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La recharge de l’eau souterraine dans l’aquifère rocheux régional de la Chaudière-Appalaches a été décrite à la section 4.3. La recharge représente le renouvellement annuel de l’eau souterraine dans l’aquifère. Une certaine proportion de la recharge peut être exploitée de façon durable par des puits d’approvisionnement. En plus de la recharge, le niveau d’exploitation durable doit tenir compte de l’utilité écologique de l’eau souterraine qui contribue aux débits de base des cours d’eau, et dont l’apport est nécessaire au maintien des écosystèmes aquatiques. Le concept de gestion durable des ressources en eau souterraine sera abordé plus en détail à la section 5.5.

Si la recharge détermine ainsi la « disponibilité » de l’eau souterraine, elle ne contrôle cependant pas son « exploitabilité ». La capacité d’exploiter l’eau souterraine dépend plutôt de la capacité (débits) des puits d’approvisionnement en eau. Cette capacité est fonction, en partie, du type d’installation du puits, mais surtout de l’épaisseur saturée de l’aquifère b (m) et de ses propriétés hydrauliques. La propriété la plus importante est la conductivité hydraulique K (m/s) qui représente la capacité d’un milieu à permettre l’écoulement de l’eau souterraine. Intégrée sur l'épaisseur saturée de l'aquifère, la transmissivité T (m2/s) est toutefois la propriété (dérivée de K par T = K∙b) la plus couramment estimée lors d'essais de pompage. La section 4.1 a déjà dressé le portrait des propriétés hydrauliques des unités géologiques de Chaudière- Appalaches. La présente section dresse maintenant le portrait de l’exploitation de l’eau souterraine par les puits municipaux. Les propriétés de ces puits donnent un meilleur aperçu de la capacité « maximale » d’exploitation des eaux souterraines dans la région d’étude. En effet, la recherche en eau réalisée par les firmes spécialisées en hydrogéologie pour déterminer la localisation des puits municipaux et leurs aménagements optimaux donne une idée du potentiel maximal d’exploitation des aquifères de la Chaudière-Appalaches.

5.1.1 Sources d’approvisionnement en eau municipal

À la section suivante 5.2, la carte 26A (figure 5.6) montre que l’approvisionnement en eau municipal se fait principalement à partir d’eau souterraine, d’où l’importance de définir les propriétés et les capacités des puits municipaux qui donnent des indications de la capacité maximale de production des puits dans la région d’étude. En Chaudière-Appalaches, 257 puits municipaux ont été identifiés à l’aide du Système d’Information Hydrogéologique (SIH) du MDDELCC, des informations transmises par les municipalités ainsi que via la compilation de rapports de consultants (Rapport de forages, Recherche en eau souterraine, Implantation de nouveaux forages, Mise aux normes des puits, Études hydrogéologiques diverses, etc.). Ainsi, il convient de prendre ce nombre total de puits municipaux recensés avec précautions, l’information sur l’existence et l’utilisation actuelle de certains puits étant parfois difficilement identifiable. Pour évaluer le potentiel d’exploitation des aquifères par des puits municipaux en Chaudière- Appalaches, seules les données des puits identifiés comme «municipaux» dans le SIH ou dans les rapports de consultants ont été utilisées.

Du fait de la grande variété de sources d’informations utilisées, en plus de la nature typiquement partielle des bases de données régionales (décrite en fin de section 4.1), il n’y a pas d’homogénéité sur les données de puits disponibles. Pour certains puits, toutes les informations nécessaires à l'évaluation du potentiel aquifère local sont disponibles (construction du puits, propriétés hydrauliques, paramètres tirés d’essais hydrauliques réalisés dans le puits, etc.), alors que pour d’autres, seules quelques informations générales sont disponibles (principalement la localisation du puits et quelques caractéristiques de construction). En conséquence, le nombre de données utilisées varie entre les types d’analyses.

Sur les 257 puits pour lesquels des informations sont disponibles, 45% (117) des puits sont installés dans les dépôts meubles et 55% (140) des puits sont ouverts au roc. Le tableau 5.1 et la figure 5.1 montrent des informations sur le mode de construction des puits.

Tableau 5.1 : Diamètre des puits municipaux et privés par rapport à l’aquifère capté

Puits Municipaux Puits Privés

Diamètres (pouce) Puits aux sédiments Puits au roc Tous les puits Diamètres (pouce) Puits aux sédiments Puits au roc Tous les puits ~ 6 13.9% 48.5% 39.1% ~ 6 91.0% 97.2% 96.9% ~ 8 30.6% 32.0% 31.6% ~ 8 3.7% 2.5% 2.6% ~ 10 30.6% 16.5% 20.3% ~ 10 2.4% 0.2% 0.3% > 10 25.0% 3.1% 9.0% > 10 2.8% 0.1% 0.2% (autre valeur) 9.5 3.9 4.1 (sans

donnée) 225.0 44.3 93.2 donnée) (sans 86.8 19.4 22.6

Nb données : 36 97 133 Nb données : 748 14 977 15 725

Figure 5.1 : Fréquence cumulative des longueurs d'intervalle ouvert des puits selon l'utilisation (municipale ou privée) et l'aquifère capté (roc ou sédiments)

Au niveau de leur construction, les puits municipaux recensés ont le plus souvent un tubage de 6 po (15 cm) de diamètre lorsqu’installés dans l'aquifère rocheux, tandis que des diamètres légèrement supérieurs (8 ou 10 po; 20 ou 25 cm) sont privilégiés lorsqu’installés dans des aquifères granulaires (tableau 5.1, partie gauche). De même, des diamètres supérieurs à 10 po (25 cm) sont nettement plus courants dans les sédiments (9/36) que dans le roc (3/97). Différemment, les tubages des puits privés sont très majoritairement de 6 po (15 cm) de diamètre, peu importe l'aquifère capté (tableau 5.1, partie droite). De plus, on constate d'importantes lacunes sur les données du diamètre : pour les puits municipaux (dont les données proviennent pourtant principalement des rapports de consultants), la donnée sur le diamètre est manquante pour 124/257 puits, et pour les puits privés (dont les données proviennent essentiellement du SIH), la donnée de diamètre est manquante pour 3554/19279 puits. Sachant que cette donnée est requise pour plusieurs analyses concernant l'hydraulique, il serait important que des mesures soient prises pour qu'à l'avenir cette donnée soit consignée plus systématiquement.

La figure 5.1 compare les longueurs des intervalles ouverts des puits selon l'utilisation et l'aquifère capté par ces puits. Les résultats sont plutôt attendus : les puits dans les sédiments ont une longueur d'ouverture contrainte par l'épaisseur limitée des formations quaternaires (voir section 3.2.5 et la carte 15 de l’épaisseur de sédiments); à l'opposé, les puits au roc sont ouverts sur de plus grands intervalles. De plus, les puits au roc municipaux sont forés plus profondément dans l'aquifère rocheux que les puits privés, vraisemblablement parce qu’un puits d’approvisionnement municipal a typiquement besoin d’une plus grande capacité de production et d’espace « réservoir » à même le puits, que les puits privés.

5.1.2 Propriétés hydrauliques des puits municipaux

Les capacités spécifiques (CS ou Qs) représentent le rapport entre les débits pompés Q (m3/s) par un puits

sur le rabattement s (m) de la nappe (Qs = Q/s). Le rabattement est la baisse de niveau d’eau dans le puits

en conditions de pompage par rapport au niveau d’eau statique sans pompage. Bien que les capacités spécifiques ne représentent pas directement les propriétés hydrauliques des aquifères, les données sur Qs

sont abondantes dans les bases de données existantes sur les puits, et il est possible d’estimer la transmissivité (T) d’un aquifère à partir de valeurs de Qs. La section 4.1 a déjà présenté des statistiques

réalisées à partir de milliers d'estimations indirectes de T à partir de Qs, principalement pour l’aquifère

rocheux régional.

Dans cette section, on s’intéresse aux données de capacité spécifique et de transmissivité associées aux puits municipaux. Tel que mentionné dans la sous-section 5.1.1, les propriétés de ces puits donnent un aperçu de la capacité « maximale » d’exploitation des eaux souterraines dans la région d’étude. Quelques comparaisons sont faites avec les résultats présentés à la section 4.1, qui considéraient l'ensemble des données disponibles, largement dominées en nombre par les puits privés (données du SIH) et plutôt représentatifs, par conséquent, des valeurs « moyennes » des propriétés hydrauliques de la région.

La figure 5.2 montre les distributions statistiques des valeurs de transmissivité et de conductivité hydraulique des puits qualifiés de « municipaux » dans la BDPH (provenant à 80% des rapports de consultants), en distinguant les puits installés dans les dépôts meubles de ceux dans le roc fracturé. D'après ces résultats, la productivité des dépôts meubles est, environ, de 15 à 120 fois plus forte que celle de l'aquifère rocheux fracturé, selon qu'on compare les modes de T ou de K, respectivement. Les valeurs de T sont plus concentrées entre 1×10-3 et 6×10-3 m2/s (sédiments) ou entre 5×10-5 et 4×10-4 m2/s (roc) ; les valeurs de K sont plus concentrées entre 2×10-4 et 1×10-3 m/s (sédiments) ou entre 6×10-7 et 2×10-5 m/s (roc). Occasionnellement, des installations municipales profitent de T remarquablement élevées, jusqu'à ~10-2 m2/s, plus fréquentes dans les dépôts que dans le roc cependant. De plus, la plus grande variance des valeurs au roc suggère que la productivité de l'aquifère rocheux est plus variable (hétérogène) et donc moins prévisible que celle des aquifères granulaires. Les puits au roc ont néanmoins l’avantage de permettre un approfondissement et une longueur ouverte plus importantes, comme nous l’avons vu précédemment (figure 5.1).

Figure 5.2 : Distributions statistiques de la transmissivité (T) et de la conductivité hydraulique (K) des puits municipaux selon le type d'aquifère capté

Aussi, il est intéressant de comparer les statistiques de T ou K des puits municipaux (figure 5.2) aux tendances observées pour l’ensemble des puits (majoritairement résidentiels), présentées précédemment (section 4.1). Pour l’ensemble des puits installés dans les dépôts meubles (figure 4.2), K a une distribution bimodale avec des modes à 1×10-6 et à 1×10-4 m/s et une valeur médiane d’environ 1×10-5 m/s ; la T médiane est d'environ 3×10-5 m2/s. Tel que nous venons de le voir, les puits municipaux installés dans les dépôts meubles ont des valeurs généralement beaucoup plus élevées (K de 1×10-4 à 1×10-3 m/s, T de 1×10-3 à 1×10-2 m2/s, figure 5.2). Pour le roc, les puits municipaux ont une valeur médiane de K au-dessus de 1×10-6 m/s alors que la valeur médiane de l’ensemble des puits au roc est sous 1×10-6 m/s (figure 4.2) ; de façon similaire, la T médiane des puits municipaux au roc est environ 10 fois plus élevée que celle de l'ensemble des puits au roc.

Toutefois, comme le montre la figure 5.3, la profondeur des puits au roc installés pour approvisionnement municipal est le plus souvent entre 60 et 90 m, alors que la profondeur des puits résidentiels est généralement moindre : de 20 à 40 m (figure 4.4). Cette profondeur accrue des puits municipaux permet d’aller chercher la capacité de production souhaitée. La figure 5.3 montre aussi que, si K paraît diminuer avec la profondeur, T ne montre pas une tendance aussi claire en fonction de la profondeur. En d'autres mots, le diagramme de T(z) montre avant tout une variabilité de T indépendante de la profondeur, à travers laquelle on peut entrevoir une diminution d'environ 1 ordre de grandeur de 0 à 100 m de profondeur dans le roc. Ce taux de diminution de T est approximativement comparable à celui de l'ensemble des puits présenté à la figure 4.4. On peut en déduire que les consultants ont tendance à installer et mettre en production des puits qui ont des propriétés hydrauliques avantageuses, ce qui place ces puits nettement au-dessus des autres puits de la région en termes de capacité de production.

Enfin, parmi les puits municipaux, 68 ont à la fois des valeurs de Qs et de T estimées directement à partir

d’essais de pompages. Une corrélation linéaire directe liant ces deux paramètres est mise en évidence à la figure 5.4, où la relation T(Qs) est étudiée graphiquement en représentation log-log. La forme et la couleur des symboles permettent de distinguer les différents aquifères captés par les puits. Malgré le peu de données disponibles, cette analyse suggère une relation extrêmement simple entre T et Qs, au moins pour

l'aquifère rocheux, soit : T ≈ Qs. La corrélation quasi-linéaire démontrée par ces données vient aussi

vérifier la pertinence de la méthode d'estimation de T puis K à partir de la CS, présentée dans la sous- section 4.1.1.4. Lors de travaux exploratoires, pour obtenir une première approximation de T pour un puits récemment foré, par exemple, l'utilisation de T ≈ Qs est donc recommandée (Neville, 2011). L'estimation

des propriétés hydrauliques devra ensuite être précisée par la réalisation d'essais de pompage plus rigoureux et plus finement interprétés, surtout si le puits est destiné à l'approvisionnement en eau.

Remarque : la figure est construite en suivant la même méthode que la figure 4.4 (voir section 4.1)

Figure 5.3 : Dépendance des propriétés hydrauliques à la profondeur dans le roc pour les puits municipaux : à gauche, relation log10 T(z) ; au centre, relation log10 K(z) ; à droite, densité relative en

données, selon leur profondeur dans le roc (z) (densité normalisée par le maximum)