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3 Dissection de la transmission de la signalisation œstrogénique dans l’utérus

3.2 Implication du ERα dans l’hypertrophie utérine

3.2.2 Approche génétique

3.2.2.1 Modèles murins déficients pour la totalité du ER

Il existe plusieurs modèles murins déficients pour ERα, ERβ ou les deux ER. De manière générale, les souris matures ERα-/- et ERαβ-/- sont infertiles et présentent un utérus

atrophique avec peu de glandes au repos et des cellules épithéliales cuboïdales. Cependant, certaines souris ERβ-/- présentent une fertilité identique aux souris sauvages ou seulement

une fertilité altérée (Dupont et al., 2000; Krege et al., 1998; Lubahn et al., 1993).

Les souris doublement invalidées pour ERα et ERβ (ERαβ-/-), comme les souris ERα-/-, et à

la différence des souris ERβ-/-, présentent une hyper-œstrogénie et une absence de cycle

œstral et ne répondent pas à l’E2 en terme de régulation transcriptionnelle et de prolifération épithéliale (Couse et al., 1995; Dupont et al., 2000; Hewitt et al., 2003; Hewitt et al., 2010a; Lubahn et al., 1993; Watanabe et al., 2003). En revanche, les souris ERβ-/- ovariectomisées

présentent une hyperprolifération épithéliale et une perte de la différenciation cellulaire (diminution de l’expression de la E-cadhérine épithéliale) en réponse à l’E2 (Wada-Hiraike et al., 2006). Les souris ERβ-/- immatures ne présentent pas d’augmentation de la prolifération

stromale et épithéliale en réponse à l’E2 mais une activité prolifératrice importante à l’état basal (Weihua et al., 2000). L’ensemble de ces études permet de conclure qu’ERα est crucial dans la réponse utérine à l’E2, alors qu’ERβ exerce plutôt un rôle de frein dans la prolifération utérine.

La réponse utérine au tamoxifène est abolie chez les souris ERαNeoKO, ce qui démontre un rôle crucial de ERα dans ces mécanismes (Das et al., 1997; Klotz et al., 2000).

Malgré des taux de progestérone identique chez les souris mutées pour les ER, la redistribution de PR, dans l’utérus, en réponse à l’E2 nécessite la présence de ERα et ERβ. En réponse à l’E2, l’induction de l’expression de PR dans le stroma est ERα-dépendante (Winuthayanon et al., 2010) alors que la répression de l’expression de PR dans l’épithélium est ERβ-dépendante (Weihua et al., 2000).

77 3.2.2.2 Modèles murins déficients sélectivement pour les fonctions activatrices

Les souris ERαAF-20 présentent une stérilité et une atrophie utérine en période d’activité

génitale. Elles sont insensibles à un traitement chronique d’E2 en terme d’induction du poids utérin (Billon-Gales et al., 2011b). De plus, les souris AF2ERKI sont infertiles à l’état homozygote et présentent une hyper-œstrogénie. L’utérus de ces souris est atrophique, présente peu de glandes et est insensible à l’E2 concernant la réponse transcriptionnelle et la prolifération épithéliale. Le tamoxifène, connu pour antagoniser la fonction activatrice ERαAF-2, induit une prolifération épithéliale et une réponse transcriptionnelle, bien qu’elle soit atténuée par rapport à celle de l’E2, chez les souris AF2ERKI ovariectomisées. Ainsi, ERαAF-2 n’est pas nécessaire pour induire une activité utérotrophique en réponse au tamoxifène (Tableau 3) (Arao et al., 2011). Les souris AF2ERKI ne présentent pas de prolifération utérine en réponse aux facteurs de croissance. Cette étude suggère que l’hélice H12 joue un rôle important dans cette signalisation (Arao et al., 2011). Ainsi, ERαAF-2 est crucial pour relayer la réponse utérine à l’E2 (Tableau 3).

La mise en évidence d’une fuite transcriptionnelle dans la première génération de souris ERαNeoKO, générée en 1993, a été rapportée en 2002. La protéine chimérique de 55 kDa résultante de cette fuite est exprimée de manière très hétérogène dans les différents tissus mais est présente dans l’utérus (Kos et al., 2002; Pendaries et al., 2002). Cette protéine chimérique est dépourvue de ERαAF-1. Il est alors nécessaire de réinterpréter les données bibliographiques utilisant ce mutant (ERαNeoKO) (Arnal et al., 2012). L’absence de prolifération épithéliale en réponse à l’E2 et aux facteurs de croissance et la persistance de la réponse utérine à la progestérone chez les souris femelles ovariectomisées ERαNeoKO sont des preuves indirectes de l’implication de ERαAF-1 dans ces mécanismes (Curtis et al., 1999; Curtis et al., 1996; Klotz et al., 2002; Lubahn et al., 1993). De plus, le modèle KIKO, présentant un allèle muté sur le DBD et un allèle ERαNeoKO dépourvu de ERαAF-1, sont insensibles à l’E2 en terme d’induction du poids utérin et d’hyperémie (Tableau 3) (O'Brien et al., 2006). Ainsi, une diminution de l’expression de ERαAF-1 pourrait influencer l’œdème stromal induit par l’E2. Néanmoins, aucune preuve directe et fonctionnelle de l’implication in vivo de ERαAF-1 dans les mécanismes de l’hypertrophie utérine n’a été démontrée à ce jour.

3.2.2.3 La réponse utérine à l’E2 nécessite un LBD et un DBD de ERα fonctionnels

L’étude du mutant ENERKI (Nonclassical ERα knock-in), présentant une mutation au niveau du LBD (G525L) qui empêche l’interaction de l’E2 avec le récepteur, témoigne de l’importance de l’activation ligand-dépendante du ERα dans la prolifération utérine et la fertilité. En effet, ces souris sont stériles à l’état homozygote. Les femelles ENERKI

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ovariectomisées présentent une absence de prolifération épithéliale en réponse à l’E2, qui reste effective en réponse à l’IGF-1. Ceci démontre donc que la réponse utérine à l’E2 nécessite un LBD fonctionnel et que la présence seule du DBD et de l’ERαAF-1 n’est pas suffisante (Tableau 3) (Sinkevicius et al., 2008).

Le mutant murin NERKI à l’état hétérozygote (car les souris sont stériles à l’état homozygote), présente un allèle de esr1 avec deux mutations ponctuelles d’acides aminés situés dans le premier doigt de zinc du DBD (E207A, G208A) et un allèle sauvage. Ce modèle permet d’étudier la réponse utérine lorsque la balance entre signalisation classique (via les ERE) et non-classique (via les interactions protéines-protéines sur les éléments AP-1 et Sp1) est altérée (Jakacka et al., 2002). Le mutant KIKO hémizygote (qui présente un allèle déficient pour ERα et un allèle NERKI) permet d’étudier les effets exclusivement dus à la signalisation œstrogénique ERE-indépendante (O'Brien et al., 2006). L’analyse comparative du phénotype utérin de ces deux mutants démontre que 65% des gènes cible de l’E2 sont régulés via la signalisation classique contre 35% de gènes régulés via la signalisation non- classique et qu’il existe une hiérarchie temporelle dans la réponse transcriptionnelle puisque ces derniers semblent régulés plus précocement (Hewitt et al., 2009). De plus, l’altération des régulations transcriptionnelles, en réponse à l’E2 à court terme (dans les 6 premières heures de traitement, en phase précoce), via les séquences ERE n’influence pas l’induction de l’hypertrophie utérine ainsi que la prolifération épithéliale à 24h. En revanche, l’abolition de cette voie de signalisation bloque l’hyperémie et la formation de l’œdème stromal (corrélé ou non à la prolifération épithéliale car les résultats sont controversés sur ce point (Tableau 3) (Hewitt et al., 2009; O'Brien et al., 2006).

Ces résultats sont toutefois à nuancer au vue de la caractérisation du mutant EAAE (mutations dans le DBD Y201E, K210A, K214A, R215E) présentant une incapacité du récepteur à se fixer sur l’ADN. Ces souris sont stériles à l’état homozygote. Les souris mutantes EAAE ovariectomisées et traitées par gavage à l’EE présentent une abolition de la réponse transcriptionnelle (induction et répression) en phase précoce et tardive corrélée à une absence d’augmentation du poids utérin. Aucunes données sur la prolifération utérine ne sont abordées dans cette étude (Tableau 3) (Ahlbory-Dieker et al., 2009). Le mode d’activation du ERα via les séquences ERE est donc nécessaire pour relayer la réponse utérine de l’E2, et en particulier la formation de l’œdème stromal. De plus, la réponse utérine à l’E2 nécessite un DBD fonctionnel et la présence seule du LBD et de l’ERαAF-1 n’est pas suffisante pour relayer cette réponse.

La prolifération épithéliale en réponse au tamoxifène est préservée chez les souris ovariectomisées hétérozygotes NERKI et hémizygotes KIKO, ce qui suggère que ce

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mécanisme est plutôt relayé par la signalisation non-classique. A l’inverse, l’instauration de l’œdème stromal n’est pas relayé par la signalisation non-classique car aucune augmentation du poids de l’utérus en réponse à un traitement chronique au tamoxifène (72h) n’est observée chez les souris KIKO (Jakacka et al., 2002; O'Brien et al., 2006).

Au niveau moléculaire, l’analyse par ChIP-Seq d’uteri de souris ovariectomisées et traitées pendant une heure à l’E2, en co-précipitant ERα et l’ARN polymérase II montre que ERα se fixe sur de nombreux sites ERE de manière proximale ou distale du promoteur des gènes cibles (environ 10000 sites ERE). De plus, il est intéressant de noter qu’ERα interagit avec les séquences ERE à l’état basal chez les souris ovariectomisées et non traitées (signalisation indépendante du ligand) (Hewitt et al., 2012).