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B.2.4 Augmenter la capacité de pic par couplage multidimensionnel

PARTIE II- INTRODUCTION

II- B.2.4 Augmenter la capacité de pic par couplage multidimensionnel

a La règle d’or

Le couplage bidimensionnel en chromatographie liquide (LC2D) fait référence à une technique analytique où deux systèmes de séparation en phase liquide sont couplés et appliqués à l’échantillon. Giddings [86] puis Guiochon [87] ont fait remarquer que l’intérêt d’un tel couplage réside dans le fait que dans certaines conditions la capacité de pic globale n’est pas la somme mais le produit des capacités de pic de chaque dimension : Pc

2D = P c

1 x P c

2 comme illustré sur la Figure 9.

Cependant, pour que cela soit vérifié, deux conditions doivent être respectées. Tout d’abord, il ne faut pas que des pics séparés par la première dimension soient mélangés lors du transfert vers la deuxième dimension. Cela peut arriver lorsque la période d’échantillonnage des fractions de la première dimension n’est pas ajustée correctement (Figure 10). D’autre part, les mécanismes de rétention impliqués dans les deux dimensions successives doivent être orthogonaux,

i.

e. indépendants [86]. S’ils sont liés, la rétention des composés suivant les deux dimensions sera corrélée et donc l’espace de séparation, dans lequel les pics sont dispersés, plus petit que celui prévu lorsqu’ils le sont de manière aléatoire.

Figure 9 : Illustration de la capacité de pic d’une séparation bidimensionnelle et de sa dépendance en produit des capacités de pic des 1ère et 2ème dimension [88].

Figure 10 : Illustration de l’effet du temps de collecte (ts) sur la capacité de pic de la 1ère dimension.

n représente le nombre de fractions collectées sur la largeur 4σ d’un pic. Plus la fréquence d’échantillonnage diminue, plus la résolution des pics observés diminue jusqu’à la formation d’un seul et même pic contenant ici 3 espèces [88].

b Orthogonalité des deux dimensions

Alors que le couplage LC2D est de plus en plus utilisé dans l’analyse de peptides par LC-MS, très peu d’études ont été réalisées sur l’orthogonalité des modes de séparation choisis. Récemment Gilar et al. ont comparé plusieurs séparations monodimensionnelles utilisant différentes phases stationnaires (RP, exclusion stérique (SEC), échange de cations (SCX), hydrophile (HILIC)) avec différentes phases mobiles [89]. Pour cela, ils ont étudié un sous-ensemble de peptides d’un échantillon de protéines standard digérées. Pour chaque séparation monodimensionnelle réalisée, ils ont calculé le temps de rétention normalisé de chaque peptide (par rapport aux temps de rétention minimum et maximum de chaque chromatogramme). Pour chaque couplage envisagé, ils ont représenté le temps de rétention de la deuxième dimension hypothétique en fonction de la première dimension hypothétique. Selon le pourcentage d’espace couvert par les différents points, les auteurs évaluent l’orthogonalité des deux modes choisis, sachant qu’une surface remplie de façon aléatoire ne couvre que 63% de l’espace des temps de rétention mais correspond à une orthogonalité de 100%. La conclusion de leur étude montre que les séparations HILIC x RP sont les plus orthogonales. Cependant si on prend en compte les capacités de pic de chaque mode et qu’on calcule la capacité effective des couplages (i.e. Pc

1

x Pc 2

x % surface couverte), le couplage RP(pH=10) x RP (pH=2,6) permet d’obtenir la meilleure capacité de pic effective. De plus les séparations RP sont des séparations robustes et bien maîtrisées par les opérateurs, il est donc probable que les couplages RP x RP seront à l’avenir de plus en plus développés.

c Couplage SCX x RP

Même si les modes de séparation SCX et RP ne sont pas complètement orthogonaux notamment du fait que les peptides tryptiques sont principalement 2 fois et 3 fois chargés, le couplage SCX x RP reste le mode le plus largement utilisé en protéomique. En effet, les colonnes d’échange d’ions offrent généralement une capacité de chargement importante, la RPLC est parfaitement compatible avec la masse et les deux modes présentent une capacité de pic unidimensionnelle importante.

Il existe principalement deux approches pour coupler ces deux modes : off-line ou on-line.

Couplage on-line

Figure 11 : Système de chromatographie multidimensionnelle on-line.

Les peptides sont élués de la colonne SCX en fonction de leur charge et retenus sur la précolonne RP. Dans cet exemple, le débit du gradient de sel doit être coupé après chaque fraction collectée, pendant l’élution et la séparation de cette fraction sur la colonne RP par un gradient d’ acétonitrile.

Dans ce cas, l’effluent de la première dimension est directement élué vers la deuxième dimension sans collecter de fraction explicitement (Figure 11). Ce type de séparation est rapide et les pertes d’échantillons sont minimisées. Il est possible d’utiliser deux colonnes séparées et connectées par un jeu de vannes ou bien une seule colonne remplie à la fois des billes de phase SCX et RP.

Dans le premier cas, les deux colonnes sont connectées par au moins deux vannes. Les peptides sont d’abord chargés sur la colonne SCX en condition acide pour que les peptides soient tous chargés positivement. La concentration en sel est alors augmentée pour éluer les peptides en fonction de leur charge vers la précolonne RP. Pendant que les peptides sont dessalés sur cette précolonne, le débit sur la colonne SCX est arrêté. Après dessalage, les peptides sont élués vers la colonne analytique RP pour être séparés en fonction de leur hydrophobie. Cette approche a été utilisée avec succès par Tyan et al. dans l’étude de fluide pleural [90]. A partir de 25µg d’échantillon protéique, les auteurs ont pu identifier

1 800 peptides différents correspondant à 1 415 protéines. Cependant il faut noter que seules 124 protéines ont été identifiées avec au moins deux peptides uniques. D’autre part, ces identifications correspondent à la combinaison des données des trois réplicats et non à un consensus.

Dans le deuxième cas, la colonne contenant les deux types de phase, le montage ne nécessite aucune vanne. Le mélange de peptides est chargé sur la colonne biphasique qui est interfacée avec un système de pompe HPLC quaternaire. L’échantillon est soumis à une série d’impulsions salines ce qui permet d’éluer seulement une partie des peptides de la partie SCX vers la partie RP de la colonne. Après chaque impulsion, un gradient d’acétonitrile (ACN) est réalisé pour éluer les peptides vers le spectromètre de masse. Cette approche a été utilisée avec succès par Kislinger et al. dans l’étude de la localisation subcellulaire des protéines de 4 organelles de 6 organes chez la souris [91]. A partir de 100µg de protéines de chaque fraction sub-cellulaire, 4 768 protéines ont été identifiées avec au moins un peptide spécifique. Il s’agit des résultats correspondant à l’ensemble des fractions analysées plusieurs fois en LC2D (entre 7 et 9 fois). Chaque analyse LC2D dure environ 20h.

Couplage off-line

Figure 12 : Système de chromatographie multidimensionnelle off-line.

Les peptides sont élués de la colonne SCX par un gradient de sel en fonction de leur charge et différentes fractions sont collectées. Chaque fraction est ensuite réinjectée vers la 2ème dimension pour une séparation classique RPLC.

Lors d’une approche off-line, les peptides élués de la colonne de la première dimension sont collectés puis soumis plus tard à une séparation RPLC-MS/MS classique (Figure 12). A priori, ce type de couplage permet d’optimiser chaque dimension. Notamment, il est rapporté dans la littérature que les phases stationnaires SCX présentent des interactions secondaires hydrophobiques [92], qui peuvent réduire la récupération des peptides hydrophobes. Pour améliorer leur élution et la forme des pics, il est donc suggéré d’ajouter un solvant organique aux tampons de première dimension : généralement 25% d’ACN. Or en configuration on-line, ce fort pourcentage d’ACN est rédhibitoire pour la fixation des

peptides sur la phase RP C18. En revanche en configuration off-line, les deux dimensions étant découplées, il suffit de mettre à sec les fractions et de les resuspendre dans un solvant adéquat à la RPLC. Un avantage non négligeable de l’utilisation d’une configuration off-line réside également dans le fait qu’il est possible de travailler avec de véritables gradients salins plutôt qu’avec des impulsions, ce qui permet de ne pas rompre les équilibres chromatographiques et d’obtenir une élution continue des peptides. D’autre part, le découplage des deux dimensions permet de traiter les fractions de différentes manières : séchage, traitement chimique, mesure de la concentration en peptides des fractions pour adapter l’injection RP… Il est également possible d’analyser les fractions plusieurs fois : par exemple Chen et al. mélangent certaines fractions entre elles car elles contiennent peu de peptides, mais, en parallèle, en analysent certaines en duplicat en n’injectant que la moitié des fractions en RPLC [93]. Cependant le principal inconvénient de telles approches provient du temps pris pour l’optimisation des deux séparations. Finalement, la manipulation des fractions entre les deux séparations peut générer des pertes de matériel non négligeables. Wang et al. ont adopté l’approche off-line pour analyser le protéome de cerveau de souris à partir d’un digestat de 11mg de peptides. Séparé sur colonne SCX narrow-bore, cet extrait a permis d’analyser 60 fractions : 30 correspondant à l’extrait de protéines digérées et 30 à l’enrichissement en peptides cystéinylés. Au total, 48 328 peptides différents ont été validés permettant l’identification de 7792 protéines avec au moins un peptide spécifique [94].