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3 Dissection de la transmission de la signalisation œstrogénique dans l’utérus

3.1 La prolifération utérine en réponse à l’E2, de la physiologie à la physiopathologie

3.1.2 Chez la souris

3.1.2.1 Anatomie de l’utérus chez la Souris

Sur le plan anatomique, l’utérus de la souris est bifide. Il est formé de deux cornes utérines dans lesquelles débouchent les oviductes, d’une cavité utérine et d’un col qui constitue une séparation entre les cavités utérine et vaginale.

La structure de la paroi utérine comporte différents compartiments tissulaires ou tuniques ainsi disposées de la lumière vers la périphérie : une muqueuse ou endomètre (composé de l’épithélium et du stroma), une musculeuse ou myomètre, et une séreuse.

70 Figure 24 : Anatomie de l’appareil reproducteur chez la Souris. (D’après Foster HL. et al,

The mouse in biomédical research. Normative Biology, Immunology, andHusbandry. Volume 3, 1991).

L’épithélium, au contact direct de la lumière utérine, est cylindrique et composé d’une couche de cellules épithéliales qui sécrètent du mucus. La hauteur et la structure des cellules épithéliales varient selon la sécrétion des hormones ovariennes au cours du cycle.

Sous l’épithélium, le stroma, dans lequel s’invaginent les glandes utérines, est très vascularisé. Il contient de nombreux fibroblastes ainsi que des cellules du système immuno- inflammatoire.

Le myomètre, tunique intermédiaire, est composé de deux couches concentriques de cellules musculaires lisses entourées par la séreuse (Figure 25).

Figure 25 : Coupe transversale d’une corne utérine de souris colorée à l’hémalun- éosine. L = lumière utérine, E = épithélium, St = stroma, Gl = glandes, My = myomètre, Se =

séreuse

S

M

S

G

E

L

71 3.1.2.2 Le cycle œstral de la souris sous contrôle hormonal

Chez la souris, le cycle œstral s’étend sur environ quatre à six jours (avec des variations inter-individuelles, génétiques et environnementales) et, contrairement au cycle œstral chez la femme, il n’est pas achevé par des menstruations. Le cycle œstral de la souris comprend quatre phases : pro-œstrus, œstrus, métœstrus et diœstrus, qui sont sous le contrôle des hormones gonadotropes et sexuelles, comme chez la femme. Ces différentes phases du cycle sont facilement détectables par un frottis vaginal.

La phase de pro-œstrus correspond à la phase proliférative chez la femme. Cette phase débute suite à la régression du corps jaune du cycle précédent, entraînant alors une chute de la synthèse de progestérone et une augmentation du taux de FSH. Cette première phase du cycle est caractérisée par une maturation des follicules ainsi qu’une prolifération endométriale. La maturation folliculaire favorise la sécrétion des œstrogènes qui induit le passage en œstrus. Sous l’influence des œstrogènes, l’endomètre se régénère, le stroma et le myomètre s’hypertrophient et l’épithélium devient pseudo-stratifié avec envahissement de quelques polynucléaires neutrophiles. L’activité glandulaire s’intensifie (Wood et al., 2007). L’œstrus est caractérisé par la réceptivité sexuelle et l’acceptation du mâle par la femelle. Cette phase est marquée par l’influence des œstrogènes. C’est la phase d’ovulation qui se produit suite à un pic de LH. A la fin de l’œstrus, le taux d’œstrogènes diminue. Cette phase est caractérisée par une augmentation de la prolifération épithéliale luminale et glandulaire (Wood et al., 2007).

Le métœstrus est une phase de transition où le taux d’œstrogènes diminue et est contrecarré par la sécrétion de progestérone suite au développement du corps jaune. Les glandes deviennent contournées et ramifiées. L’œdème stromal commence à régresser. La dégénérescence de l’endomètre, observée au cours de cette phase, s’explique notamment par de nombreux événements apoptotiques des cellules stromales sous l’influence de la progestérone, et des cellules épithéliales luminales et glandulaires sous l’influence de la diminution d’E2 (Dharma et al., 2001; Wood et al., 2007).

La phase de diœstrus, quant à elle est sous la seule influence du corps jaune et de la progestérone. On observe alors une augmentation de l’activité glandulaire dans le stroma afin d’augmenter les sécrétions et ainsi favoriser l’implantation embryonnaire. En l’absence de fécondation, le corps lutéal régresse et l’endomètre subit une involution avec une régression glandulaire, une forte infiltration lymphocytaire, ainsi qu’une diminution de la vascularisation (Walmer et al., 1992; Wood et al., 2007).

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La présence et la variation de l’expression des SHR dans les cellules utérines (en l’occurrence ER et PR) déterminent la sensibilité aux hormones stéroïdiennes au cours du cycle œstral en induisant la régulation transcriptionnelle spécifique de gènes cibles. Ceux-ci sont principalement impliqués dans le métabolisme, la division ou la différenciation cellulaire. Il existe des différences majeures entre l’action de l’E2 chez la femme et chez la souris, notamment au niveau de l’implantation utérine qui est œstrogéno-dépendante chez la souris mais pas chez la femme (Curtis Hewitt et al., 2002). L’E2 stimule la prolifération cellulaire dans l’endomètre, caractérisée par une intense activité mitotique et la croissance des glandes utérines chez la Femme et chez la souris. Néanmoins, des différences de réactivité sont observées : il faut environ cinq jours d’exposition à l’E2 pour observer une activité mitotique de l’endomètre chez la femme alors que seulement 18 à 24h d’exposition sont suffisantes chez la souris (Groothuis et al., 2007).

3.1.2.3 La réponse utérine à l’E2 chez la souris, données expérimentales

L’injection d’une dose unique d’E2 à des femelles rongeurs ovariectomisées induit une réponse proliférative endométriale en deux phases (Barton et al., 1998; Couse and Korach, 1999) :

- La phase précoce, qui survient dans les 6 premières heures après l’administration de l’E2, est caractérisée par une augmentation importante de la synthèse d’ARNm, de protéines et de lipides. Les mécanismes d’hyperémie et de perméabilité vasculaire se mettent en place. La sécrétion de prostaglandines ainsi que le métabolisme cellulaire (du glucose notamment) sont favorisés. L’activité de l’ARN polymérase et de la chromatine s’intensifient.

- La phase tardive (entre 6h et 24h) montre une augmentation de la synthèse d’ADN ainsi qu’une entrée en mitose synchronisée des cellules épithéliales chez les souris matures, ovariectomisées, et dans les compartiments épithélial et stromal chez les souris femelles immatures (avant la puberté, avant 4 semaines) (Quarmby and Korach, 1984). On distingue généralement deux vagues d’activité mitotique après environ 16 et 24h de traitement. Les processus mis en place lors de la phase précoce continuent leur progression (synthèse d’ADN et d’ARN). L’hyperplasie cellulaire et l’hypertrophie utérine deviennent alors observables.

L’intensité de la stimulation de la croissance utérine dépend de la dose d’E2 administrée, de sa biodisponibilité dans l’organisme et de son interaction avec les ER (Agarwal et al., 1982).

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L’analyse globale du profil d’expression génique dans l’utérus en réponse à l’E2, par puce à ADN, est influencée par la méthode expérimentale : souris immatures ou ovariectomisées, le fond génétique, le mode d’administration et la dose d’E2 utilisée ainsi que le temps de traitement. Ainsi, les études du transcriptome montrent beaucoup de différences au niveau des cibles géniques régulées. Néanmoins, il existe une hiérarchie temporelle dans la régulation de l’expression génique en réponse à l’E2 corrélée aux modifications histologiques sur l’utérus (Figure 26) (Hewitt et al., 2003; Ivanga et al., 2007; Moggs et al., 2004; Suzuki et al., 2007; Wall et al., 2013; Watanabe et al., 2003).

Figure 26 : Schéma représentatif du programme transcriptionnel associé à l’hypertrophie utérine en réponse à l’E2. (D’après Moggs JG. Et al, Toxicogenomics

2004).

Une approche de microdissection par capture laser a également permis de mettre en évidence qu’il existe toutefois une différence dans la régulation de l’expression des gènes cibles de l’E2 entre le stroma et l’épithélium luminal (Hong et al., 2004).

3.1.2.4 Rôle de la progestérone dans la réponse utérine chez la souris

La réponse physiologique utérine est la conséquence de l’action combinée de l’E2 et de la progestérone, qui agissent comme de véritables chefs d’orchestre de la régulation transcriptionnelle au sein des différents compartiments utérins.

La progestérone joue un rôle important dans la physiologie utérine, en particulier sur le contrôle de la prolifération cellulaire induite par l’E2 et le remodelage de l’utérus nécessaire à

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l’implantation embryonnaire (décidualisation). Ainsi, l’altération de sa signalisation est impliquée dans diverses pathologies comme l’endométriose et l’hyperplasie endométriale. Les souris femelles invalidées pour le PR (PR-/-) sont stériles (absence d’ovulation) et

présentent une réponse utérine altérée au traitement simultané à l’E2 et la progestérone (P4) (Lydon et al., 1995). Les souris spécifiquement invalidées pour l’isoforme PR-A (PR-A-/-),

présentent le même phénotype, démontrant que cette isoforme, à l’inverse de PR-B, joue un rôle prédominant dans l’utérus (Mulac-Jericevic et al., 2000). PR est exprimé dans tous les compartiments utérins mais son expression varie au cours du cycle œstral (Graham and Clarke, 1997).

La progestérone inhibe la prolifération épithéliale induite par l’E2 et induit la prolifération au niveau du compartiment stromal. Après un traitement chronique à l’E2 (4 jours), PR est fortement induit dans le stroma et réprimé dans l’épithélium (Tibbetts et al., 1998). Cette redistribution de la localisation de PR dans les compartiments épithélial et stromal est dépendante du ERα. En effet, les femelles ERα-/- ovariectomisées présentent une forte

expression de PR au niveau de l’épithélium, de manière identique au souris sauvages mais n’est pas réprimée en réponse à l’E2 (Kurita et al., 2000b). De plus, la progestérone exerce un rétro-contrôle négatif en inhibant l’expression de PR (Martin et al., 1973; Tibbetts et al., 1998). Le rôle fonctionnel de PR dans chaque compartiment utérin sera détaillé dans la partie 3.2.4.