II Métabolisme de l’azote chez les plantes
L’azote (N) est l’un des principaux éléments composant la matière organique, ce qui en fait l’un
des nutriments les plus importants. Sa disponibilité détermine la croissance et le développement des
plantes et conditionne le rendement des cultures agricoles. Il existe une variabilité dans la demande
en azote chez les plantes car certaines peuvent acquérir cet élément grâce à la mise en place
d’interactions symbiotiques avec des microorganismes du sol comme c’est le cas chez les Fabacées
qui interagissent avec des bactéries du genre Rhizobium afin de fixer le diazote atmosphérique. Ce
type d’interaction est cependant limité à un petit nombre d’espèces végétales, les autres étant
tributaires de la disponibilité en azote du sol. L’azote prélevé dans le sol est majoritairement sous
forme de nitrate et d’ammonium, plus rarement sous forme d’acides aminés. Cependant, la quantité
d’azote dans le sol est souvent relativement faible. Afin d’assurer les rendements et la qualité des
cultures, l’agriculture moderne se base donc sur l’utilisation d’engrais azotés qui est de plus en plus
décriée au vu du coût économique et des dégâts environnementaux qui sont associés. La
connaissance des différents mécanismes intervenant dans le métabolisme de l’azote chez les plantes
est donc d’une grande importance.
L’ammonium est la molécule la plus importante du métabolisme azoté car elle est celle qui sert
d’intermédiaire réactionnel à la synthèse des autres composés azotés. L’ammonium est également
un composé toxique qui ne doit pas s’accumuler dans les cellules car il provoque, entre autres, une
réduction de la croissance, une chlorose et une diminution du rendement (Britto and Kronzucker,
2002). L’ammonium peut avoir différentes origines : il peut être (i) absorbé à partir du sol par les
racines, (ii) le produit de la réduction du nitrate, (iii) un produit formé au cours de la
photorespiration, (iv) provenir du catabolisme des composés azotés et, chez les Fabacées, être
produit par le bactéroïde et délivré à la plante par les nodosités.
1) Les sources d’ammonium chez les plantes
1.1) Absorption racinaire de l’ammonium
L’absorption racinaire de l’ammonium se fait grâce à des transporteurs spécifiques codés par
les gènes AMT (AMmonium Transporter) (von Wiren et al., 2000). Chez Arabidopsis, 6 gènes ont pu
être identifiés, 5 gènes AMT1 et un gène AMT2 mais les nombres de membres par famille peuvent
varier selon les espèces (von Wittgenstein et al., 2014). Les différents transporteurs possèdent des
affinités pour l’ammonium différentes, des localisations spécifiques et une réponse à la disponibilité
en azote (locale ou à l’échelle de la plante entière) également spécifique (Loque and von Wiren,
2004). Lorsque les concentrations du sol en nitrate et ammonium sont équivalentes et faibles, les
plantes utilisent préférentiellement l’ammonium (Gazzarrini et al., 1999). Cependant, le nitrate est
Figure II-1. Les transporteurs de nitrate chez Arabidopsis. Contribution des familles NRT1, NRT2, et
des protéines chloride channel (CLC) a/b et slow anion channel-associated 1 homolog 3 (SLAH3) à
différentes étapes de l'absorption et de l'allocation du nitrate. Le nitrate est absorbé par les racines à
partir du sol et transporté vers les parties aériennes et les graines pour son stockage et/ou son
assimilation. Abréviations : HATS, système de transport à haute affinité ; LATS, système de transport
à faible affinité.
Introduction
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en général présent en plus grande proportion dans le sol par rapport à l’ammonium (de 10 à 1000
fois plus ; (von Wiren et al., 2000)).
1.2) Absorption racinaire du nitrate et réduction en ammonium
1.2.1) Absorption du nitrate par les racines
L’absorption racinaire de nitrate comprend deux systèmes faisant intervenir des transporteurs
distincts (Figure II-1) :
- lorsque la concentration en nitrate dans le sol est élevée (supérieure à 0,5 mM), les
transporteurs de l’ancienne famille NRT1 (maintenant appartenant à la famille NPF, (Leran et al.,
2014)) sont responsables du transport à faible affinité (LATS pour Low Affinity Transport System).
Chez Arabidopsis, cette famille comporte 53 membres parmi lesquels 16 ont montré une activité de
transport de nitrate (Krapp et al., 2014; Leran et al., 2014). Le gène le plus étudié de cette famille, le
gène NRT1.1, possède une double affinité pour le nitrate et agit comme un senseur du nitrate (Liu
and Tsay, 2003).
- lorsque les concentrations en nitrate dans le sol sont faibles (inférieures à 200 µM), les
transporteurs de la famille NRT2 (7 membres chez Arabidopsis) sont responsables du transport à
haute affinité du nitrate (HATS pour High Affinity Transport System) (Orsel et al., 2002). Ce système
comprend une composante constitutive (cHATS) qui s’exprime de façon basale même quand la
plante n’est pas en présence de nitrate ainsi qu’une composante inducible (iHATS) qui se met en
place lorsque la fourniture d’azote à la plante se fait sous forme de nitrate. L’étude des différents
membres de la famille NRT2 a montré que les gènes NRT2.1, NRT2.2 et NRT2.4 sont plus
particulièrement impliqués dans l’absorption du nitrate au niveau des racines (Filleur et al., 2001;
Kiba et al., 2012). Les autres gènes NRT2 seraient plutôt impliqués dans le transport de nitrate au
sein de la plante (Krapp et al., 2014).
Il est à noter que deux autres familles de protéines ont été montré comme capables de
transporter du nitrate : il s’agit des familles SLAC/SLAH (slow-type anion channels et slow-type anion
channels homologues) et CLC (ChLoride Channel). Toutefois, aucune activité d’absorption racinaire
n’est connue à ce jour pour les membres de ces familles (Krapp et al., 2014).
1.2.2) Réduction du nitrate en ammonium
A la suite de son absorption au niveau des racines, le nitrate peut être stocké dans la vacuole
ou bien réduit en ammonium qui pourra ensuite être assimilé. La première étape de la réduction du
nitrate en ammonium est effectuée par l’action de la nitrate réductase à NADH ou NADPH (NR,
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NADH-NR : EC 1.6.6.1 ; NADPH-NR : EC 1.6.6.3), au niveau racinaire ou dans les feuilles après
transport de l’ammonium par le xylème. Cette enzyme cytosolique permet la formation de nitrite
grâce à une holoenzyme homodimérique au sein de laquelle chaque monomère s’associe avec trois
cofacteurs différents (la Flavine Adénine Dinucléotide (FAD), un hème et un cofacteur à molybdène
(MoCo)). Chez Arabidopsis, cette enzyme est codée par deux gènes, NIA1 et NIA2, s’exprimant
respectivement au niveau racinaire et foliaire, et dont la double mutation entraine une accumulation
de nitrate dans la plante et des problèmes de croissance (Wilkinson and Crawford, 1993). Le nitrite
formé par l’action de la NR étant toxique pour la plante, il est transporté dans les chloroplastes afin
d’être réduit en ammonium par l’action de la nitrite réductase (NiR), enzyme qui utilise la ferrédoxine
réduite comme cofacteur (Fd-NiR : EC 1.7.7.1) (Meyer and Stitt, 2001).
1.3) La photorespiration
Les processus d’absorption de nitrate et d’ammonium au niveau racinaire sont d’une grande
importance pour l’acquisition primaire d’azote par la plante. Cependant, ces processus ne
constituent pas la principale voie de formation d’ammonium au sein de la plante. En effet, la
photorespiration relargue de forte quantité d’ammonium (jusqu’à dix fois plus que l’assimilation
primaire) qui doit impérativement être réassimilé sous peine de se révéler toxique pour la plante. La
photorespiration est un mécanisme qui se produit principalement dans les plantes à métabolisme de
type C3 du fait de l’absence de compartimentation entre la capture du CO
2et sa fixation (Moroney et
al., 2013). La ribulose-1,5-bisphosphate carboxylase/oxygénase (RuBisCO) possède une double
affinité pour le dioxyde de carbone (CO
2) et pour le dioxygène (O
2). L’activité carboxylase permet la
formation de 3-phosphoglycérate (3-PGA) à partir de ribulose-1,5-bisphosphate (RuBP) et de CO
2,permettant ainsi la transformation de ce dernier en composés organiques. Le RuBP est ensuite
régénéré grâce au cycle de Calvin afin que l’assimilation de carbone puisse se poursuivre. En raison
de la double affinité de la RuBisCO pour le CO
2mais aussi pour l’O
2, l’activité oxygénase de l’enzyme
peut également aboutir à la formation d’un co-produit indésirable, le 2-phosphoglycolate qui n’est
pas directement métabolisable et est donc régénéré en RuBP via le cycle photorespiratoire. Ce cycle
fait intervenir une dizaine d’enzymes différentes dans trois compartiments sub-cellulaires distincts :
le chloroplaste, le peroxysome et la mitochondrie. Le 2-phosphoglycolate est dans un premier temps
transformé en glycolate par la phosphoglycolate phosphatase (EC 3.1.3.18), lui-même transformé en
glyoxylate par la glycolate oxydase (EC 1.1.3.15) au sein du peroxysome. Le glyoxylate est ensuite
transaminé, grâce au glutamate ou à la sérine, en glycine par la glycine transaminase (EC 2.6.1.4) ou
la sérine-glyoxylate transaminase (EC 2.6.1.45), respectivement. La glycine est alors importée dans la
mitochondrie où elle est transformée en sérine par l’action du système de clivage de la glycine (EC
1.4.4.2/EC 2.1.2.10/EC 1.8.1.4) et de la sérine hydroxyméthyltransférase (EC 2.1.2.1). L’ensemble de