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Soutenir la filière rizicole

3 LES VOIES D’AMELIORATION

3.5 Revoir les politiques publiques

3.5.7 Soutenir la filière rizicole

3.5.7.1 Des consommateurs rizivores

Les consommateurs sahéliens, à l’instar des autres consommateurs africains, se détourne des denrées traditionnelles mil et sorgho en faveur du riz et du maïs (Savadogo and Brandt 1988; Savadogo and Kazianga 1999). La figure 4 montre que la part de la consommation du riz des urbains augmente avec la richesse des consommateurs (le quintile 1 sont les plus pauvres). Si les revenus des urbains continuent à augmenter comme dans la dernière décennie, le riz risque de remplacer complètement les autres céréales. Les ruraux seront fortement incités à trouver des moyens de produire plus de riz, que ce soit en pluvial dans les zones guinéennes ou en irrigué.

Figure 37: Consommation de céréales par mois dans 3 grandes villes du Burkina Faso : Source : Savadogo et Kazianga, 1999

Figure 38: Consommation en kilo par personne dans 3 pays du BFN

La consommation de riz par habitant a pratiquement doublé en cinquante ans. Les Maliens, les Nigérians et même, sur le tard, les Nigériens ne résistent plus à l’attrait de cette céréale, principalement en ville. Cette tendance est elle irréversible ? Probablement. Les campagnes de promotion des produits locaux sont rares et timides. Elles s’orientent d’ailleurs plutôt vers le riz local que sur un retour vers la consommation de mil et sorgho.

3.5.7.2 Productivité et compétitivité

Les rendements du riz asiatiques sont plus élevés, mais il ne faut pas confondre la productivité par hectare, rendement ou marge, avec les coûts de production par unité produite le kilo ou la tonne, qui eux permettent de comparer les avantages de différents systèmes de production. Des rendements élevés et même la double ou triple culture ne signifie pas qu’un pays a des avantages à produire du riz. Le riz japonais bien que le plus productif du monde, n’est pas compétitif. Seuls les subventions très élevés protègent la riziculture Japonaise. Si le coût de production par kilo d’un riz produit sur les rizières asiatiques et son transport jusqu’aux consommateurs africain revient plus cher que le riz produit dans le bassin du Niger, le consommateur africain se tournerait à nouveau vers le riz africain.

En Afrique les rendements du riz sont plus faibles mais ils ne signifient pas que les coûts de production par unité produite y soient plus élevés qu’en Asie. L’évolution probable des coûts de production favorise d’ailleurs l’Afrique. En Asie les coûts de la terre et de l’eau augmentent rapidement à cause de l’industrialisation, de l’urbanisation et de l’enrichissement des consommateurs asiatiques. Le coût de la main d’œuvre augmente aussi très vite, notamment dans les principaux pays exportateurs de riz. Il est peu probable que ces pays restent compétitifs très longtemps.

Dans le bassin du Niger, le coût d’opportunité de la terre est faible, car la terre n’est pas encore un facteur très rare. Il existe de vastes zones sous climat bien arrosé qui ne sont pas exploitées, plus au sud du bassin. Le coût induit de l’eau dans le bassin est quasiment nul car la demande en eau potable et en électricité reste modérée. Le calcul du coût d’opportunité de la main d’œuvre n’est pas très élevé et n’augmentera probablement pas aussi vite que le coût de la main d’œuvre asiatique.

Les calculs qui comparent la compétitivité de la riziculture asiatique et africaine doivent tenir compte du développement rapide de l’Asie, et des gains de productivité récents obtenus sur les périmètres africains. Les résultats récents sont encourageants. Les rendements sont passés de deux tonnes par hectare au début des années 1980 à presque cinq tonnes par hectare dans les années quatre vingt dix (Groupe de travail irrigation, 1997). Fluctuant entre 2 et 8 t/ha, les rendements progressent,

les filières irriguées se professionnalisent et leurs performances économiques s’améliorent. Si les rendements continuent à progresser et se maintiennent entre 5,5 et 8 t/ha, si les filières s’organisent, le riz local devrait améliorer sa compétitivité sur le moyen terme (Raveau, 1998). Plutôt que de condamner une « industrie naissante », il serait préférable de la protéger, le temps de lui permettre de développer des systèmes plus performants.

3.5.7.3 Les importations aléatoires

Une stratégie alimentaire basée sur les importations de riz est risquée. Seul un petit nombre de pays exportateurs fournissent le marché mondial : la Thaïlande, le Viêt-Nam et selon les années l’Inde. Or ces pays essaient de diversifier leur production vers des cultures à haute valeur ajoutée telles que les fruits et légumes. L’engouement des consommateurs asiatiques pour la volaille et le porc entraîne une production croissante de céréales fourragères moins consommatrices en eau et qui feront concurrence à la riziculture. L’exportation du riz rapporte relativement peu de devises et une augmentation des exportations déprime rapidement le cours mondial. Par ailleurs le développement urbain asiatique dans des zones très densément peuplées réduit significativement les surfaces en rizières. Les états asiatiques accordent de l’importance à leur autosuffisance mais une fois celle-ci acquise, ils cherchent à diversifier.

D’autres pays deviennent importateurs, tels que la Chine, l’Indonésie ou le Nigéria. Quand les développés supprimeront graduellement leurs subventions, comme ils sont supposés le faire dans le cadre des accords de l’OMC, les prix mondiaux de grains, riz et blé, vont réduire les surplus mondiaux et vont soutenir les prix, améliorant la compétitivité des productions africaines.

Les pays de l’UEMOA et maintenant les pays de la CEDEAO ont fixé des taxes à l’importation très faibles (autour de 10% plus la TVA). A l’instar du Ghana et du Nigéria, l’UEMOA a pourtant envisagé à plusieurs reprises d'augmenter les taxes communes (TEC) pour les denrées qui pourraient être produites localement telles que les céréales. Cette augmentation ne contredit pas les accords de l'OMC dans la mesure où la plupart des pays pauvres peuvent fixer librement leurs taxes à l’importation pour les produits stratégiques. Les bas tarifs actuels ont été imposés par les Programmes d'Ajustement Structurels des années quatre-vingts et quatre-vingt-dix pour compenser les pertes de production induits par les ajustements par des importations bon marché. Maintenant que la plupart des pays concernés sont redevenus solvables, les gouvernements devraient renégocier avec les institutions internationales qui leur ont imposé l’ouverture des frontières. Le Nigéria par exemple a introduit une taxe douanière de 110 % sur les importations de riz, provoquant une chute drastique des importations,

une hausse des prix intérieurs des céréales et une hausse de la production nationale de céréales, y compris celle du riz. Il n’est pas improbable que l’UEMOA remonte ses prélèvements douaniers sur le riz importé dans les prochaines années.

Figure 39: Importation riz (Source Faostat 2009)

L’évolution des importations du riz au Nigéria est fortement régulée par l’Etat qui impose des périodes d’interdiction ou de fortes taxations. Jusqu’en 1976, les importations étaient nulles. Elles se ont amplifiée à partir de 1977, mais on régressé à partir de 1983 pour rester relativement basses jusqu’en 1997. La reprise des importations vers 1997 s’explique par les mesures Ad Hoc instaurées par l’Etat et visant à faire face à la pénurie de l’époque. A partir de 2003, elles subissent une baisse notable. Cette dernière évolution des importations est fortement corrélée aux rendements, aux surfaces exploitées et la consommation dont la combinaison impose aux importations.

Conclusions : politiques d’appui à l’irrigation

L’irrigation consomme une grande partie des budgets agricoles des états de la sous région. Mais ces investissements ont rarement été à la hauteur des espoirs. Un certain nombre de choix politiques font débats. La distribution de petites parcelles à des cultivateurs qui privilégient le pluvial, pose un problème d’investissement en temps sur les parcelles irriguées. L’incertitude foncière est un autre débat important qui a débouché sur des tentatives de sécurisé la tenure. L’appui aux organisations paysannes est important en termes de formation mais les résultats sont décevants. La professionnalisation des métiers de l’eau n’a pas aboutis à la dynamisation souhaitée du secteur. Les donneurs semblent privilégier la petite irrigation individuelle et privée. Par contre, il faudra

probablement soutenir d’avantage les prix. Le contexte mondial se prête probablement à revoir les politiques de soutiens des prix, disparues lors des Plans d’Ajustement Structurel. Dans tous les cas, la désorganisation des filières reste un des principaux handicaps de l’agriculture irriguée.

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