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Spectre proton d’une pâte de ciment

2.2 Spectroscopie RMN

2.2.3 Spectre proton d’une pâte de ciment

Le spectre statique à 500 MHz d’une pâte de C3S-b hydraté est constitué d’un pic unique à

environ 5 ppm, dont la largeur à mi-hauteur est d’une dizaine de kHz (voir figure 2.2). La réalisa- tion d’un spectre MAS à 10 kHz permet de mettre en évidence au moins deux pics, comme nous pouvons le voir sur la figure 2.2-b. En réalité, comme le montre la figure 2.3, il est nécessaire de faire intervenir quatre raies pour simuler le spectre à 10 kHz :

1. le premier à 8 ppm ;

2. le deuxième relativement large (3,7 kHz) à 7,6 ppm ; 3. le troisième plus fin (2,2 kHz) à 5 ppm ;

4. le quatrième encore plus fin (1,8 kHz) à 1 ppm.

Seuls les deux derniers pics s’accompagnent de bandes de rotation (seules les bandes de premier ordre sont représentées sur la figure).

Nous pouvons confirmer cette décomposition grâce à une vitesse de rotation plus importante. Pour cela, nous avons recours à la spectroscopie haute vitesse, spectroscopie MAS pour laquelle la vitesse de rotation est de 30 kHz. L’intérêt est que d’une part, les pics ont tendance à s’affiner et que d’autre part les bandes de rotation sont éloignées de la base des raies centrales et d’intensité moindre. Les résultats sont présentés sur la figure 2.2. Le spectre haute vitesse peut être décomposé en quatre pics visibles sur la figure 2.4-c. Les positions sont les mêmes que pour le spectre à 10 kHz, les pics à 5 et à 7,6 ppm s’affinent. À cette vitesse, on met en évidence la présence du premier pic à 8 ppm.

espèce protonée zone de déplacement chimique (ppm)

SiO H +16 à +5

H OH +6 à +3

CaO H +4 à -1

TAB. 2.2 – Déplacements chimiques du proton dans les différents environnements présents

dans les ciments (tirés des travaux de Heidemann [55]).

Les valeurs des déplacements chimiques des phases protonées rencontrées dans les ciments sont rappelées dans le tableau 2.2 ; nous proposons d’attribuer les pics comme suit :

1. un pic centré à 8 ppm correspondant aux espèces SiOH dont la liaison est de type solide, car la largeur de la raie est relativement importante ;

2. le pic centré à 7,5 ppm pourrait correspondre à une autre espèce SiOH ou à de l’eau confinée ;

3. le pic centré à 5 ppm correspond à de l’eau ;

FIG. 2.2 – Spectres 1H a) statique et MAS, à b) 10 et c) 30 kHz, d’une pâte de C3S-b hydraté, réalisés sur spectromètre 500 MHz. La rotation permet l’affinement des pics. Les pics marqués par sont des bandes de rotation.

2.2. SPECTROSCOPIE RMN 37

FIG. 2.3 – Décomposition en quatre raies du spectre1H MAS d’une pâte de C3S-b hydraté, réalisé sur spectromètre 500 MHz à 10 kHz de rotation.

FIG. 2.4 – Décomposition en quatre raies du spectre1H MAS haute vitesse d’une pâte de C3S-b hydraté, réalisé sur spectromètre 500 MHz à 30 kHz de rotation.

Il reste cependant quelques points à éclaircir. Notamment, nous ne savons pas à quel(s) type(s) d’eau et de CaOH correspondent les pics à 5 et 1 ppm. Nous montrerons dans la suite comment au moins une partie de ce signal donne des informations sur la porosité.

Attribution du pic à 5 ppm

Nous observons l’influence de différents modes de séchage appliqués sur la pâte de ciment (pâte de C3S-b hydraté trois mois) :

– étuvage à 45Æ

C pendant une semaine ;

– mise à l’équilibre avec une solution saturée de chlorure de lithium pendant deux semaines. À l’équilibre, le système est à 11 % d’humidité relative ;

– chauffage à 120Æ

C en atmosphère sèche (azote) pendant deux heures.

Sur les spectres proton MAS obtenus sur ces échantillons (voir figure 2.5), l’amplitude du pic à 5 ppm diminue par rapport à l’échantillon d’origine. Cette diminution est d’autant plus marquée que le séchage est important. Le pic à 0,7 ppm devient alors prépondérant.

FIG. 2.5 – Spectres 1H MAS d’une pâte de C3S-b hydraté 3 mois ayant subi différents mode de séchage. Réalisés sur spectromètre 500 MHz à 10 kHz de rotation. Les pics marqués par sont des bandes de rotation.

D’une part, cette variation confirme que le signal à 5 ppm correspond à de l’eau et d’autre part elle montre que cette eau est en grande partie l’"eau évaporable" ([5, p.231]), l’eau de la porosité

2.2. SPECTROSCOPIE RMN 39

de la pâte.

Attribution du pic à 1 ppm

Sur la figure 2.6 sont superposés les spectres proton MAS d’une pâte de C3S-b hydraté 3 mois

et séchée, d’une pâte de C3S-b hydraté 5 mois avec 20 % de fumée de silice et également séchée,

d’un C-S-H de synthèse (C/S=0,88) et de portlandite séchée (chauffage à 120Æ

C pendant 2 heures sous atmosphère d’azote).

La quantification par ATD/ATG montre que la pâte de C3S hydraté avec fumée de silice contient

moins de 10 % de portlandite par rapport à la masse sèche totale contre 35 % dans le cas d’une pâte sans fumée de silice.

Ces spectres mettent tous en évidence deux des pics que nous avons déjà mentionnés, le pic de l’eau à 5 ppm et le pic correspondant à la liaison CaOH à 1 ppm. Dans le cas du C-S-H, le pic à 1 ppm est relativement moins important. Dans le cas de la portlandite le pic majoritaire est le pic à 1 ppm dont la largeur s’est accrue (3,3 kHz au lieu de 1,8).

Nous pouvons donc en conclure que le pic à 5 ppm est bien relatif à l’espèce CaOH et qu’il ne peut être possible de distinguer spectroscopiquement les CaOH de la portlandite des CaOH du C-S-H.

Le tableau 2.3 résume les caractéristiques des raies des différents spectres présentés ci-dessus.

Nous aurons par la suite à discuter de la dynamique des molécules observées : les molécules porteuses de protons. Or, nous avons vu qu’il existait plusieurs sites dans une pâte de ciment dif- férentiables par leur déplacement chimique. Cependant, la présence de plusieurs types de liaisons n’est pas suffisante pour que plusieurs raies soient détectées. Pour que plusieurs raies soient obser- vables spectroscopiquement, il faut que les échanges moléculaires entre différents sites ne soient pas trop rapides. Si deux espèces sont séparées par∆ν, le temps de résidence τ d’un proton sur chacun de ces sites est tel que :τ 1∆ν. Si nous considérons les pics d’eau et de CaOH, séparés de∆δ4ppm : ∆ν500 10 6 ∆δ ∆ν2000Hz d’où, τ500µs

Le temps de résidence d’un proton dans chacun des deux sites est donc supérieur à 500 µs.

2.2.4

Conclusion

Nous avons vu dans cette section que la spectroscopie par impulsion unique avec rotation à l’angle magique donne de nombreux renseignements sur le matériau.

FIG. 2.6 – Spectres1H MAS de deux pâtes de C3S-b hydraté : a) curée 3 mois, b) contenant 20 % de fumée de silice curée 5 mois et séchée. Spectres 1H MAS c) de la portlandite séchée et d) d’un C-S-H de synthèse (C/S=0,88). Réalisés sur spectromètre 500 MHz à 10 kHz de rotation. Les pics marqués par sont des bandes de rotation. On remarque notamment que le pic à 1 ppm est dû aux espèces "CaOH" présentes dans la portlandite et dans les C-S-H.

2.2. SPECTROSCOPIE RMN 41 échantillon vitesse de rotation (kHz) pic position (ppm) largeur de raie (kHz) proportion (%)

C3S hydraté statique pic 1 5 9 62

pic 2 10 21 38 C3S hydraté 10 pic 1 8 1,6 47 pic 2 7,6 3,7 19 pic 3 5 2,2 22,6 pic 4 1 1,8 11,5 portlandite 10 pic 1 1 3,3 99 pic 2 6 0,5 1 C-S-H (C/S 0,88) 10 pic 1 5 3,7 71 pic 2 4,5 1 27,6 pic 3 1 0,3 0,7 C3S hydraté 30 pic 1 8 9,3 32 pic 2 7,6 2,5 14 pic 3 5 1,8 27 pic 4 1 1,7 26 portlandite 30 pic 1 1 1,6 90 pic 2 6 10

L’application de cette méthode à des "phases pures" et à des pâtes de C3S préparées de diffé-

rentes façons met en évidence cinq environnements chimiques différents pour le proton dans une pâte de C3S hydraté, dont sont différenciables par spectroscopie : deux environnements de type

SiOH, le deuxième pouvant être également associé à la présence d’eau confinée, un environnement de type eau liquide et deux environnements de type CaOH non dissociables spectroscopiquement, l’un dans la portlandite, l’autre dans le C-S-H.

La majeure partie du pic attribué à l’espèce HOH correspond à l’eau évaporable.

Les différentes espèces protonées sont relativement fixes : leur temps de vie est relativement important.