ) Longueur d'onde (nm)