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Chapitre 1 : État des lieux et problématique

1.2 Problématique, méthodes et sources

1.2.3 Sources principales

Notre analyse débute avec la « Révolution tranquille » acadienne, en 1957, et se prolongera jusqu’à la répression du plus fameux mouvement étudiant monctonnien, en 1969. Elle se concentre sur les étudiants qui fréquentent les institutions du sud-est de la province, soit de l’Université Saint-Joseph (de 1957 à 1963) puis de son héritière, le campus de Moncton de l’Université de Moncton (de 1963 à 1969). Nous nous penchons aussi ponctuellement sur les actions et les pensées des étudiants et des étudiantes des autres régions de la province, dans la mesure où cela nous permet de comprendre la spécificité monctonnienne. Ce

choix s’est imposé non seulement en raison de la richesse des sources documentaires portant sur les institutions monctonniennes, mais aussi du rôle central joué par celles-ci dans la sphère de l’éducation post-secondaire acadienne.

Les journaux étudiants constituent une fenêtre très utile sur la vie étudiante et sur les préoccupations des étudiants politiquement engagés. Ils nous ont aidé à dresser une chronologie d’événements importants. Par ailleurs, ils nous ont procuré une quantité importante de textes à analyser. En effet, 167 articles parus durant la période allant de 1957 à 1969 correspondaient à nos thèmes d’intérêt, et ont donc été répertoriés et analysés. Ceux-ci sont (1) l’éducation et les politiques éducatives, (2) la politique étudiante, (3) les organismes, associations et entreprises étudiantes et, finalement, (de façon plus générale) (4) la vie politique, (5) l’identité culturelle et (6) la religion.

Liaisons est le journal officiel de l’Université Saint-Joseph du début des années 1940 jusqu’en 1967. En 1957, date à laquelle commence cette étude, il a déjà l’allure d’un vrai journal : mise en page élaborée et claire, polices variées et publicité sont de la partie. Liaisons est d’abord publié quatre fois par an. Il devient mensuel en septembre 1960, puis hebdomadaire en novembre 1966. Son allure relativement professionnelle sera maintenue après qu’il ait été rebaptisé L’Insecte, en 1967. Des publications satellites de ce dernier, Le Microbe et La Moustache, dont la parution est irrégulière, ne disposent toutefois pas des mêmes ressources. Publiés par l’équipe de L’Insecte, ceux-ci sont conçus comme des « moyens d’intervention rapide »241. À la suite de l’expulsion, par l’Université, de

la plupart des journalistes étudiants au cours de l’été 1969, aucun journal ne sera publié sur le campus jusqu’en janvier 1970, quand apparaît L’Embryon. Notre analyse a porté sur 67 textes de Liaisons, 35 de L’Insecte, 58 de La Moustache et 7 du Microbe.

241 Conférence donnée par Michel Blanchard, ancien rédacteur en chef de L’Insecte, le 25 février

Les journaux locaux nous ont aussi été très utiles. Au cours de la période à l’étude, la ville de Moncton compte un quotidien de langue française, L’Évangéline, ainsi que deux quotidiens anglais qui se fusionneront plus tard, le Times et le Transcript.

L’Évangéline est avant tout un organe de l’élite acadienne ou, selon l’expression de Marc Johnson, spécialiste des médias en Acadie, un « journal- entreprise national »242. Ses textes, particulièrement les éditoriaux, les articles

d’analyse et les opinions du lecteur, ont été utiles pour situer les grands enjeux secouant la communauté acadienne durant la période et nous ont aussi aidé à bien saisir les conflits générationnels provoqués par les positions et les actions politiques des étudiants. Dans cette thèse, les éditoriaux de L’Évangéline sont considérés comme représentant le point de vue de l’élite définitrice. Ceci ne constitue pas de l’abus étant donné la proximité qui existe entre le journal et d’autres institutions élitaires, nommément l’archidiocèse de Moncton puis la Société l’Assomption. Marc Johnson conclut lui-même que « plusieurs affaires […] ont mis en lumière la proximité réelle entre l’appareil ethnique traditionnel et L’Évangéline, qui se révèle bien être un instrument de contrôle social défendant les institutions en place et leurs titulaires. […] Malgré de vaines tentatives pour passer d’une presse d’opinion associée à une élite à une presse d’information reflétant le pluralisme acadien […] ». Nous avons fait un dépouillement ciblé de ce journal, à partir de dates-clé inspirées d’événements d’importance.

Le Times et le Transcript sont des entreprises commerciales qui

s’adressent avant tout au lectorat anglophone de Moncton et du sud-est du Nouveau-Brunswick. Leur traitement des mouvements étudiants et des sujets relatifs à l’Université nous a aidé à mieux appréhender les rapports entre francophones et anglophones durant la période. Ces journaux ont été dépouillés de manière ciblée, comme L’Évangéline.

Le film L’Acadie, l’Acadie !?! a une valeur documentaire inestimable pour la période 1968-1969. Mais surtout, les fonds de son réalisateur Pierre Perrault, déposées dans les archives de l’Université Laval, se sont révélés une mine d’or. Nous y avons trouvé l’équivalent d’environ 12 heures de dialogues retranscrits. Ces textes nous ont donné accès aux opinions et aux perceptions d’un large éventail d’acteurs de l’époque, notamment de toutes les tranches de la population étudiante. Ceci a éliminé notre dépendance face aux journaux étudiants de 1968- 1969, qui, de l’aveu de Jean Paul Hautecoeur, sont l’organe quasi-exclusif d’une seule faction des militants étudiants, celle de Michel Blanchard (qui en est le rédacteur en chef).

Nous avons aussi eu recours à des documents déposés au Centre d’études acadiennes de l’Université de Moncton, particulièrement dans le fonds Clément Cormier. Cormier était le premier recteur de l’Université de Moncton et un proche collaborateur de Louis Robichaud, à la fois observateur passionné et bâtisseur infatigable de la révolution tranquille acadienne.

Finalement, la Revue économique complète notre tour d’horizon des sources principales. Fondée par des professeurs de l’Université de Moncton en 1963, celle-ci a été un forum d’échanges intellectuels et éditoriaux qui s’est avéré très riche en renseignements sur les débats sociaux de l’Acadie d’alors. Nous l’avons dépouillée en entier pour la période allant de 1963 à 1969.