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Méthodologie : pétro-géochimie des inclusions magmatiques et géochimie des

2.1. Les inclusions magmatiques : une fenêtre sur les conditions de stockage et d’évolution des magmas

2.1.1. Inclusions vitreuses

2.1.1.2. Correction et validation des analyses

Concernant l’effet de couche limite (boundary-layer phenomena), une des principales précautions à prendre est d’éviter l’utilisation des inclusions vitreuses piégées dans des cristaux présentant des textures de croissance rapide. En effet, la croissance de tels cristaux est principalement régie par un phénomène de diffusion (Welsch et al., 2013), c’est-à-dire dans des conditions potentiellement hors-équilibres. En conséquence, le liquide en contact avec le cristal n’a pas le temps de se rééquilibrer complètement, créant ainsi une couche limite enrichie en éléments incompatibles qui seront de ce fait principalement enrichis dans les inclusions vitreuses. Dans ce cas les inclusions vitreuses ne sont pas représentatives du liquide environnant (Faure et Schiano, 2005). Ce phénomène a principalement été étudié au sein des olivines dont la composition minéralogique permet de révéler efficacement la présence d’un enrichissement en éléments incompatibles dans les inclusions vitreuses. Cela s’avère en

Second processus à prendre en compte, la rééquilibration par diffusion de l’eau dissoute dans le liquide silicaté, fréquente dans les phénocristaux d’olivine, de clinopyroxène, de plagioclase et de spinelle, et principalement apparente lors des processus de refroidissement (Danyushevsky et al., 2002). Qin et al. (1992) indiquent que le phénomène de rééquilibration par diffusion est fonction de trois paramètres : (1) le ratio entre rayons du minéral hôte et de l’inclusion vitreuse, (2) la diffusivité de H2O dans le minéral hôte (similaire dans l’olivine et le clinopyroxène; Woods et al., 2000) et (3) le coefficient de partage d’H2O entre le minéral et le liquide (un ordre de grandeur plus élevé dans les pyroxènes alumineux que dans les olivines; Massare et al., 2002; O’Leary et al., 2010). En théorie, ce phénomène devrait être plus marqué dans les clinopyroxènes. Cependant des coefficients de diffusion relativement faibles ont été identifiés dans des échantillons naturels (Wade et al., 2008), soulignant la difficulté à quantifier ce phénomène dans les pyroxènes. Dans le cas d’une ascension de magma rapide (refroidissement rapide), l’activité des protons H+ est importante dans les inclusions vitreuses et la perte en eau est souvent mise en évidence par la précipitation de magnétite dans certaines inclusions. Si en revanche la présence de magnétite n’est pas avérée (le champ de stabilité de la magnétite étant fortement lié à la concentration en fer ferrique; Ariskin and Barmina, 1999), le phénomène de perte en eau (H2O), résultant de l’activité des protons H+, peut être considéré comme négligeable. Dans le cas d’un stockage magmatique prolongé associé à un lent refroidissement, le phénomène inverse peut avoir lieu et peut impliquer un enrichissement en H2O dans les inclusions vitreuses par diffusion à partir du magma hydraté (Danyushevsky et al., 2002). Cependant, ce phénomène reste limité au potentiel réducteur des liquides silicatés. Fe3+ étant le principal ion pouvant être réduit, ces auteurs concluent que l’enrichissement en H2O ne peut excéder 0,113*Fe2O3, ca. rarement 1 pds% (0,5 pds% au Piton de la Fournaise).

En conséquence, le phénomène de rééquilibration par diffusion de l’eau peut également parfois induire une perte en fer par diffusion, souvent décrit au sein des cristaux d’olivine (Fe-loss; Danyushevsky et al., 2002; Gaetani et Watson, 2002). Ce phénomène est d’autant plus difficile à identifier qu’il n’aboutit pas forcément à une oxydation et à la formation de magnétite, mais est cependant rarement présent dans les liquides magmatiques primaires et affecte le plus souvent les liquides évolués et oxydés (Sobolev et Chaussidon, 1996). Il apparaît que le phénomène de perte en fer se matérialise principalement par (1) la présence de globules de sulfure due à la modification post-piégeage de la solubilité du S, (2) la formation de minéraux fils comme le clinopyroxène, du fait de la modification du rapport Fe/Mg, et/ou (3) un excès de Mg dans l’inclusion par rapport à la concentration en Mg dans l’olivine hôte à l’équilibre (cartographie des inclusions et calcul des coefficients de partage minéral-liquide). Le phénomène de perte en fer au sein des inclusions vitreuses piégées dans d’autres minéraux, tels que le clinopyroxène et le plagioclase, est en revanche moins bien contraint.

La cristallisation post-piégeage est un phénomène généralement lent (Moune, 2005). La prise en compte de ce phénomène consiste à comparer le coefficient de partage minéral-liquide théorique de l’élément considéré (Kd) au coefficient de partage naturel calculé (Q). L’équilibre est atteint si (Q – Kd)2 est inférieur à l’incertitude sur Q (Toplis et al., 2005). Dans le cas contraire, la procédure consiste à redissoudre théoriquement (ou expérimentalement sur platines chauffantes, induisant souvent des phénomènes de perte en

eau et en fer) une partie du minéral hôte jusqu’à atteindre les conditions d’équilibre. Le calcul du Kd dans l’olivine et le clinopyroxène est généralement basé sur le couple Fe-Mg, bénéficiant d’une large base de données de Kd pour différents types de magma. Afin de déterminer le Kd le plus adéquate, plusieurs méthodes sont possibles :

(1) utiliser des Kd expérimentaux. Pour les magmas réunionnais, le Kd théorique Fe-Mg est estimé à 0,306 dans l’olivine (Fisk et al., 1988). Récemment, en modifiant la teneur en eau et la fugacité en oxygène du liquide silicaté et en jouant sur une gamme de pressions étendue, Brugier (2016) a démontré que ce coefficient était robuste; ses expériences menant à un coefficient moyen de 0,31. De même, la première estimation du Kd théorique Fe-Mg dans les clinopyroxènes à partir d’un liquide fournaisien (Brugier, 2016) aboutit, certes à une gamme plus large, mais en moyenne de 0,27, comparable à la valeur obtenue par Putirka (2008) sur d’autres produits;

(2) utiliser des Kd numériques. Pour les inclusions vitreuses au sein des olivines, Toplis et

al. (2005) proposent une équation permettant de déterminer le Kd théorique Fe-Mg en

se basant sur la pression (P), la température (T), la concentration en forstérite (Fo) et les concentrations en SiO2, K2O, Na2O et H2O dans le liquide silicaté.

La détermination du Q naturel dans l’olivine est égale à (Roedder and Emslie, 1970) : (XFeO olivine / XFeO liquide) * (XMgO liquide / XMgO olivine)

Cependant, la détermination de la concentration en FeO dans le liquide (tout comme dans le clinopyroxène) n’est pas évidente et dépend fortement de fO2 (Frost, 1991). Kilinc et al. (1983) proposent une équation liant les deux paramètres :

ln (XFe2O3 liquide / XFeO liquide) = a * ln fO2+ b / T + c + Σ di * Xi

où a, b, c et di sont des coefficients expérimentaux et Xi définit les concentrations en Al2O3, FeO*, CaO, Na2O, K2O. Kress et Carmichael (1991) ajoutent un terme dépendant à la température dans l’équation ainsi qu’un terme de pression. Afin de déterminer la fugacité en oxygène du liquide (fO2), les méthodes sont nombreuses et ne feront pas l’objet d’une description détaillée dans cette partie (constituant un sujet en soi), mais citons pour les principales, celles basées sur (1) la spéciation du soufre (Carroll et Rutherford, 1988; Métrich

log (Fe2+ spinelle / Fe3+ spinelle) = 0.764 * log (Fe2+ liquide / Fe3+ liquide)

Récemment, d’autres méthodes numériques permettant de corriger la cristallisation post-piégeage ont vu le jour, tels que l’utilisation des logiciels MELTS (Kress et Ghiorso, 2004) et Petrolog3 (Danyushevsky et Plechov, 2011). Ce dernier permet de prendre également en compte le phénomène de perte en fer (Fe-loss). Cependant ces méthodes nécessitent de définir précisement les conditions initiales, telles que la pression (P) sur MELTS et la teneur initiale du liquide en FeOT pour Petrolog3. A ce titre Villemant et al. (2009) utilisent le code MELTS sur les magmas fournaisiens, et suggèrent que le Kd puisse évoluer légèrement lors de la différenciation magmatique. Cependant, ces auteurs ne prennent pas en compte l’effet de l’eau dans le magma, et posent des hypothèses fortes sur la composition du liquide primitif en ne considérant que le rôle de l’olivine dans l’évolution des magmas fournaisiens. A contrario Petrolog3 nécessite de connaître la concentration en FeOT initial qui peut être estimée à partir de la composition de la roche totale, à condition de pouvoir prendre en compte les processus cumulatifs (particulièrement présents dans les magmas fournaisiens) ou liés à la contamination des magmas (e.g. enrichissement en fer dans les magmas AbG du Cratère Hudson; Salaün et al., 2010). Cette méthode est plus simple à appliquer pour des compositions en roche totale à l’équilibre avec celle de l’olivine définissant le mode principal au sein de la roche.

2.1.1.3. Précautions supplémentaires pour l’étude des éléments