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2.2 Spectroscopies vibrationnelles

2.2.3 Spectres Raman des échantillons

Dans cette partie, je vais présenter les spectres Raman des différents échantillons, et faire le lien avec la structure des verres silicatés et de GeO2 détaillés dans le chapitre précédent. Je vais commencer par présenter les verres entièrement polymérisés SiO2 et GeO2, les verres partiellement dépolymérisés et la signature Raman des sites Qn.

Le verre d’oxyde de germanium GeO2

Le spectre Raman de l’oxyde de Germanium est présenté figure 2.7. On distingue plu-sieurs bandes larges, qui correspondent à différents modes de vibrations dans le verre. Je vais rappeler l’attribution de ces différentes bandes.

— La bande à 420 cm−1 est appelée bande principale. Elle correspond au mode de torsion (bending) de la liaison Ge-O-Ge. Cette bande et son équivalent dans la silice ont longtemps été considérés comme un mode d’étirement [19]. Des simulations numériques [81] et l’utilisation croisée de spetrocopies Infrarouge, Raman et Hyper Raman [82] ont permis de mieux définir les modes de vibrations des amorphes, et ont permis de conclure sur la nature de ce mode particulier. Le modèle à force centrale développé par Sen et Thorpe [83] permet de relier le nombre d’onde des modes de torsion aux angles des liaisons inter-tétraèdres correspondantes :

ν2

BPGe−O

200 400 600 800 1000 595 566 Intens i t é R a m an (u.a.) Déplacement Raman (cm -1 ) 520

Figure 2.7 – Spectre Raman du verre d’oxyde de Germanium GeO2

oùαGe−O etmOreprésentent la constante de force de la liaison Ge-O et la masse de l’atome d’oxygène.

— La bande à 520 cm−1est appelée bande D2 ou bande de défauts. Il s’agit du mode de respiration des anneaux à trois tétraèdres [81]. Les anneaux comprenant de quatre à dix tétraèdres ne sont pas observables en spectroscopie Raman dans le cas du verre de GeO2.

— Il a été porposé que les bandes à 566 et 595 cm−1 proviennent du split TO-LO du mode d’étirement de la liaison Ge-O [19].

— Dans la même étude, il a été proposé que les bandes à 860 cm−1 et au-delà pro-viennent du split TO-LO du mode d’étirement antisymétrique de la liaison Ge-O-Ge [19].

— L’attribution de la bande à 345 cm−1 est discutée. Il s’agirait du mouvement de l’atome de germanium dans sa cage d’oxygène [19].

La silice SiO2

Le spectre Raman de la silice est présenté sur la figure 2.8 et l’attribution des diffé-rentes bandes est détaillée ci-dessous :

— La bande à 440 cm−1correspond à la bande principale. C’est donc la bande repré-sentative du mode de bending Si-O-Si et l’équation 2.5 reste valable [26, 82]. — Les bandes à 490 et 600 cm−1correspondent au mode de respiration des anneaux à

200 400 600 800 1000 1200 Intens i t é R a m an (u.a.) Déplacement Raman (cm -1 )

Figure 2.8 – Spectre Raman du verre de silice SiO2 quatre et trois tétraèdres respectivement [84–86].

— Les bandes à plus hautes fréquences sont plus délicates à interpréter. L’analyse de la densité d’états vibrationnelle obtenue par simulation numérique montre que les modes précédents correspondent bien à des modes de torsion (bending) de la liaison Si-O-Si, principalement associés à des mouvements de l’atome d’oxy-gène [26, 85]. Au-delà l’intensité de la densité d’états vibrationnels provient aussi, puis surtout, du stretching, avec un changement autour de 800−900 cm−1. Ainsi la

bande à 800 cm−1 contient à la fois du bending et du stretching asymétrique loca-lisé dans le tétraèdre SiO4[82, 87]. Ces modes sont qualitativement identiques aux modes à 566 cm−1et 595 cm−1 dans le GeO2.

— Les bandes à 1060 et 1200 cm−1ont été identifiées comme des modes de stretching grâce aux spectres pris en infrarouge et en Hyper-Raman [82]. L’étude de ces modes dans des verres dépolymérisés montrent leur grande sensibilité à la concentration de SiO4(4−n)−, n étant le nombre d’oxygènes liants du tétraèdre. De plus, le rapport entre leurs intensités respectives suit le facteur de dépolarisation prévu selon les règles de sélection du groupe d’espace Td, c’est à dire pour des vibrations circons-crites au tétraèdre SiO4. Ce sont donc deux modes d’étirement présents dans le tétraèdre SiO4[82].

On peut noter que l’analogie entre les verres SiO2et GeO2remet en cause l’attribution des bandes données par [19] pour le spectre Raman du verre GeO2. D’une part, on sait

que les structures de ces deux composés vitreux sont similaires (mais pas identiques), et on doit retrouver les mêmes bandes sur le spectre Raman, éventuellement à des positions différentes. D’autre part les parties haute fréquence des spectres Raman des deux verres sont très similaires. On peut interpréter les deux bandes hautes fréquences comme dans le verre de GeO2comme équivalentes aux bandes hautes fréquences dans la silice. C’est cette interprétation que nous avons suivie lors de ce travail de thèse.

Les unités Qn

Enfin on a vu que l’ajout d’ions alcalins a pour effet de dépolymériser le réseau, en brisant les chaines Si-O-Si avec l’apparition d’oxygènes non-pontants. On se réfère à ces sites comme des sites "Qn", n étant le nombre d’oxygènes pontants liés à l’atome de sili-cium. Pour illustrer l’influence des ions modificateurs de réseau sur le spectre Raman, je présente sur la figure 2.9 les spectres des verres binaires SiO2−Na2O, appelés verres NSx (tels que XSiO2−Na2O), d’après l’étude de Bernard Hehlen et Daniel Neuville [88] :

Figure 2.9 – Spectres Raman de verre binaires NSX tels que XSiO4−Na2O [88]. L’insert montre la région du pic boson.

On observe bien que l’ajout de sodium provoque l’apparition de bandes de plus en plus intenses à hautes fréquences. Ce sont les modes d’étirement des liaisons Si-O dans les espèces Qn. La nature des sites Qnet leur concentration suivent bien la concentration en sodium. En effet, plus il y a de sodium dans le verre, plus on observe des sites pré-sentant une forte dépolymérisation (Q4 → Q0), et dans des proportions de plus en plus grandes, avec des bandes Raman de plus en plus intenses à hautes fréquences. Il a été

montré que les positions en fréquences de ces bandes varient en fonction de la composi-tion, de la pression et de la température [89]. Plus spécifiquement, Malfait et al. ont utilisé l’analyse par composantes principales sur un grand nombre de spectres Raman d’échan-tillons ayant une proportion variable de sodium [90]. Ils ont pu extraire les contributions de chaque espèce Qn au niveau du spectre Raman. Nous présentons leurs résultats dans la figure 2.10, qui est issue de leur article [90]. Sur la base de ces résultats, les auteurs

Figure 2.10 – Contributions de chaque espèce Qn au spectre Raman d’un verre SiO2(1−x)− Na2O(x)dans la gamme 25% x  40% [90].

proposent que chaque espèce Qn donne lieu à deux contributions dans les bandes Raman situées entre 900 et 1300 cm1, et que ces contributions ne varient pas en première ap-proximation avec la composition. Seule la composante à plus haute fréquence du massif attribué aux unités Q2augmente en intensité et se décale vers les hauts nombres d’onde lorsque la proportion de sodium diminue.

Dans la figure 2.9, on observe également une modification du spectre dans la région 200 et 700 cm−1lors de l’ajout de sodium. On a vu que cette région du spectre contient les modes de torsion (bending) de la liaison Si-O-Si. Ces modes se trouvent modifiés lors-qu’ils mettent en jeu des espèces Qn[91, 92]. Ainsi la bande principale qui met en jeu les sites Q4décroit en intensité avec la dépolymérisation, tandis que son équivalent avec des Q3augmente. Cette dernière est visiblement plus fine et se trouve à un nombre d’onde plus élevé, ce qui témoigne d’un angle ayant une distribution plus fine et une valeur moyenne plus élevée.

L’insert de la figure 2.9 insiste sur une gamme de fréquence, proche de la raie Rayleigh, dans laquelle on trouve une signature spectroscopique propre aux matériaux amorphes : le pic boson. Ce pic boson est dû à un excès de modes vibrationnels par rapport à la théo-rie de Debye, mais l’interprétation du pic et l’origine de cet excès font l’objet d’un débat. Comme nous ne traitons pas du pic boson dans ce travail, je ne présente pas les modèles permettant de discuter de son origine. Il fait quand même consensus qu’il provient de l’ordre nanométrique du verre, le plus lointain.

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