temps (Bürgenmeier, 2007). Selon la soutenabilité forte, le capital naturel est défini par des
valeurs marchande, intrinsèque et sociale distinctes (de Groot et al., 2002), définies
respectivement en unités monétaire, physique, et qualitative ce qui rend le capital naturel
complémentaire aux autres capitaux. Toutefois, l’économie écologique peut être démunie
pour faire valoir les valeurs non marchandes de l’environnement qui sont généralement
monétisées. Dans ce cas, elle retombe dans la gestion néoclassique de l’environnement et
ne constitue pas un réel dépassement analytique de celle-ci (Bürgenmeier, 2007). La
conclusion de Gibbs (2000) sur la question du développement durable est éclairante à ce
sujet : "Sustainability can only be built around value and institutional shifts in society. This
said, it cannot simply be the values placed on the environment which must change, but also
the value of capital and the maintenance of existing patterns of social relations" (Encadré
2.1.). La section 2.3 introduit comment les services environnementaux peuvent être
produits sans avoir recours à une monétisation de l’environnement.
65
poursuivis
La prépondérance de la valeur monétaire a été instaurée par les économistes classiques et
néoclassiques. Dans la théorie néo-classique qui est aujourd’hui le paradigme dominant, l’individu
rationnel économiquement réalise des choix en comparant les coûts et avantages monétaires de ses
possibilités d’agir (Bürgenmeier, 2007). Si l’on parle de maximisation de fonction d’utilité pour les
consommateurs et de maximisation du profit s’opérant dans des marchés concurrentiels pour les
producteurs, il semble que le but de l’entreprise, la réduction des coûts monétaires, s’élargisse à
l’ensemble de la société (Gowdy et Erickson, 2008). L’économie néo-classique a instauré ce que Gowdy
et Erickson (2008) ont appelé le monisme de la valeur où la valeur est réduite à des unités monétaires
mesurables. Le marché et les entreprises qui le constituent ont le pouvoir d’imposer leurs propres
valeurs à la collectivité et à l’Etat (Galbraith, 1973). La conception actuelle de la richesse qui est dominée
par le monétaire est fondamentalement différente d’une conception élargie au patrimoine naturel et
culturel (Bächtold, 2004). Actuellement, la richesse est déterminée majoritairement par la production
même s’il n’y a, à priori, aucune raison de supposer que les biens produits et vendus portent le plaisir des
hommes à son apogée (Galbraith, 1973). A l’inverse, la richesse patrimoniale se réfère à une vision
totalement différente de la société celle-ci n’est plus appréhendée comme un ensemble d’individus
isolés qui se trouvent dans l’obligation d’échanger pour se rencontrer mais comme un tout uni où les
individus sont tous déjà en relation et où ce qui importe est la qualité de ces individus et la densité des
liens qui les unissent (Bächtold, 2004). D’ailleurs, toutes les théories économiques ne se basent pas sur la
valeur monétaire. Avant la période classique, à l’aube de la révolution industrielle, l’école des
physiocrates établissait un lien étroit entre l’économie et la nature (Bürgenmeier, 2007). La nature était
considérée comme l’unique source de valeur : la nature produit tandis que l’industrie ne fait que
transformer (Löwenthal, 1989). « Jusqu’au début du 20
èmesiècle, les économistes ont rigoureusement
débattu autour d’un éventail de valeurs possibles comme la valeur d’échange opposée à la valeur
d’usage » (Gowdy et Erickson, 2008). Les propos suivants illustrent les débats qui avaient cours à
l’époque et qui opposaient deux logiques : celle quantitative de la valeur d’échange et de la
maximisation des intérêts marchands et celle qualitative de la valeur d’usage et de l’avantage collectif
(Brochier, 1997). Il énonçait dès 1770 : « Le blé peut être regardé comme une production du sol, et sous
cette vue il appartient au commerce et à une législation économique. Ensuite, il peut et il doit être
regardé comme la matière de première nécessité et de premier soin dans l’ordre civil des sociétés, et
sous ce point il appartient à la politique et à la raison d’Etat » (Brochier, 1997).
66
L’ENVIRONNEMENT
L’estimation quantitative de la valeur marchande de l’environnement est la plus aisée.
Toutefois, comme il a été affirmé dans les paragraphes précédents, la valeur marchande est
généralement inexistante puisque les services (biens) environnementaux ne passent
généralement pas par le marché. Les évaluations portant sur les préférences déclarées (i.e.
évaluation contingente), qui seraient les seules à pouvoir mesurer en même temps les
différentes valeurs de l’environnement en termes monétaires (Kramer, 2008; Meyerhoff and
Dehnhardt, 2007; Pearce et al., 2006), sont particulièrement utilisées (Knetsch, 1994;
Kramer, 2008; Meyerhoff and Dehnhardt, 2007; Sagoff, 1988; Strosser, 2010). Dans
l’application de la DCE, les Etats membres ont majoritairement recours à l’analyse
contingente pour monétiser les bénéfices (Strosser, 2010).
L’évaluation contingente présente de nombreux biais liés entre eux mais aussi une
conception particulière de la société et de l’environnement. Premièrement, en demandant le
consentement à payer des individus, l’analyse contingente s’adresse à l’entité de
consommateur et non de citoyen de l’individu (Bateman, 2007; Munda, 1996). Pour
reprendre les termes de Gowdy et Erickson, 2008, « la chaine de raisonnement dans une
analyse coût-bénéfice va des « préférences humaines » aux choix faits dans le contexte du
marché » et, de là de la valeur de marché de ces choix ». Deuxièmement, elle conçoit la
somme des intérêts individuels pris isolément comme semblable à l’intérêt collectif étant
donné qu’elle estime le bénéfice environnemental (collectif) comme étant égal à la somme
des CAP individuels. Ce point est critiqué par plusieurs auteurs dont Munda (1996).
Troisièmement, l’évaluation contingente repose sur une hypothèse très forte, celle de
l’invariabilité de l’utilité marginale de la monnaie qui permet d’additionner les différents
niveaux de CAP (Milanesi, 2010). Enfin, elle s’appuie sur le savoir des individus isolés alors
que tout individu est limité par ces capacités cognitives, computationnelles et de
communication (Crocker, 2007). Dans ce sens, l’individu n’a pas conscience de toutes les
implications d’une décision que ce soit pour lui-même, et encore moins pour les autres
individus, pour les générations futures (Crocker, 2007; Frank et Cook, 1995 cité par Brekke
and Howarth, 2000).
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Dans le document
Un contrôle efficient des émissions d’azote et de phosphore dans le bassin de l’Escaut
(Page 64-67)