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2 Une spécialisation favorable au développement de la finance parallèle

156. La finance parallèle, aussi appelée shadow banking ou encore finance de

l’ombre, est définie par le Conseil de stabilité financière comme étant « un système d’intermédiation de crédit auquel concourent les entités et activités extérieures au système bancaire régulé »426. Cette définition a été reprise par la Commission européenne dans son Livre vert sur le système bancaire parallèle427. Le Conseil de stabilité financière a identifié deux dimensions de la finance parallèle, l’une portant sur les entités et l’autre sur les activités. Ainsi, la finance parallèle se caractérise par des entités non régulées qui effectuent des activités traditionnellement rattachées aux banques, telles que la collecte de fonds ayant les mêmes caractéristiques que les dépôts, le transfert des risques de crédit et le recours à l’effet de levier. Cette première caractéristique se combine avec une seconde qui est la définition de la finance parallèle par ses activités telles que la titrisation, les opérations de pension, ou encore les prêts de titres428. Plus simplement, la finance parallèle désigne le financement non bancaire

de l’économie, un financement par les marchés financiers.

425 ROBEQUAIN L., « “Baleine de Londres” : les dirigeants de JP Morgan au banc des accusés », Les

Échos, 15 mars 2013. Disponible sur : http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/finance-marches/ac

tu/0202645216474-baleine-de-londres-les-dirigeants-de-jp-morgan-au-banc-des-accuses-549701.php.

426 « The shadow banking system can be broadly defined as “the system of credit intermediation

that involves entities and activities outside the regular banking system”. » Financial Stability Board, Shadow Banking : Strengthening Oversight and Regulation, 27 oct. 2011, p. 3.

427 Commission européenne, Livre vert : le système bancaire parallèle, Belgique, 19 mars 2012, p 3. 428 NOUY D., « Les risques du Shadow banking en Europe : le point de vue du superviseur bancaire »,

157. Bien que la finance parallèle ait longtemps été considérée comme une

innovation financière pouvant contribuer à améliorer la liquidité429 et la gestion des risques dans le secteur bancaire et financier430 et qu’elle ait encore aujourd’hui une utilité avérée pour certaines sociétés, la crise de 2007 a montré sa propension aux activités instables pouvant générer de graves conséquences lorsque le risque se réalise431. En effet, il existe de nombreux mécanismes de transmission des risques de la finance parallèle au secteur bancaire régulé. Par exemple, une société ayant des difficultés à obtenir un prêt bancaire va emprunter de l’argent à une autre société qui, pour sa part, a accès au crédit bancaire. La société intermédiaire accepte de prendre un risque de crédit en contrepartie d’un taux d’intérêt élevé imposé à la société à laquelle elle prête. Cependant, si la première société ne rembourse pas la seconde, cette dernière pourrait avoir à son tour des difficultés à s’acquitter de sa dette auprès de la banque. C’est alors la banque qui supportera le risque de crédit pris à l’origine par la société intermédiaire. Par ailleurs, le Conseil de stabilité financière estime, malgré les difficultés d’évaluation, que les activités de finance parallèle auraient doublé en dix ans, représentant entre 30 % et 40 % du système financier régulé432. Dès lors, les législateurs et les régulateurs cherchent à encadrer la finance parallèle dont les activités sont à la frontière du champ d’intervention traditionnel des régulateurs.

158. Les partisans du modèle de banque universelle craignent que la séparation des

activités bancaires entraîne un transfert des activités cloisonnées vers la finance parallèle. Les sociétés non bancaires pratiquant la finance parallèle n’ont pas à respecter la règlementation bancaire, et notamment les ratios prudentiels. Or, le respect de telles dispositions a un coût qui, selon les défendeurs de la banque universelle, n’est pas négligeable et qui vient corrélativement augmenter le coût du crédit pour les clients433. Si le coût devient trop élevé, les clients auront peut-être tendance à se tourner

429 V. glossaire.

430 CLAESSENS S., POZSAR Z., RATNOVSKI L. et SINGH M., « Shadow Banking : Economics and

Policy », International Monetary Fund, 4 déc. 2012, p. 6 et s.

431 NOUY D., op. cit.

432 DE VAUPLANE H., Shadow Banking : La prochaine bulle ?, 1er juill. 2012. Disponible sur :

http://alternatives-economiques.fr/blogs/vauplane/2012/07/01/shadow-banking-la-prochaine-bulle/.

vers les prêts offerts par la finance parallèle. Toutefois, cela reste une pure hypothèse, d’autant que cet argument, s’il est systématiquement invoqué par les partisans du modèle de banque universelle, il n’a jamais été expliqué précisément dans ses mécanismes et sa mise en œuvre.

159. Les arguments invoqués en faveur du modèle de banque universelle ne sont

pas convaincants et demeurent insuffisants face à la nécessité d’appliquer un principe de précaution au système bancaire. En revanche, les partisans du modèle de banque universelle mettent l’accent sur d’autres causes d’instabilité économique qu’il faudrait aussi règlementer. En effet, le modèle de banque universelle ne doit pas être stigmatisé comme étant l’unique cause de la crise de 2007. Néanmoins, spécialiser les activités bancaires demeure une bonne solution pour éviter un nouvel effondrement du système bancaire et financier. Il faut d’ailleurs souligner que M. Sanford I. Weill, ancien président-directeur général de Citigroup Inc. ayant contribué à la dérèglementation bancaire de 1999 aux États-Unis434, s’est prononcé en faveur d’une séparation des

activités bancaires en 2012435. Si la séparation est admise sur le principe, sa mise en œuvre par les différents projets est insuffisante.

434 V. supra, n° 31.

435 MATTHEWS C., « Former Citigroup Head Sandy Weill Calls for Breaking up the Banks », Time

Business & Money, 26 juill. 2012. Disponible sur : http://business.time.com/2012/07/26/former-

Chapitre 2 – Les objections aux projets

séparation

160. Les lois bancaires ont la particularité de devoir comporter des dispositions

d’ordre général et d’autres extrêmement précises. La généralité permet à la loi d’être applicable à l’ensemble des opérations bancaires et financières susceptibles d’être réalisées par une banque. En effet, des instruments financiers sont créés régulièrement par la pratique, or les nouveaux instruments n’entreraient pas dans le champ d’application de la loi dans l’hypothèse où celle-ci serait trop spécifique. D’un autre côté, la précision évite le contournement des contraintes posées par la loi, voire son inapplicabilité dans le cas où les opérations visées ne seraient pas définies précisément. Ces deux considérations ont été résumées par Gilles Carrez, ancien président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire à l’Assemblée nationale : « Je crains la sophistication à l’extrême des produits financiers et, partant, l’inventivité de certains banquiers »436. S’il faut reconnaître que la

réalisation de ces projets n’était pas aisée, leurs dispositions sont bien trop conciliantes. Ces projets auraient dû être plus sévères (SECTION 1), et peut-être même aller jusqu’à l’élaboration d’un Glass-Steagall Act contemporain, en prohibant totalement le modèle de banque universelle (SECTION 2).

Section 1 – Des réformes a minima

161. Les séparations des activités bancaires mises en place par les lois française,

anglaise, américaine et allemande, et par les projets européens sont critiquables du fait de leur complaisance, voire même de leur quasi totale inefficacité. Certains vont jusqu’à qualifier la loi bancaire française de « retouche cosmétique »437. Ainsi, non

seulement le choix de la technique de filialisation pour séparer les activités bancaires nuit à l’efficacité des réformes proposées (§1), mais en plus le contenu des réformes est extrêmement lacunaire pour permettre une séparation réelle et effective (§2).