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3.3. Analyse des anomalies chromosomiques des CMT

4.1.2. Spécificités des microARN

Les microARN sont des petits ARN non codants endogènes d’une vingtaine de nucléotides, capables d’inhiber - par appariement complet ou partiel - un ARNm après sa transcription. Ces petits acides nucléiques semblent jouer un rôle physiologique majeur, d’une part puisqu’ils seraient impliqués dans quasiment tous les processus cellulaires (Janga and

Vallabhaneni, 2011); et d’autre part puisqu’ils semblent très bien conservés entre espèces

(Landgraf et al., 2007). La mise en lumière récente de ces petits ARN apporte un niveau de

complexité supplémentaire à la compréhension de la régulation de l’expression génique et leur découverte constitue une des grandes avancées scientifiques de cette dernière décennie.

Chez l’Homme, on dénombre plus de 1872 séquences précurseurs de microARN au niveau du génome (selon la base de données miRbase au 1er juillet 2013 -

http://mirbase.org/) et on estime à plus de 30% la proportion des transcrits pouvant être

régulés par appariement complet avec un microARN (Lewis et al., 2005). Cette proportion de cibles putatives est très largement sous-estimée, puisqu’il est aujourd’hui démontré que les microARN agissent majoritairement par complémentarité imparfaite avec leur cible.

DECOUVERTE DES MICROARN

Les microARN ont été découverts par une équipe américaine qui, dès les années 80, avait montré que le produit du gène lin-4 du nématode Caenorhabditis elegans régule négativement l’expression de la protéine LIN-14, facteur essentiel de la phase L2 du développement embryonnaire (Ambros, 1989). Quelques années plus tard, la même équipe démontra que le gène lin-4 ne code pas pour une protéine, mais pour 2 petits ARN de 22 et de 61 nucléotides – nommés à l’époque respectivement lin-4S (Short) et lin-4L (Long) (Lee et al., 1993).

La séquence nucléotidique de lin-4S, homologue à une partie de lin-4L, est également partiellement complémentaire à la région 3’ non traduite (région 3’-NTR) du transcrit LIN-14, suggérant un mécanisme d’inhibition de type anti-sens. Cette répression a été considérée à l’époque comme un phénomène rare et spécifique à C.elegans et lin-4S et lin-4L ont alors été dénommés petits ARN temporels.

Ce n’est qu’en 2000 que l’existence de petits ARN temporels endogènes et récurrents fut à nouveau évoquée. L’effet répresseur de lin-4 sur LIN-14 et sur LIN-28 a été confirmé, mais également celui de let-7, de structure semblable à lin-4, et régulant quant à lui les transcrits

LIN-14, LIN-28, LIN-41, LIN-42 et DAF-12 (Reinhart et al., 2000). Le terme de microARN a finalement été proposé en 2001 par (Lee and Ambros, 2001).

Par la suite, l’observation de ce phénomène dans des espèces appartenant à tous les règnes biologiques, suggérant la conservation de ce mécanisme de régulation à travers l’évolution, en a souligné le rôle fondamental.

SYNTHESE ET EDITION DES MICROARN

Les microARN sont transcrits à partir de gènes isolés, polycistroniques ou localisés dans les introns de gènes codants (‘mirtrons’) (Kim and Kim, 2007).. Ces gènes possèdent un promoteur qui leur est propre ou dépendent de la transcription et de l’épissage de leur gène hôte.

Dans tous les cas, ceux-ci sont transcrits par l’ARN polymérase II (Lee et al., 2004) en une longue structure tige-boucle primaire, le pri-microARN (Figure 28) qui subit par la suite une maturation nucléaire via le complexe Microprocessor (composé de l’enzyme Drosha et de son partenaire DGCR8). Un précurseur pré-microARN de 70 nucléotides est libéré, pris en charge via son extrémité 3’ par l’exportine 5 (transporteur GTP-dépendant) et exporté vers le cytoplasme. La ribonucléase Dicer clive le pré-microARN au niveau de sa boucle et libère un ARN duplexe, recruté par la protéine Argonaute (Ago), constituant du complexe catalytique RISC (RNA-Indued Silencing Complex). Le brin d’ARN possédant la plus faible stabilité thermodynamique est sélectionné via son extrémité 5’, constituant la forme active du microARN. L’autre brin est quant à lui la plupart du temps dégradé (Figure 29). Il est à noter que dans certains cas, le brin-sœur du microARN d’intérêt peut également être utilisé par la cellule, l’expression préférentielle de chacun des brins étant spécifique du tissu étudié (Ro et al., 2007).

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Au cours de leur maturation, les microARN peuvent subir un phénomène d’édition, correspondant à la modification post-transcriptionnelle de leurs nucléotides et conduisant à une modification de leur action. Ils pourraient également être dégradés par des exoribonucléases 3’-5’, dont la nature demeure inconnue chez l’Homme.

FIGURE 29:SYNTHÈSE ET MÉCANISME DACTION DES MICROARN

D’après (He and Hannon, 2004)

FONCTION DES MICROARN

La régulation de la synthèse protéique par les microARN fait intervenir plusieurs mécanismes : l’inhibition des ARNm cibles dépend du respect de certaines modalités d’interaction nucléotidique d’une part, et de composition et de conformation du complexe RISC d’autre part.

Un microARN reconnaît sa cible par complémentarité nucléotidique. Il se fixe de manière préférentielle au niveau de l’extrémité 3’-NTR d’un transcrit mature, mais peut également se fixer sur toute la séquence de celui-ci (y compris en 5’-NTR).

Chez les Métazoaires, cet appariement est rarement parfait (contrairement aux plantes chez lesquelles la complémentarité est totale), mais répond aux critères suivants (Grimson

et al., 2007) (Figure 30) :

la complémentarité doit être totale pour les nucléotides 2 à 8 du microARN. Cette région appelée noyau (ou seed) constitue l’élément principal et suffisant de reconnaissance de l’ARNm. La présence d’un résidu A ou U en position 1 ou 9 augmente d’autant plus cette efficacité d’inhibition (Lewis et al., 2005).

La présence d’une boucle de misappariement au centre du microARN empêche les clivages endonucléolytiques.

Enfin, un appariement moins exigeant sur 4 ou 5 nucléotides en région 3’ du microARN permet de stabiliser le complexe, voire de compenser un éventuel mésappariement au niveau du noyau.

Ces modalités d’appariement conduisent à la possibilité, pour un même microARN, de réguler plusieurs centaines de transcrits différents.

L’efficacité de la répression exercée par un microARN sur une cible est influencée en premier lieu par l’absence d’obstacle à l’action catalytique, comme par exemple un encombrement protéique. La structure de l’ARNm en amont et en aval du site de fixation (15 nucléotides) ou la présence d’un codon stop influence également l’action du microARN (Sun et al., 2010).

Il est possible que les microARN ciblent un ARNm de manière simultanée, menant à une synergie d’action (à condition que les sites de liaison respectent les distances décrites ci-dessus).

FIGURE 30:MODALITÉS D'APPARIEMENT D'UN MICROARN SUR UNE CIBLE

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L’activité catalytique des microARN est exercée par l’intermédiaire du complexe RISC, composé d’une protéine Ago et d’une hélicase permettant de dissocier les ARN double brin. Le type de protéine Ago confère au RISC sa spécificité d’action : une association avec Ago2 possède une activité endonucléolytique, alors qu’une association avec les autres types d’Ago (1, 3 ou 4) confère une action d’inhibition sans dégradation de la cible

(Okamura et al., 2004) (Broderick et al., 2011) (Figure 29). Les fonctions des protéines Ago

sont également régulées par un jeu de modifications protéiques diverses (hydroxylation, ubiquitination, phosphorylation…) (Meister, 2013).

Chez l’Homme, l’inhibition de la cible serait le mécanisme dominant. Elle se traduirait par une modification de la stabilité des ARNm (déadénylation puis isolement dans les granules de stress à ARN) (Leung et al., 2006), une inhibition de l’initiation de la traduction (par compétition des complexes RISC et EIF4F au niveau de la coiffe méthylguanosine située en 5’ de l’ARNm) (Kiriakidou et al., 2007) (Ryu et al., 2013) ; ou encore un ralentissement de l’élongation polypeptidique (par recrutement des protéines EIF6 ralentissant l’assemblage des ribosomes et provoquant relâchement prématuré de ces derniers) (Maroney et al.,

2006) (Chendrimada et al., 2007). A l’heure actuelle, nous ne savons pas si ces régulations

ont lieu de manière simultanée ou si elles sont spécifiques à la nature de chaque microARN.

S’il est maintenant bien établi que les microARN jouent un rôle de régulateurs négatifs de la traduction, de récents travaux semblent également montrer l’existence d’une régulation positive sur certaines cibles. Nous citerons pour exemple l’action du microARN miR-369-3 qui, par fixation en 3’-NTR du transcrit TNFα (Tumor Necrosis Factor Alpha), recrute la protéine FXR1 et les polyribosomes qui lui sont associés, induisant une activation de la traduction (Vasudevan et al., 2007) De plus, les microARN semblent également impliqués dans les boucles de régulation complexes, et un microARN peut - par inhibition d’un transcrit codant pour un facteur de modulation négatif de la transcription ou de la traduction – jouer un rôle d’activateur indirect d’une cible secondaire (Tu et al., 2009).

En 1998, (Fire et al., 1998) ont montré que des particules d’ARN double brin exogènes pouvaient inhiber, par un mécanisme de type catalytique et de façon spécifique, le transcrit mature d’un gène donné. Ces travaux sont à la base du concept d’interférence par l’ARN, qui n’est autre que l’application synthétique de l’action des microARN endogènes.

NOMENCLATURE

Depuis leur révélation chez C.elegans, de nombreux microARN ont été découverts. Pour éviter les redondances et l’attribution anarchique de noms à ces nouvelles molécules, une nomenclature consensuelle a été proposée par (Ambros et al., 2003), respectant les modalités suivantes :

L’assignation d’un nom à un microARN n’a lieu qu’après publication de sa séquence confirmant expérimentalement son existence.

À l’exception des premiers microARN décrits (présentant les préfixes lin- et let-), le nom d’un microARN est toujours composé d’un préfixe mir- pour les précurseurs ou miR- pour les formes matures ; suivi d’un nombre attribué de manière séquentielle, reflétant l’ordre de découverte de la molécule.

Les gènes codant pour les microARN portent les mêmes noms que ces derniers, en conservant la codification conventionnelle relative à chaque organisme.

Pour plus de clarté ou lorsque le microARN est spécifique d’une espèce donnée, il est possible d’ajouter, en début de nom, un attribut d’espèce (hsa- pour H.sapiens, cel- pour C.elegans, ebv- pour un microARN apporté par un génome viral…).Des microARN orthologues portent le même nombre principal, seul l’attribut d’espèce change.

Deux microARN provenant des bras opposés d’un même pré-microARN, portent comme suffixe supplémentaire -5p et -3p (en fonction de l’extrémité 3’ ou 5’ du précurseur dont ils sont issus). Lorsque les niveaux d’expression relative des 2 formes de microARN sont connus, un astérisque remplace ce suffixe et indique le microARN le plus faiblement exprimé. Cependant, cette nomenclature dépendante du système biologique observé tend à être abandonnée.

Des microARN présentant des séquences quasi-identiquesporteront le même nom, suivi d’un suffixe lettré en minuscule.

Des pré-microARN issus de gènes différents et donnant naissance aux même microARN matures seront suivis d’un second suffixe numéraire.

Les noms et séquences de tous les microARN décrits sont consultables en ligne sur la base de données miRbase (http://microrna.sanger.ac.uk/) (Griffiths-Jones et al., 2006).

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