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Des spécificités dans les recueils de la pré-expérimentation «EPL et DD» et dans les

Partie I Contribution à une didactique du développement durable

3. Etude exploratoire pour un état des lieux

3.3. Des spécificités dans les recueils de la pré-expérimentation «EPL et DD» et dans les

Québec (C. Abel-Coindoz)

En complément des enquêtes effectuées lors des stages et des témoignages recueillis sur les conférences Educagri, nous nous sommes appuyés sur 2 expériences :

 la pré-expérimentation «EPL et DD» (octobre 2002 à mars 2003) préparant à la recherche-action «le développement durable dans et par les EPL» (Programme National Agriculture et Développement Durable 2003-2006, Axe2)

 le réseau des Etablissements Verts Bruntland (EVB) au Québec, qui depuis 1992 tente de mettre en œuvre le DD dans des écoles dans un premier temps, puis dans des établissements d'enseignement secondaire.

L'analyse qualitative de ces 2 expériences a fait apparaître d'autres caractéristiques ou des précisions sur les représentations et pratiques en lien avec le DD que nous présentons ci-après.

3.3.1. Condition du recueil

Dans le cadre de la pré-expérimentation 2 établissements ont été suivis par une cellule d'appui au rythme d'une rencontre par mois : les analyses suivantes s'appuient sur les comptes-rendus de ces réunions.

Concernant les EVB, une mission fin novembre 2002 a permis de rencontrer différents acteurs de ce réseau, en particulier des enseignants et élèves d'une part, des animateurs de la démarche d'autre part (coordination nationale, un chercheur-concepteur d'outils pédagogiques et des formateurs d'enseignants, nous avons pu en particulier assister à une ½ journée de formation d'enseignants).

3.3.2. Une entrée par l'environnement privilégiée, faisant apparaître des tensions

La grande majorité des thèmes cités, des actions menées concernent l’entrée environnementale, abordée sous 3 angles principalement :

 environnement nature « biodiversité, écologie »

 environnement problème « gestion des déchets, eau, énergie »

 environnement cadre de vie « cadre de vie, paysage »

Des tensions fortes apparaissent entre 2 représentations opposées de la nature :

 une vision de la nature, processus écologique

« Suite à la tempête, on s’empresse de tout nettoyer [les espaces verts du lycée]. Des enseignants proposent en STAE (cours sur foret et sol) plutôt que de tout faire disparaître, de laisser un arbre couché : analyser un bouleversement plutôt que tout faire disparaître, intérêt écologique »

 une vision de la nature maîtrisée, contrôlée

« Pour d'autres cet arbre couché est considéré comme laid et le laisser en place est incompréhensible. »

« On est sur un problème de culture : « le beau », c’est le « propre » (avec des arbres debout !) Pas de mauvaises herbes, de piqûres d’insectes… »

3.3.3. Une entrée sociale limitée

Dans un cas l'entrée sociale est réduite aux bonnes relations entre les personnes et à l'insertion des élèves

« Au début très mauvaise relation pour certains personnels et pour les élèves[entre CFA et lycée] La mise en place d’actions communes semble améliorer les relations. »

« Le volet social est vu sous l’angle de l’insertion sociale et professionnelle des élèves », « mise en place d’un comité de prévention. Avoir une vision globale de l’élève dans le site, ce qui va ou pas, son projet professionnel, prévenir les violences ou « malaises », démarche de prévention individualisée. »

Dans un autre cas l'entrée sociale, affichée au travers du thème de la solidarité, se révèle réduite à la mise en place d'actions caritatives, auprès des plus démunis, des malades ou des enfants du tiers monde.

3.3.4. Le «bio» : une solution «toute prête» non questionnée Dans un site, le choix d'une production bio est effectué sans réflexion amont sur le DD. «Parcelle trop petite pour un maraîchage classique. D’ou l’idée de mettre en œuvre un maraîchage bio. Au début le bio est un choix pratique, une opportunité»

Ce choix permet d'afficher une démarche agriculture durable. Mais quand il est envisagé d'appliquer le bio à d'autres productions, des questionnements apparaissent qui amènent les enseignants à interroger la notion de DD. «On s’est interrogé sur comment appliquer aux autres secteurs la réflexion du Bio [espaces verts, production florale]. En production florale l’entrée n’est pas alimentaire comme dans le maraîchage bio, ça pose question.»

3.3.5. Des actions «concrètes» à vocation éducative et de sensibilisation

Dans plusieurs établissements, la mise en place d'actions «concrètes» ayant trait au DD est conçue dans un but éducatif et relève d'une volonté de sensibilisation.

« Agir et sensibiliser demeurent les objectifs principaux», «Faire une sensibilisation à l'écocitoyenneté, au DD», «Les actions réalisées nous servant de support de sensibilisation, il nous apparaissait important que les élèves puissent mesurer, à l’échelle de la scolarité, les effets des actions entreprises. »

« Donc actions à la fois hors temps scolaire et support pédagogique en classe.»,

«Volonté que chaque action soit une action concrète qui puisse être utilisée en pédagogie et être l’occasion de sensibiliser l’ensemble des personnes de l'établissement »

 De fait, malgré un affichage fort autour du DD, ce concept est peu investi dans les cours et c'est dans des activités hors temps scolaire qu'il est le plus souvent traité.

Certains expliquent la nécessité de mettre en place des actions dans l'établissement pour illustrer de ce qu'est le DD parce que les exemples manquent dans le territoire.

«Lors de la mise en place de la journée DD le plus dur a été de trouver des exemples d’actions concrètes pour illustrer le DD. Des actions à l’interne permettraient d’illustrer des nouveaux programmes : les enseignants trouveraient un intérêt à des actions sur le DD dans l’établissement ».

Pour autant, seul un très petit nombre d'enseignants s'appuie réellement sur les actions menées dans les établissements pour réaliser leurs cours.

De ce fait ces actions sont ressenties par certains comme relevant d'une logique militante, idéologique.

 C'est beaucoup au travers de gestes techniques ou «citoyens» que le DD est abordé.

On apprend aux élèves à trier les déchets, à économiser le papier, à réduire sa consommation d'eau, à faire du compost, à gérer les effluents…

3.3.6. Un fossé entre la conception de démarches pédagogiques et leur mise en oeuvre

Dans le cadre du réseau EVB, des outils pédagogiques ont été élaborés à partir d'un travail poussé sur le concept de DD, en choisissant des thèmes «portes d'entrée» permettant d'aborder ce concept (alimentation, consommation responsable…) et en concevant des démarches et progressions pédagogiques pour aider les élèves à en appréhender les tenants et aboutissants. Ces outils sont diffusés auprès des enseignants des EVB, parfois accompagnés d'une demi journée de «formation» (présentation de l'outil).

Mais la mise en œuvre par les enseignants se révèle bien souvent éloignée des intentions et démarches pédagogiques voulues par les concepteurs des outils pédagogiques.

S'agissant des activités hors temps scolaire, elles se réduisent souvent à des gestes citoyens, à apprendre des «bonnes pratiques» sans travail associé sur le concept de DD.

Pour ce qui concerne l'enseignement, bien que nous n'ayons pas eu l'occasion d'assister à de véritables cours, les échanges que nous avons eus nous laissent supposer, que pour certains enseignants, les démarches pédagogiques proposées dans les outils n'étaient pas mobilisées dans toute leur ampleur et que c'est une logique de «bonnes pratiques» qui guide leur approche.

4. Obstacles épistémologiques, leviers du