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Les patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) sont connus pour être à risque accru d’infection ano-génitale à HPV à haut risque persistante, et à risque élevé de néoplasies intra-épithéliales et de cancer génital.

Il en est de même au niveau oral. La prévalence de l’infection orale au HPV est plus élevée chez les populations infectées par le VIH, s’élevant à 80%. Les études montrent également que les individus infectés par le VIH sont plus susceptibles d'abriter des génotypes de HPV à haut risque dans leur muqueuse buccale. Le

HPV32, spécifiquement oral et connu pour son implication dans les lésions d’hyperplasie épithéliale focale orale, semble être beaucoup plus répandu dans les infections asymptomatiques au HPV et les verrues que dans la population générale. En effet, il a été détecté dans 37% des patients infectés par le VIH. Les lésions buccales associées au HPV telles que les condylomes, verrues et papillomes surviennent également plus fréquemment. Les condylomes sont souvent multiples,

dits « en cluster », et peuvent confluer pour former des excroissances assez volumineuses. Le risque de survenue de carcinome épidermoïde est plus élevé, jusqu’à 6 fois plus que pour la population générale (Douvier and Dalac, 2004) (Prabhu and Wilson, 2013) (Dridi et al., 2009) (Syrjänen, 2011) (Rautava and Syrjänen, 2011) (Amornthatree et al., 2012) (Beby-Defaux et al., 2011) (Markowitz et al., 2014) (Denny et al., 2012) (Fatahzadeh et al., 2013) (Anaya-Saavedra et al., 2013).

Dans l’étude de Amornthatree et ses collègues, la prévalence de l’infection orale à HPV 16 était significativement plus élevée chez les patients infectés par le VIH que chez les patients séronégatifs (Amornthatree et al., 2012).

Les recherches de Lima et son équipe montrent également que la prévalence du HPV au niveau oral est plus élevée chez les femmes infectées par le VIH que chez les femmes séronégatives. En effet, l’ADN du HPV a été détecté dans la muqueuse buccale de 11% des 100 femmes séropositives étudiées (7 à haut risque et 4 à faible risque) et 2% des 100 femmes séronégatives (les deux à faible risque). Aucune des femmes ne présentait de lésion buccale. Selon cette étude, dans le groupe VIH-positif, la probabilité d’apparition d’une infection à HPV de la muqueuse orale est donc environ 6 fois plus élevée que chez les femmes séronégatives (Lima et al., 2014). Cela conforte les résultats de l’étude de Fatahzadeh et al. : 87% des 52 patients infectés par le VIH étaient alors HPV-positifs au niveau oral (Fatahzadeh et al., 2013). Cependant, au vu du nombre limité de patients dans ces deux études (200 et 52 respectivement), d’autres études restent nécessaires afin de confirmer ces résultats.

En 2012, Read et ses collègues ont cherché à déterminer la prévalence orale du HPV chez 500 hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Parmi ces hommes, 249 étaient HIV-positifs. Les résultats ont montré que 19% des hommes séropositifs et 7% des hommes séronégatifs étaient contaminés par HPV au niveau de leur muqueuse buccale. HPV 16 a été détecté chez 4,4% des hommes HIV-positifs et 0,8% des hommes HIV-négatifs (Read et al., 2012).

La probabilité d'infection orale par le HPV est influencée par la gravité de l'immunosuppression chez les personnes VIH-positives, en particulier quand les lymphocytes T CD4+ sont inférieurs à 200/mm3. Cependant, l’immunosuppression seule ne peut pas tenir compte de l’augmentation de la prévalence du HPV chez les patients infectés par le VIH (Fatahzadeh et al., 2013) (Syrjänen, 2011).

Le risque accru d’infection par le HPV chez ces patients a été associé à une réponse immunitaire cellulaire réduite entrainant une diminution de la capacité à combattre et effacer l’infection, mais également à une susceptibilité augmentée, la thérapie antirétrovirale hautement active, le vieillissement des patients infectés par le VIH, et l’interaction directe entre les deux virus (Syrjänen, 2011) (Denny et al., 2012).

Les données sur le potentiel lien entre HPV et VIH sont limitées. Il semblerait déjà que le VIH joue un rôle dans la pathogénèse du HPV en exhortant le stimulus oncogénique via la protéine Tat. Il peut également supprimer la régulation de la transcription et traduction de HPV. Enfin, en plus d’augmenter l’expression des protéines E6 et E7 dans les kératinocytes oraux HPV-positifs, le VIH renforce la capacité de prolifération des cellules (Amornthatree et al., 2012) (Bosch et al., 2013)

(Syrjänen, 2011).

Le HPV est considéré comme plus dangereux chez les personnes VIH-positives en raison de l'impact du VIH sur l'immunité cellulaire, normalement requise pour la clairance de l'infection au HPV (Denny et al., 2012).

Depuis l’introduction du traitement antirétroviral hautement actif (HAART pour Highly Active Antiretroviral Therapy), des études ont constaté une augmentation de la fréquence et de la persistance des lésions buccales et cancers de la bouche associés aux HPV (deux à six fois par rapport à la population générale) chez les personnes infectées par le VIH. La thérapie antirétrovirale est le traitement actuel standard de l’infection à VIH, qui consiste en une combinaison de trois ou quatre groupes de médicaments antirétroviraux, comprenant les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI), les inhibiteurs non-nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI), les inhibiteurs de protéases (IP) et les inhibiteurs de fusion (IF). Ce traitement a permis de diminuer la prévalence des maladies opportunistes et d’améliorer la qualité de vie des patients infectés par le VIH (Amornthatree et al., 2012).

Dans l’étude de Anaya-Saavedra et al., 6,9% des 787 patients atteints par le VIH ou le syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA) présentaient des lésions buccales liées au HPV. Ces lésions ont été associées à un âge supérieur à 40 ans, et à la prise d’un HAART depuis plus d’un an. En effet, les patients étant sous HAART depuis plus de 12 mois avaient un risque triple d’avoir une lésion buccale associée à HPV (Anaya-Saavedra et al., 2013). De même, Greenspan et ses collègues ont décrit une augmentation des verrues orales de 5% chez les personnes infectées par le VIH sans traitement antirétroviral, de 15% chez les patients sous traitement antirétroviral autre que la multithérapie et de 23% chez les patients sous HAART (Greenspan et al., 2001). Cependant, à ce jour, il n’y a pas suffisamment de preuves scientifiques pour conclure que la multithérapie pourrait être un facteur de risque pour le développement et la progression de ces lésions. La hausse des lésions buccales liées à HPV dans l’ère de l’HAART pourrait être liée à la capacité de prolifération des kératinocytes fournis par les gènes tat, rev et vpr du VIH qui stimulent l’expression des gènes L1, E1 et E6 des HPV, ou tout simplement l’allongement de l’espérance de vie offert par la multithérapie (Anaya-Saavedra et al., 2013). Dans leur étude King et son équipe décrivent une association entre la présence de lésions buccales liées au HPV et une baisse conséquente de la charge virale du VIH dans les 6 mois précédents, suggérant ainsi que les verrues buccales peuvent représenter une forme de syndrome inflammatoire de reconstitution immunitaire se produisant en réponse à l’amélioration de l’immunité cellulaire, ce qui a également été proposé par Meys et ses collaborateurs (King et al., 2002) (Meys et al., 2010).

La prévalence élevée des infections orales aux HPV à haut risque chez les patients VIH+, ajoutée à leur sensibilité accrue de développer des tumeurs malignes ainsi qu’à la hausse des cancers oropharyngés liés au HPV souligne la nécessité de programmer des dépistages appropriés chez les patient séropositifs (Anaya-Saavedra et al., 2013).

Partie III :

Conduite à tenir du

chirurgien-dentiste omnipraticien

La découverte d’une lésion buccale peut se faire de manière fortuite au cours de l’examen clinique par le praticien ou peut être le motif de consultation du patient. En présence d’une lésion buccale nodulaire ou papillaire acquise, l’odontologiste se doit d’établir une démarche diagnostique (Dridi et al., 2004).