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1.3. Les nutriments des plantes

1.3.3. Soufre

Le soufre est un élément largement répandu et abondant à la surface de la terre. Le soufre fait partie des dix éléments les plus abondants dans les matériaux biologiques et est essentiel pour tous les organismes connus. Le soufre fait partie de deux acides aminés (cystéine et méthionine) incorporés dans des protéines.

Historiquement le soufre ne constituait pas un facteur limitant pour la croissance des cultures de par sa grande quantité présente dans les sols. Néanmoins, ce fait n’est plus valable de nos jours puisqu’au cours des deux dernières décennies, la carence en soufre (S) a été reconnue comme une contrainte pour la production agricole dans le monde entier (Schonhof et al. 2007; Mascagni et al. 2008).

1.3.3.1. Les formes du soufre dans le sol

Dans les sols, le S existe sous forme inorganique et organique. Le sulfate (SO42-) est la

seule forme assimilable par les plantes mais il ne constitue que 5% du S total du sol (Scherer 2009). Le S organique est la principale fraction de S dans les sols (Chapman 2001; Solomon et

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al. 2001; Yang et al. 2007). Il représente 95% à 98% du S total du sol (Ghani et al. 1993; Kertesz and Mirleau 2004). Les composés organiques du S se retrouvent dans les micro-organismes, les plantes et les animaux (Marschner 1995). Le soufre lié au carbone est un des composant les plus stables de la fraction organique du sol (Scherer 2009).

Dans les sols, le soufre subit un cycle continu entre les formes inorganiques et organiques (Figure 19).

Figure 19 : Le cycle simplifié du soufre (modifié de Edwards (1998) et Mengel and Kirkby (2001))

Les processus de cyclage du soufre sont analogues aux processus de cyclage de l'azote. Le soufre et l'azote font partie intégrante de la matière organique et sont couplés de nombreuses manières. Lors de la décomposition de la matière organique, le soufre et l'azote organiques sont minéralisés en sulfite et en ammonium, respectivement. Comme pour l'azote, l’ensemble des transformations du soufre (Figure 19) mettent en jeu l’activité microbiologique du sol.

1.3.3.2. Le soufre et le potentiel d’oxydoréduction du sol

Le soufre est directement impacté par le potentiel rédox du sol (Reddy and DeLaune 2008). Il existe de nombreux composés du soufre dans le sol sous formes gazeuses, solubles et solides avec des degrés d’oxydation différents compris entre +VI et –II. Les formes générales de soufre inorganique dans l'environnement appartiennent à trois grandes catégories :

➢ Soufre inorganique oxydé : sulfate (SO42-), sulfite (SO32-) et thiosulfate (S2O32−)

➢ Soufre inorganique réduit : soufre et sulfures élémentaires

➢ Composés soufrés gazeux et liquides : SO2, H2S, DMSO (diméthylsulfoxyde) et DMS

(diméthylsulfure)

Les degrés d'oxydation du soufre les plus courants dans les zones humides sont –II thiol (R-SH) et sulfure (S2-), 0 soufre élémentaire(S) et +VI sulfates (SO

42-) (Tableau 3). Plusieurs

autres degrés d'oxydation sont possibles car le soufre peut remplacer l'oxygène dans les anions et former des anions divalents constitués de groupes de deux atomes de soufre ou plus, tels que le thiosulfate (S2O32-) dans lequel le soufre a une valence de +II.

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Tableau 3 : Les différentes formes du soufre et leur degré d'oxydation (Reddy and DeLaune 2008)

Nom Formule Degré d’Oxydation

Sulfate SO42- + VI Dithionate S2O62- + V Sulfite SO32- + IV Disulfite S2O52- + IV Dithionite S2O42- + III Thiosulfate S2O32- + II soufre élémentaire S 0 Sulfure S2- - II soufre Organique (R-SH) S2- - II

Les principales étapes du cycle du soufre sont (Figure 19) :

➢ La minéralisation du soufre organique en sulfure d'hydrogène (H2S).

➢ L’oxydation du sulfure, du soufre élémentaire (S) et de ses composés connexes en

sulfates (SO42-) (Figure 20a).

➢ La réduction des sulfates en sulfures (S2−) (Figure 20a).

➢ L’immobilisation microbienne des composés soufrés et leur incorporation dans

une forme organique du soufre.

Figure 20 : Le couple Eh/pH et le soufre. (a) Diagramme de Pourbaix du soufre dans une solution de 100 µM de SO42- à 25°C (Husson 2013) (b) Effet du pH sur la spéciation des sulfures (Reddy and DeLaune 2008)

Le seul ion important contenant du soufre dans une solution oxydante est SO42-. En milieu

réduit (conditions anaérobies) le soufre peut être sous deux états en fonction du pH du sol : H2S si le pH est inférieur à 7 et HS– si le un pH est supérieur à 7 (Figure 20b).

1.3.3.2.1. Réduction du soufre

Absorbé par les organismes sous la forme de sulfate, le soufre est ensuite réduit. En effet, les organismes ne peuvent utiliser le sulfate qu’après réduction sous une forme directement utilisable par le métabolisme cellulaire. Il s’agit d’une réduction anabolique du soufre, se produisant en milieu aérobie au sein des organismes.

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Dans le cas de la respiration microbienne dans le sol en milieu anaérobie les ions sulfates font office d’accepteur d’électrons dans le cadre de processus cataboliques microbiens. Les anaérobies obligatoires utilisent des composés soufrés inorganiques tels que le sulfate et le soufre élémentaire comme accepteurs d'électrons. La réduction des sulfates se produit alors lorsqu’un sol présente un potentiel redox compris entre 0 et -200 mV/ENH. Les organismes responsables de cette réduction catabolique sont des bactéries appelées sulfato-réductrices. Ce sont principalement des eubactéries gram négatif (Desulfovibrio spp., Desulfobacter spp., Desulfococcus spp.).

La réduction du sulfate en sulfure implique le transfert de 8 électrons. Lors de cette réduction l’accepteur d’électrons est le sulfate SO42-. Le donneur d’électrons est la matière

organique. Les produits réduits obtenus diffèrent selon le pH du milieu. Les demi-réactions ainsi que l’expression des potentiels associés aux différentes formes réduites du soufre (H2S,

HS-, S2-) sont données en ANNEXE 2. Les réactions bilan en fonction du pH du sol sont les

suivantes (Reddy and DeLaune 2008): Lorsque pH < 7 : 𝑆𝑂42− + 10𝐻++ 8𝑒− → 𝐻2𝑆 + 4𝐻2𝑂 ( 40 ) Lorsque 7 < pH < 12,3 : 𝑆𝑂42− + 9 𝐻++ 8𝑒− → 𝐻𝑆− + 4 𝐻2𝑂 ( 41 ) Lorsque pH > 12,3 : 𝑆𝑂42− + 8 𝐻++ 8𝑒− → 𝑆2− + 4 𝐻2𝑂 ( 42 )

Thermodynamiquement, la réduction du sulfate en sulfure demande des besoins énergétiques élevés. La réduction des sulfates représente moins de 15% du rendement énergétique en conditions aérobies, ce qui en fait un accepteur d'électrons très inefficace.

Les vitesses de réaction dépendent principalement de l’interaction entre plusieurs facteurs à savoir (Reddy and DeLaune 2008) :

➢ La présence (ou non) d'accepteur d'électrons avec des potentiels de réduction plus

élevés : La présence de nitrates ou de formes oxydées de fer et de manganèse, qui sont réduits à des potentiels supérieurs que celui du soufre tend à retarder la réduction des sulfates. Il a notamment été montré que l'oxy-hydroxyde de fer (III) amorphe inhibait la réduction des sulfates de 86 à 100% (Lovley and Phillips 1987).

➢ Des conditions anaérobies nécessaires aux populations microbiennes sulfato-

réductrices

➢ La présence de sulfates

➢ La disponibilité de la matière organique

➢ Des température adéquates : Un impact significatif des saisons et de la

température sur la réduction du sulfate, avec des taux élevés pendant l’été et des taux faibles en hiver a notamment été mis en avant (DeLaune et al. 2002)

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➢ La présence de populations microbiennes adaptées : taille et densité de la

population bactérienne

Dans le cas des sols saturés contenant également du fer réduit (Fe2+), les sulfures peuvent

se combiner avec le fer pour former des sulfures de fer ferreux (FeS) insolubles selon la réaction (Bouet and Brenet 1963; Marschner 1995) :

𝐹𝑒2++ 𝑆2− = 𝐹𝑒𝑆 ( 43 )

Le sulfure de fer ferreux donne la couleur noire caractéristique de nombreux sols de zones humides anaérobies. L'une de ses formes minérales courantes est la pyrite, FeS2, la

forme de soufre que l'on trouve couramment dans les gisements de charbon. 1.3.3.2.2. Oxydation du soufre

Les composés soufrés réduits peuvent être oxydés à la fois par des processus biotiques et abiotiques. Ainsi dans un sol aéré et en présence d'oxygène, H2S (ou HS- ou S2- selon les cas)

est oxydé en SO42- dans le sens inverse de la réduction (équations 40, 41 et 42) (Figure 20a).

En milieu anaérobie l’oxydation du sulfure peut cependant également se produire, catalysée par des bactéries soufrées telles que Beggiatoa et Thiothrix (Marschner 1995). Les composés soufrés réduits utilisés par ces bactéries en tant que donneurs d'électrons comprennent les sulfures, thiosulfates, thiocyanates, soufre élémentaire et tétrathionate. Les sulfures peuvent ainsi être oxydés par des populations de microorganismes chimiotrophes et photosynthétiques en soufre élémentaire et en sulfates dans les zones aérobies de certains sols, en présence d’oxygène (Le détail des demi-réactions est disponible en ANNEXE 2) (Marschner 1995) :

2 𝐻2𝑆 + 𝑂2 → 2𝑆 + 2 𝐻2𝑂 + 𝐸𝑛𝑒𝑟𝑔𝑖𝑒 (510 𝑘𝐽)

Ces mêmes bactéries peuvent également oxyder S en H2SO4. Le soufre élémentaire est

aussi oxydé par les bactérie chimiotrophes du genre Thiobacillus (Le détail des demi-réactions est disponible en ANNEXE 2) (Marschner 1995) :

2𝑆 + 3 𝑂2 + 2 𝐻2𝑂 → 2 𝐻2𝑆𝑂4 + 𝐸𝑛𝑒𝑟𝑔𝑖𝑒 (1180 𝑘𝐽)

Dans des conditions anaérobies, le nitrate peut également être utilisé comme accepteur d'électrons terminal dans l'oxydation des sulfures d'hydrogène. C’est par exemple le cas de Thiobacillus denitrificans qui oxyde le soufre élémentaire en présence de nitrate dans des conditions anaérobies :

5 𝑆 + 6 𝑁𝑂3 + 2 𝐻2𝑂 → 3 𝑆𝑂4 + 2 𝐻2𝑆𝑂4 + 3 𝑁2 1.3.3.3. Biodisponibilité du soufre

La fraction de soufre disponible dans le sol pour les plantes (SO42-) comprend le sulfate

inorganique facilement soluble, le sulfate adsorbé, et la partie du soufre organique qui est minéralisée pendant la période de croissance des plantes. Bien que les fractions de soufre inorganique puissent être évaluées à l'aide d'extractants chimiques, aucune procédure simple

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et rapide satisfaisante n'a été proposée pour la fraction disponible de composés soufrés organiques (Marschner 1995).

De façon bien moins importante que pour le phosphore, les sulfates peuvent être fixés par le sol via des processus d’adsorption. Ces processus sont notamment contrôlés par la concentration de SO42- dans la solution de sol, le pH du sol, le caractère des surfaces colloïdales

ainsi que la présence d’autres anions compétitifs en solution (Chao et al. 1962).

L’adsorption de SO42- est plus marquée lorsque le pH du sol est <6.5 (Prietzel 2001). Le

maximum est atteint lorsque le pH est égal à 3 et diminue rapidement à mesure que le pH augmente (Scott and Anderson 1976). Pour un pH > 6,5, l’adsorption est négligeable et la plus grande partie du SO42- se trouve dans la solution du sol (Curtin and Syers 1990).

Les sulfates peuvent également être adsorbé par des particules qui ont des charges de surface variables (positive ou négative), comme par exemple des hydroxydes de Fe et d'Al qui peuvent constituer des revêtements sur des minéraux argileux ou des oxydes libres, de la même manière que pour les phosphates (Tabatabai et al. 1986).

L'adsorption des sulfates est également concurrencée par celle des autres anions comme les phosphates, les nitrates ou les chlorures (Tisdale et al. 1993). Parce que le SO42- adsorbé

est maintenu beaucoup moins fortement que les phosphates adsorbés, l’augmentation de la concentration en P augmente la disponibilité de SO42- (Tabatabai et al. 1986). Les anions

organiques peuvent également entrer en concurrence avec le SO42- sur les sites d'adsorption

(Kaiser and Zech 1996) et ainsi réduire la quantité et le taux d'adsorption de SO42- (Courchesne

and Landry 1994).

Les sulfates ne sont cependant que faiblement retenus par le sol et des cas de pertes de soufre par lixiviation sont couramment observés. Les pertes par lixiviation dépendent alors principalement de la capacité du sol à retenir les ions sulfates. Elles sont plus faibles dans les sols à texture fine que dans les sols à texture grossière, notamment en raison des effets combinés d'un débit d'eau plus faible et d'une capacité de rétention du soufre plus élevée dans les premiers (Barrow 1975; Gregg and Goh 1978). Il est néanmoins difficile de quantifier les pertes par lixiviation en raison de la variation des facteurs qui les influencent (Edwards 1998). Ainsi en règle générale les composés organiques du soufre sont en grande partie immobiles alors le soufre inorganique et notamment le sulfate (SO42-) est très mobile (Scherer

2009).

La concentration des sulfates dans la solution de sol varie en permanence et à tout moment en fonction de l'équilibre entre 4 leviers principaux : les conditions rédox du milieu, l'absorption par les plantes, la minéralisation et l'immobilisation (McLaren and Cameron 1996). L'augmentation de la concentration de SO42- dans la couche supérieure du sol est

principalement due à la minéralisation du S provenant de la matière organique du sol (Scherer

2009). La concentration de SO42- dans la solution de sol est généralement moindre en hiver

ainsi qu’au printemps en raison du faible taux de minéralisation (Ghani et al. 1990; Castellano and Dick 1991).

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La minéralisation et l'immobilisation vers des formes organiques du soufre se produisent simultanément dans les sols (Eriksen et al. 1995). Ce sont des processus à médiation microbienne (Ghani et al. 1992). La minéralisation du soufre organique est un processus induit par de nombreux microorganismes hétérotrophes dans des conditions aérobies et anaérobies et produit des formes de soufre disponible pour les plantes (Kertesz and Mirleau 2004).

La minéralisation biochimique est l'hydrolyse d’esters de sulfates par des enzymes appelées sulfatases (Scherer 2009). Ces enzymes hydrolysent les esters de sulfates lorsque la demande microbienne en soufre ne peut pas être couverte par le soufre inorganique du sol :

𝑅 − 𝐶 − 𝑂 − 𝑆𝑂3− + 𝐻2𝑂

𝑆𝑢𝑙𝑓𝑎𝑡𝑎𝑠𝑒

→ 𝑅 − 𝐶 − 𝑂𝐻 + 𝐻++ 𝑆𝑂42− Une sulfatase bien connue est l’arylsulfate sulfohydrolase (Scherer 2009).

L'activité des sulfatases est contrôlée par l'apport de soufre aux microorganismes du sol (Scherer 2009). Des faibles concentrations de soufre inorganique vont notamment inciter les microorganismes du sol à produire des sulfatases alors que des quantités importantes de soufre inorganique provoqueront la diminution de production de sulfatase. L'activité de la sulfatase est rétro-inhibée par le soufre inorganique du sol (Prietzel 2001) et est corrélée à la teneur en carbone organique du sol. Au fur et à mesure que la matière organique dans le sol diminue, l'activité de cette enzyme décroît également (Melero et al. 2008). Exprimés en pourcentage de soufre organique total, les quantités cumulées de soufre minéralisé peuvent varier de 3,5% à 34,9% (Scherer 2009).

Les plantes peuvent également influencer la dynamique du soufre dans le sol de par leur impact direct sur la densité microbienne dans la rhizosphère et de fait sur la sécrétion de sulfatases (Scherer 2009).

1.3.3.4. Les rôles physiologiques et agronomiques du soufre

Dans la plante, le soufre a des rôles multiples. Il est présent dans la composition de trois acides aminés (la cystéine, la cystine et la méthionine) et donc dans de nombreuses protéines, il compose les molécules organiques volatiles et aromatiques. C’est un des composants de différentes enzymes et il est présent dans la synthèse des vitamines.

Les symptômes de carence en soufre chez les plantes se caractérisent par :

➢ Des jeunes feuilles pâles, de couleur vert pâle à jaunâtre, avec parfois des veines

plus claires que les tissus environnants. Dans certaines plantes, des tissus plus âgés peuvent également être touchés.

➢ Des plantes petites et effilées

➢ Un taux de croissance lent et une maturité retardée

Les effets négatifs des sulfures sur les plantes supérieures sont :

➢ La toxicité directe du sulfure libre au contact des racines des plantes

➢ La disponibilité réduite du soufre pour la croissance des plantes en raison de la

précipitation avec des métaux (FeS…)

➢ Une immobilisation du zinc et du cuivre par précipitation des sulfures peut également être constatée.

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