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1.3. Caractéristiques du magmatisme du Piton de la Fournaise

1.3.1. Source des magmas

Les magmas à La Réunion résulteraient de la fusion partielle du manteau supérieur à 3-4 GPa et 1480-1560°C (Fretzdorff et Haase, 2001). Upton and Wadsworth (1972) suggèrent un taux de fusion entre 7 et 15% d'une péridotite à grenat entre 60 et 90 km de profondeur. Pour Ludden (1978), ce taux est compris entre 5 et 10% à partir d’une source péridotitique pauvre en grenat. Albarède et Tamagnan (1988) estiment un taux de fusion similaire (5-10%) d’une source enrichie en éléments incompatibles produisant un résidu harzburgitique, tout comme le taux de fusion (7,5%) proposé par Graham et al. (1990). Récemment Valer et al. (2017) ont également proposé un taux de fusion proche de 10%.

La concentration en eau initiale est estimée à 0,52 pds% (Putirka, 2008). Cependant, il est important de noter que ces calculs sont basés sur un taux de fusion de 13,5%, largement supérieur à la majorité des estimations faites, sous-estimant ainsi probablement les teneurs en eau initial du liquide magmatique primitif. En effet, en se basant sur la composition des inclusions vitreuses piégées dans les olivines fortement magnésiennes liées à l’éruption de mars 1998, Bureau et al. (1999) proposent que les magmas primaires du Piton de la Fournaise pourraient contenir entre 0,7 et 1 pds%. Bureau et al. (1998a) estiment ainsi à 63-277 ppm C et 350-1100 ppm H2O les concentrations dans la source, supérieures à celles classiquement mesurées dans la source des MORBs (Mid Ocean Ridge Basalts) et dans la source EM (Enriched Mantle), aboutissant à la conclusion que les « hotspots » seraient aussi des « wetspots ».

Bien que marqués par l'anomalie Dupal affectant l’ensemble des OIBs (Ocean Island Basalts) et MORBs de l’Océan Indien (208Pb/204Pb et 207Pb/204Pb élevés et 206Pb/204Pb faible; Hart, 1984), la particularité principale des magmas de l’île de La Réunion est la grande homogénéité de sa source en comparaison à d’autres îles volcaniques (Fig. M7a). En effet, les magmas réunionnais (Piton des Neiges et Piton de la Fournaise confondus) ont des signatures géochimiques similaires révélées par les gaz rares (Graham et al., 1990; Staudacher et al., 1990; Hanyu et al., 2001) et par les isotopes du strontium, du néodyme, de l’hafnium et de l’osmium (Albarède et al., 1997; Fisk et al., 1988; Ludden, 1978; Graham et al., 1990; Peters

et al., 2016 ; Valer et al., 2017). Furi et al. (2011) notent également l’absence d’influence de

la dorsale indienne sur les magmas réunionnais, contrairement aux autres îles résultant du même point chaud situées plus proches de l’axe de la dorsale. Deux modèles sont proposés pour expliquer cette homogénéité de la source :

(1a) une source mantellique peu dégazée et la contribution d’une croûte océanique ou continentale recyclée par subduction (HIMU-EM-DMM en se basant sur les gaz rares (Graham et al., 1990; Staudacher et al., 1990). Selon Staudacher et al. (1990), les corrélations entre rapports 36Ar/3He et 1/3He, ainsi que 40Ar/36Ar et

3He/36Ar, marqueraient ce mélange entre manteaux supérieur et inférieur. Si Staudacher et al. (1990) proposent la contribution d’une composante continentale ((U+Th)/3He élevé) en lien avec l’anomalie Dupal pour expliquer l’enrichissement en 4He et 40Ar* (relativement à d’autres points chauds comme Hawaii ou l’Islande; Kurz et al., 1987) dans les magmas réunionnais, Graham et al. (1990) proposent que cela puisse également résulter d’une différenciation ancienne au sein du manteau inférieur. A ce titre, en se basant sur les rapports Ce/Pb et Nb/U similaires à ceux des MORBs, Fretzdorff and Haase (2001) réfutent l’influence d’une composante continentale telle que proposée par Staudacher et al. (1990); (1b) les composantes C-EM1 (98,2%) et DMM (1,4%), avec une contribution plus importante du manteau supérieur appauvri (DMM) pour le Piton des Neiges (8,8%), à l’origine de la variabilité observée sur les isotopes du plomb (Bosch et

al., 2008);

(2) l’implication d’une source mantellique primitive (C ou PREMA). Cette hypothèse se base sur les rapports d’éléments incompatibles très proches de ceux observés dans les chondrites, et sur la faible composante radiogénique de l’osmium mesurée dans les magmas réunionnais (Vlastelic et al., 2006; Schiano et al., 2012; Peters et al., 2016; Valer, 2016; Valer et al., 2017). Cette hypothèse est notamment renforcée par des rapports Nd/Rb et Nb/La proches de ceux du manteau primitif (Valer, 2016; Valer et

al., 2017). Cependant, Peters et al. (2016) ont mis en évidence que les rapports des

éléments fortement sidérophiles (Ru/Ir et Pd/Pt) étaient relativement élevés par rapport à ceux estimés dans le manteau supérieur primitif (PUM), suggérant la présence d’une source mantellique atypique sous La Réunion, pour laquelle les interactions noyau-manteau seraient limitées ou exprimant l’apport d’une composition chondritique atypique par rapport aux météores actuels.

associée à la formation d’un édifice plus ancien, le volcan des Alizés (ou Proto-Fournaise). Les variations des rapports isotopiques du plomb, notamment pour les laves du Piton de la Fournaise moins radiogéniques que celles du Piton des Neiges, sont, quant à elles, interprétées comme résultant de phénomènes de contamination crustale (Vlastélic et al., 2006) ou de l’influence d’une composante DMM au Piton des Neiges (Bosch et al., 2008).

De faibles variations isotopiques et en rapport d’éléments incompatibles et compatibles sont également observées dans les magmas centraux récents du Piton de la Fournaise (Fig. M7c; Vlastélic et al., 2006, 2009; Pietruzska et al., 2009; Di Muro et al., 2014; Vlastelic et Pietruzska, 2016). Si Pietruszka et al. (2009) n’excluent pas l’occurrence de phénomènes de contamination crustale à l’origine de l’enrichissement des rapports d'éléments en traces incompatibles et du rapport 230Th/238U dans certaines laves du Piton de la Fournaise (cf. laves AbG dans la prochaine partie), les variations de certains rapports de terres rares (La/Sm, Nd/Sm) et d’éléments incompatibles et compatibles sont, quant à elles, associées à (1) de petites hétérogénéités de la source, intrinsèques au panache (blobs; Bosch

et al., 2008; Pietruszka et al., 2009), ou (2) résultant de l’entraînement du manteau ambiant

(Fig. M7d; Pietruszka et al., 2009).

En résumé, les faibles variations géochimiques observées (isotopes et traces) sont attribuées à différentes zones d’extraction de magmas (Bosch et al., 2008; Pietruszka et al., 2009; Vlastelic et Pietruszka, 2016), à de faibles degrés de contamination tardive au sein de l’édifice et de la croûte (Pietruszka et al., 2009; Vlastélic et al., 2005, 2007, 2009) et/ou au mélange de magmas résultant de degrés de fusion variable (Albarède et Tamagnan, 1988). Cependant, les magmas réunionnais, au Piton des Neiges et au Piton de la Fournaise, dérivent d’un magma parent résultant d’un degré de fusion similaire d’une source homogène faisant de La Réunion un sujet d’étude idéal pour se concentrer sur les processus pétrologiques responsable de l’évolution des magmas.

des Neiges et du Piton de la Fournaise à partir de « blobs » distincts (modifié d’après Bosch et al. (2008)). (c) Variabilité isotopique et en rapport d’éléments incompatibles et compatibles dans les laves centrales récentes (1950-2007) du Piton de la Fournaise (Vlastelic et Pietruszka, 2016). (d) Modèles proposés pour expliquer la variabilité observée dans les magmas centraux récents du Piton de la Fournaise (cf. (c); modifié d’après Pietruszka et al. (2009)). Le modèle (1) fait référence à de petites hétérogénéités intrinsèques à la source (modèle similaire à celui des « blobs » Bosch et al. (2008)). Le modèle (2) fait référence à l’incorporation d’une composante asthénosphérique appauvrie dans le panache mantellique.