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PARTIE II- INTRODUCTION

II- B.1.1 Les sources d’ionisation

a ESI

L’ionisation par électrospray a été développée par Fenn et ses collaborateurs, et décrite pour la première fois en 1985 [24]. L’ESI a été depuis très largement utilisée en protéomique (et pour d’autres applications) pour la caractérisation de biomolécules spécifiques. L’électrospray implique la production d’ions gazeux grâce à l’application d’un potentiel électrique à un liquide en mouvement, ce qui résulte en la formation d’un spray de petites gouttelettes, mélange de solvant et d’analytes. Le solvant est évaporé des gouttelettes par la chaleur ou par une autre forme d’énergie comme celle provenant de la collision avec un gaz (azote). La taille de la goutte diminue de plus en plus jusqu’à devenir instable (limite de Rayleigh), ce qui induit l’implosion en gouttelettes encore plus petites. Finalement les répulsions électrostatiques deviennent assez fortes pour provoquer la désorption des ions analytes, qui sont alors envoyés vers le spectromètre de masse (Figure 2). Les ions générés en ESI portent généralement plusieurs charges et sont de type (M+nH)n+.

Figure 2 : Processus d'électrospray.

L’évaporation progressive du solvant contenu dans les gouttes permet la désorption de l’analyte et la formation d’ions multichargés.

(http://www.magnet.fsu.edu/education/tutorials/tools/ionization_esi.html).

Lors du processus d’ESI, des ions quasi-moléculaires sont créés par protonation ou déprotonation. Pour de larges biomolécules, des ions multichargés sont principalement observés et différents états de charge sont présents dans les spectres. Le nombre de charges dépend de la masse et des propriétés chimiques de la molécule, mais également du solvant utilisé. C’est pourquoi il y a souvent plusieurs ions pour un seul composé. Lorsque celui-ci est pur, le profil de ces multiples pics aide à déterminer de manière très précise sa masse. En revanche, pour des échantillons protéiques très complexes, ces multiples pics ne font qu’accroître la complexité des spectres de masse. C’est pourquoi une pré-

fractionnation, notamment par chromatographie liquide (HPLC), est souvent nécessaire pour les applications protéomiques utilisant l’ionisation par électrospray. Récemment, une ionisation électrospray par désorption de surface (source DESI, Figure 3) a été présentée par Cooks et ses collaborateurs [25, 26]. Ainsi l’ESI devient compatible avec l’analyse d’échantillons solides.

Figure 3 : Schéma d’une expérience DESI typique.

Un solvant est vaporisé sous l’influence d’une haute tension sur l’échantillon déposé sur une plaque. Figure d’après Takats et al. [25].

L’ESI est un processus d’ionisation douce où très peu de fragments sont observés. C’est pourquoi, il est bien adapté à l’analyse de biomolécules. Les avantages de l’électrospray incluent :

• Une haute reproductibilité puisque il n’y a pas de processus de cristallisation, • Une haute flexibilité quant au type de spectromètre de masse en aval, du fait des rapports m/z plus faibles générés par la formation d’ions multichargés. Ceci rend possible le couplage avec les trappes ioniques et les quadripôles comme avec les cellules à résonance d’ion cyclotronique ou orbitalaire et les TOF.

En revanche, l’électrospray présente les inconvénients suivants :

• Des spectres de masses complexes dus aux multiples espèces ioniques pour un même analyte,

• Une consommation importante d’échantillon : ce problème a été relativement maîtrisé grâce à l’introduction des sources nanospray [27],

• L’électrospray ne peut pas être utilisé pour l’imagerie. En revanche, l’ionisation DESI peut l’être mais, pour l’instant, avec une résolution spatiale et une efficacité bien moindre que celles obtenues en MALDI.

b MALDI

En 1988, Hillenkamp et Karas découvrent que l’on peut produire des ions moléculaires de larges protéines par désorption laser sans fragmentation lorsque ces biomolécules sont mélangées avec une matrice [28]. Il s’agit d’une structure cristalline de petites molécules organiques chromophores. La longueur d’onde du laser utilisé pour l’ionisation doit être dans la gamme d’absorption des cristaux de matrice. Grâce à l’absorption des photons du laser, des petites molécules de matrice sont vaporisées et désorbent avec elles les plus grosses molécules de protéines. Aujourd’hui encore, l’ionisation MALDI n’est pas totalement bien décrite. Différents modèles ont été proposés :

• modèle d’ionisation photochimique [29], • modèle d’ionisation par cluster [30],

• modèle par pseudo-transfert de proton [31].

Pour le modèle d’ionisation photochimique, l’ionisation multiphotonique suivie de collisions permet la production d’ions de matrice par photoionisation, protonation et déprotonation. Les ions biomoléculaires sont produits par protonation et déprotonation avec des ions de matrice et/ou d’autres biomolécules lors de processus de collisions en phase gazeuse. Pour le modèle d’ionisation par cluster, l’irradiation laser provoque la désorption de cluster d’ions qui produisent alors des ions biomoléculaires par expulsion des molécules de matrice. Pour le modèle de pseudo transfert de proton, les ions biomoléculaires sont produits pendant le processus de cristallisation, l’absorption de l’énergie laser permettant uniquement la désorption dans l’espace pour la détection par spectrométrie de masse. Une meilleure compréhension des mécanismes d’ionisation pourrait devenir essentielle à l’amélioration de la détection par spectrométrie de masse. Aujourd’hui, le MALDI est très efficace pour la détection de peptides : quelques dizaines d’attomoles à quelques femtomoles seulement sont nécessaires par spot [32]. En revanche, la détection de biomolécules plus grosses, en particulier de masse supérieure à 100 000Da devient plus difficile. Les protéines (ou les peptides) ionisées sont accélérées par un champ électrique et expulsées vers l’analyseur de masse. Il s’agit souvent d’un analyseur de type TOF. Accéléré par un potentiel constant, l’ion atteint le détecteur avec une vitesse qui dépend directement de son rapport m/z. Un schéma classique de spectromètre de masse MALDI-TOF est donné Figure 4. Selon le niveau de signal et la résolution nécessaire, les instrumentations TOF linéaire et réflectron sont largement utilisées pour les mesures de biomolécules.

Figure 4 : Schéma de principe d’un MALDI-TOF en mode réflectron [33].

Typiquement, l’échantillon est dissous dans une solution puis la matrice est ajoutée. Elle consiste en un petit composé organique comme l’acide sinapinique (SA), l’acide α-cyano-4-hydroxy cinnamique (CHCA)… Ces deux solutions peuvent être mixées avant dépôt ou déposées successivement sur une cible métallique et laissées à sécher. Après cristallisation, la cible est placée dans le spectromètre de masse. En général, le rapport molaire matrice/biomolécule est supérieur à 1 000, ce en fonction de la masse de la biomolécule. La matrice SA est plus utilisée pour la détection des larges protéines et polypeptides, alors que la CHCA est au contraire utilisée pour la détection des peptides. Grâce au développement de l’extraction pulsée retardée, la résolution d’un MALDI-TOF linéaire peut atteindre 2 000. La résolution d’un MALDI-TOF réflectron peut, elle, atteindre 10 000 voire 20 000. Cependant il est difficile d’appliquer une détection réflectron pour des molécules de rapport m/z supérieur à 20 000Th.

Les avantages du MALDI-TOF incluent :

• la rapidité d’analyse : les lasers de fréquence 200Hz permettent de réaliser un spectre MS en quelques secondes (5 à 10 selon le nombre de tirs accumulés),

• sa gamme de masse théorique non limitée, s’étendant de peptides courts à de très grosses protéines (>100 000Da),

• des spectres de masse simples : la plupart des ions peptidiques détectés sont monochargés et seul un faible pourcentage est doublement chargé. Quelquefois, des ions trichargés sont observés,

• la possibilité de réaliser de l’imagerie moléculaire sur des tissus et donc de l’imagerie protéomique puisqu’on peut focaliser le rayonnement laser sur un très petit spot (moins de 10µm) selon la lentille de convergence utilisée et la divergence du laser [34],

• sa haute sensibilité : quelques attomoles pour des peptides courts.

• une faible reproductibilité due à la difficulté de contrôler le processus de cristallisation et la production d’ions (qui dépend de la fluence du laser, i.e. l’énergie reçue par unité de surface),

• une résolution faible pour les très grosses molécules due à la large distribution d’énergie cinétique des biomolécules pendant la désorption, à la formation éventuelle d’adduits de matrice et à la fragmentation métastable des molécules. Ceci est un inconvénient majeur pour l’identification directe de larges protéines,

• les ions de matrices interfèrent dans les basses masses et empêchent la détection de petites molécules. L’ionisation directe sur silice ou sur métal a été développée pour réduire ce problème [35, 36].

Cependant l’ionisation en mode MALDI reste un outil de choix pour la recherche rapide de biomarqueurs, notamment pour l’imagerie des larges biomolécules sans marquage préalable [37].