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Vers une sortie de la vieille ville? Mobilité résidentielle intergénérationnelle : 1870-

I]Structures sociales : alphabétisation, professions et habitat dans la communauté juive de Bône

CSP 1 CSP 2 Total Résultat Artisans 4,44% 6,67% 5,56%

B) Vers une sortie de la vieille ville? Mobilité résidentielle intergénérationnelle : 1870-

a)Vers l'entrée des juifs dans la ville nouvelle ?

La prégnance de la ségrégation résidentielle caractérise la ville de Bône jusque dans les années 1950, en particulier pour les juifs. En 1872, 96% des juifs résident dans la vieille ville, et c'est toujours le cas de 78% d'entre eux en 1911277. La situation ne change que très lentement. La

principale évolution réside dans l'entrée plus massive des juifs dans la ville nouvelle qui accueille seulement 3% d'entre eux en 1872, alors que cette proportion grimpe à 24% en 1906. Cependant, cette progression semble freinée en 1911 (ils ne sont plus que 21% à y résider).

Plus encore, en s'appuyant sur les indices de concentration relative et les indices de dissimilarité278,

David Prochaska met en avant que : « Les juifs se trouvaient dans une situation vis à vis des

Européens à peine meilleure que ne l'était celle des musulmans. Ils étaient plus proches d'eux que ceux ci en 1872, et par la suite, leur situation se détériora au moins jusqu'en 1911.279» Il 277 Après 1911, les juifs ne sont plus recensés séparément, ils ne figurent donc plus dans l'analyse de David Prochaska.

278 Nous reviendrons par la suite sur ces différents indicateurs.

279 Prochaska David, « La ségrégation résidentielle en société coloniale, le cas de Bône (Algérie), 1872-1954 » op. cit. p. 172.

Illustration 8: Ville nouvelle (à gauche) et vieille ville (à droite) séparées par le Cours Bertagna. BNF, GE B 9167

poursuit en précisant qu'en général : « les juifs étaient plus séparés des Européens qu'ils ne l'étaient

des musulmans. Donc après 35 années de citoyenneté française, ils en étaient plus coupés que jamais. Il serait fort intéressant de savoir si – et à quel point – leur situation changea après 1911.280 ». Le constat est sans appel : les barrières spatiales se sont maintenues entre les communautés jusqu'au début du XXe siècle. Pourtant, il ne faudrait tout de même pas minimiser l'arrivée croissante de juifs dans la ville européenne. Si ce n'est peut être pas le signe d'un rapprochement avec les Européens, il n'en reste pas moins que cette évolution ne touche pas la population musulmane. Alors qu'en 1872, 6% des musulmans habitent la ville nouvelle, cette proportion reste durant toute la fin du XIXe siècle comprise entre 8 et 10% avant de diminuer au début du XXe siècle à 5% en 1926 (tableau 5). La situation des juifs et des musulmans étaient comparables en 1872, mais il semble au vue de ces chiffres qu'une partie de la population israélite a connu une certaine mobilité résidentielle, alors que n'est pas le cas de la population musulmane. Plus encore, en 1906, proportionnellement l'écart entre la population juive et la population européenne dans la ville nouvelle s'est considérablement réduit : seulement 36% des Européens y résident et 24% des juifs ; même s'il faut noter que les Européens totalisent toujours plus de 75% des habitants de la ville nouvelle281. On peut alors se demander comment la situation évolue par la

suite.

Tableau 5 : Répartition de la population de Bône par quartier (David Prochaska)282

Il est tout d'abord important de remarquer que les estimations que nous avons réalisées pour la fin du XIXe siècle diffèrent quelque peu des chiffres proposés par David Prochaska. Il est clair que notre échantillon se basant sur divers actes d'état civil qui s'étalent sur plusieurs années (d'où la division par périodes et non par années), n'a pas la précision d'un recensement exhaustif à une date précise. Si au début de la période les chiffres concordent (plus de 90% de la population juive résident dans la vieille ville vers 1870), par la suite les écarts se creusent, avec une sous représentation des personnes habitant dans la vieille ville dans notre échantillon. Ce déficit ne se fait 280 Ibid.

281 Ibid. p. 156. 282 Ibid. p. 153.

Européens Musulmans Juifs

Vieille ville Ville nouvelleColonne Randon Faubourgs Vieille ville Ville nouvelle Colonne Randon Faubourgs Vieille ville Ville nouvelleColonne RandonFaubourgs

1872 59,00% 23,00% 18,00% 64,00% 6,00% 32,00% 96,00% 3,00% 1,00% 1876 52,00% 26,00% 22,00% 54,00% 9,00% 37,00% 90,00% 9,00% 1,00% 1881 47,00% 31,00% 16,00% 6,00% 56,00% 10,00% 9,00% 25,00% 1901 25,00% 40,00% 28,00% 7,00% 56,00% 8,00% 4,00% 32,00% 75,00% 23,00% 1,00% 1,00% 1906 26,00% 36,00% 31,00% 7,00% 55,00% 10,00% 5,00% 30,00% 73,00% 24,00% 3,00% 1911 26,00% 39,00% 29,00% 6,00% 53,00% 9,00% 9,00% 29,00% 78,00% 21,00% 1,00% 1926 25,00% 33,00% 34,00% 8,00% 41,00% 5,00% 22,00% 32,00% 1936 23,00% 25,00% 41,00% 11,00% 30,00% 7,00% 36,00% 27,00%

pas au profit de la ville nouvelle (dont la répartition de la population coïncide assez bien avec les chiffres de David Prochaska), mais plutôt en faveur du quartier de la Colonne Randon. A la fin du XIXe siècle, seulement 1 à 3% des juifs habitent ce quartier, alors que nous trouvons des proportions plus élevées, supérieures à 10% voire même à 15%. Nous ne savons pas à l'heure actuelle ce qui se cache derrière ces différences (une divergence en terme de découpage par quartier semble peu probable dans la mesure où la vieille ville et la Colonne Randon sont des quartiers bien distincts).

Les juifs naturalisés après 1870 ne sont pas comptabilisés parmi les israélites, mais en fonction de leur pays d'origine. Ainsi, Jacques Taïeb dénombre entre 1872 et 1931, 5238 juifs étrangers non recensés avec le reste de la population juive283. A Bône, il est probable que la proportion d'étranger

parmi la population juive soit assez importante, puisque nombre d'entre eux sont originaires de Tunisie. De plus, les 37 personnes naturalisées sur la période habitent davantage la Colonne Randon que les autres, et il est très probable que ce soit le cas de l'ensemble des juifs étrangers.

283 Taïeb Jacques, « Les juifs d'Algérie, (1830-1962), Démographie et société », in Archives Juives, N°29, Liana Lévy, Paris, 1996, p. 101.

Tableau 6 : Zones d'habitat des juifs naturalisés (1870-1930)

Nous ne savons pas si David Prochaska a pris en considération les juifs étrangers dans son étude284.

Si ce n'est pas le cas, il se pourrait que les différences de chiffres soient partiellement imputables à la population étrangère. Dans tous les cas, ce problème ne se pose pas pour l'année 1942, dans la mesure où nous disposons d'une source qui est, pour ne pas dire exhaustive, du moins très complète.

Tableau 7 : Répartition de la population juive par quartier selon la période

En 1942, il existe une véritable rupture par rapport à la période précédente dans la mesure où seulement 44% des juifs résident dans la vieille ville alors qu'auparavant, la majorité absolue de cette population y habitait. Bien que les juifs soient davantage présents dans la ville nouvelle, c'est plutôt le quartier de la Colonne Randon qui profite de cette désaffection du centre ville traditionnel. Tout laisse à penser que cette évolution est en grande partie due à l'accroissement démographique de la ville. En effet, David Prochaska constate l'expansion très importante du quartier de la Colonne Randon dans les années 1920 et 1930, qui concentre en 1936 36% de la population musulmane et 41% des Européens. Parallèlement, la population juive ne semble plus sous représentée dans la ville nouvelle. Déjà en 1936, David Prochaska soulignait que seulement 25% des Européens habitaient dans la ville nouvelle, et cette proportion tend à baisser, proportion dépassée par la population juive 284 Dans l'article sur la ségrégation résidentielle, il note (page 152) que : « En 1872, la rubrique 'juifs' comprend les naturalisés

français (652), plus ceux qui ne le sont pas encore (229) ; par la suite ils le sont tous. » Cette remarque est ambiguë. Pourquoi en

1872 229 personnes ne sont pas encore de nationalité française ? De plus après cette date tous les juifs tunisiens ou d'autres pays du Maghreb ne sont toujours pas français. En réalité, il est probable que les catégories statistiques de l'administration coloniale aient changé après 1872, assimilant les juifs étrangers au reste des étrangers et non plus à la population israélite. Nous comprenons mieux alors la baisse de la population juive entre 1872 (881 personnes) et 1876 (666 personnes), différence qui recoupe exactement le nombre de juifs non naturalisés pour la première période.

Avant 1870 1871 1890 1891 1914 1942 Total Résultat Effectifs

8,16% 16,29% 11,64% 20,85% 18,53% 349 Faubourgs 0,94% 8,97% 6,53% 123 vieille ville 91,84% 75,28% 69,81% 44,39% 52,84% 995 ville nouvelle 8,43% 17,61% 25,78% 22,09% 416 Total Résultat 100% (49) 100% (178) 100% (318) 100% (1338) 100,00% 1883 Colonne Randon

quartier Proportion Effectifs

Colonne Randon 24,32% 9

Faubourgs 2,70% 1

vieille ville 62,16% 23

ville nouvelle 10,81% 4

qui réside à 26% dans la ville nouvelle en 1942 ! Nous pouvons supposer que dans le même temps, les conditions de logement s'améliorent. En 1930, le rabbin Eisenbeth soulignait que la part des mal-logés dans la population juive de Bône était inférieure à la moyenne des israélites du département de Constantine. Pour le grand rabbin Eisenbeth, les familles touchées par le mal logement sont celles : « ...dont le nombre des membres égale ou est supérieure à celui des pièces

habitées285. » Au contraire, les familles bien logées sont celles : « ...qui disposent d'un nombre de

pièces supérieur à celui des membres qui les composent. » Ainsi, 73,78% des familles juives de

Bône connaissent le mal logement en 1930, alors que c'est le cas de 82,5% des familles juives du département. La création des habitations bon marché (HBM) en 1912, puis la loi Loucheur en 1928 ont contribué à une amélioration qui demeure timide.

Tableau 8 : Logement à Bône et dans le département de Constantine pour la population juive selon le rabbin Eisenbeth en 1930286

Cependant, la grande majorité des juifs connaissent encore des conditions de logement très défavorables.

Afin de vérifier si la ségrégation spatiale a réellement diminué à cette date, il est nécessaire de recourir à la suite de David Prochaska, aux indices de concentration relative. Ces indices permettent de savoir si une population est réellement surreprésentée ou sous représentée au sein d'un espace, en rapportant sa proportion dans un quartier à son poids relatif dans l'ensemble de la ville.

Méthodologie : Indice de concentration relative.

Pour le calculer (selon la technique utilisée par David Prochaska), il faut diviser le pourcentage d'une communauté dans tel quartier par le pourcentage de la même communauté dans l'ensemble de la population bônoise. Si l'indice est égal à 1, cela indique que les différents groupes sont représentés de la même façon dans toutes les parties de la ville. Un indice supérieur à 1 signifie que le groupe en question est surreprésenté, et enfin un indice inférieur à 1 indique une sous- 285 Eisenbeth Maurice, Le judaïsme nord africain : études démographiques sur les israélites du département de Constantine... op.

cit. p. 97.

286 Ibid.

Nombre de familles Familles bien logées Familles mal logées

Ville de Bône 534 26,22% 73,78%

représentation de cette communauté.

Donc pour obtenir l'estimation d'un tel indice pour la communauté juive en 1942, il est d'abord nécessaire de de connaître le poids relatif de cette population dans chaque quartier, cela en nous appuyant à la fois sur les données fournies par David Prochaska287 et les chiffres que nous avons

produits288.

Pour la vieille ville :

En 1942, 45% des juifs habitent dans la vieille ville, c'est-à-dire 1523 personnes (3385*45/100). Or en 1936, 21 869 personnes résident dans la vieille ville. Par chance, cette population est relativement stable, puisqu'en 1954, elle se monte à 26 519 personnes. Nous prenons pour simplifier le chiffre approximatif de 22 000 personnes en 1942. Dès lors, les juifs représentent 6,9% de la population totale de la vieille ville (1521/22 000*100).

Pour la nouvelle ville :

En 1942, 26% des juifs habitent la ville nouvelle, soit 880 personnes (3385*26/100).

En 1936, la population totale du quartier est de 13 612, et cette population est très stable jusqu'en 1954 (13 580 personnes). Par commodité, nous considérons le chiffre de 13 600 personnes en 1942. Les juifs représentent alors 6,5% de la population de la ville nouvelle (880/13 600*100). Pour la Colonne Randon :

En 1942, 20,85% des juifs habitent la 'Colonne', ie 706 personnes.

En 1936, la population du quartier se monte à 32 221 individus. Mais cet espace connaît une forte expansion démographique. En 1954, il y a 48 821 personnes, ce qui signifie une augmentation de la population de 51% en 18 ans (48 821 – 32 221/32 221 * 100), soit une hausse annuelle moyenne de 2,8% c'est à dire 902 personnes en plus par an en moyenne. Dès lors, on peut estimer la population de ce quartier à 36 731 personnes en 1942 (5*902+32 221). Les juifs représentent donc 1,9% de la population du quartier (706/36 731*100).

Pour les Faubourgs :

En 1942, 9% de la population juive y réside, soit 305 personnes (3385*9/100).

En 1936, il y a dans les Faubourgs 15 573 individus. Mais ici encore la population augmente fortement puisqu'en 1954 il y a alors 23 090 personnes, soit une augmentation en 8 ans de 48% (23 090 – 15 573/15 773*100), et donc un taux de croissance annuel moyen de la population de 287 Tous les chiffres relatifs à la population totale par quartier et dans l'ensemble de la ville sont issues de : David Prochaska, « La ségrégation résidentielle en société coloniale, le cas de Bône (Algérie), 1872-1954 », op. cit. p. 152-153.

2,6%. Nous pouvons alors estimer qu'en 5 ans, le quartier a gagné 2000 personnes (2,6/100*15 573*5), soit une population totale de 17 500 individus. Les israélites sont donc 1,7% dans l'ensemble des Faubourgs (305/17 500*100).

Une fois réalisé ce travail, il reste encore à rapporter l'ensemble de ces pourcentages à la proportion de juifs qui habitent Bône en 1942. Nous l'avons déjà dit, les juifs sont 3385 en 1942. Le problème réside désormais dans la détermination de la population de la ville à cette date. En 1936, la population de Bône se monte à 83 27 personnes , contre 112 010 en 1954, soit une augmentation de 34,5% (112 010 – 83 275/ 83*100) en 18 ans. La croissance annuelle moyenne de la population est donc de 1,9%. Dès lors on peut estimer la population de Bône en 1942 à 91 000 personnes (1,9/100*83 275*5). Les juifs représentent donc en 1942 3,7% de la population totale (3385/91 000*100).

Il suffit alors de diviser le poids relatif de la population juive de chaque quartier par 3,7 (par exemple pour la vieille ville : 6,9/3,7 = 1,83).

Tableau 9 : Indice de concentration relative en 1872-1942 (David Prochaska)289

L'indice de concentration relative confirme la surreprésentation moins écrasante des juifs dans la vieille ville en 1942, avec le retour à une situation proche de celle de la fin des années 1870. Surtout, cet outil met en lumière un phénomène inédit de surreprésentation des juifs dans la ville européenne. Cette surreprésentation est même plus importante que pour le reste de la population européenne en 1936. Au contraire, la population musulmane reste largement exclue de la ville européenne, et demeure concentrée dans les Faubourgs et la vieille ville. Parallèlement, les juifs sont davantage présents dans la Colonne Randon et dans les Faubourgs même s'ils restent largement sous représentés. Dans tous les cas, il devient plus difficile de parler de ségrégation spatiale au sens strict du terme (au moins pour les juifs) puisqu'ils se sont largement rapprochés des Européens. Le recours à l'indice de dissimilarité utilisé par David Prochaska va dans le même sens.

289 Prochaska David, « La ségrégation résidentielle en société coloniale, le cas de Bône (Algérie), 1872-1954 » op. cit. p. 157. Les indices de 1942 sont issus de nos sources.

Juifs Européens Musulmans

Années Vieille ville Ville nouvelle Colonne Randon Faubourgs Vieille ville Ville nouvelle Colonne Randon Faubourgs Vieille ville Ville nouvelle Colonne Randon Faubourgs

1872 1,4 0,2 0,95 1,4 0,85 1,03 0,27 1,5 1876 1,67 0,33 0,95 1,26 0,85 1,03 0,45 1,45 1901 2 0,75 0 0 0,73 1,29 1,36 0,5 1,58 0,27 0,19 2,5 1906 2 0,75 0 0 0,72 1,26 1,36 0,52 1,56 0,37 0,22 2,37 1911 2,33 0,67 0 0 0,73 1,33 1,31 0,49 1,47 0,3 0,4 2,23 1936 0,89 1,5 1,06 0,61 1,13 0,41 0,93 1,46 1942 1,83 1,75 0,51 0,46

Méthodologie : Indice de dissimilarité.

Il s'agit d'un indicateur qui permet de dire quelle proportion de personnes devrait théoriquement changer de quartier pour assurer une répartition « égale » de la population. Comme l'explique David Prochaska : « L'indice peut aller de 1 à 100 : plus il est élevé, plus est forte la ségrégation

résidentielle, et plus grande la proportion de de tel ou tel groupe à devoir changer de quartier pour que l'intégration soit assurée290 ».

On le calcule grâce à la formule suivante : Ai/A – Bi/B * 100. Où : (Exemple : juifs/Européens dans la vieille)

A = le nombre total de personnes du groupe A dans la ville : Pour les juifs en 1942 : 3385.

B = le nombre total de personnes du groupe B dans la ville : 45 048 Européens : nous reprenons le chiffre de 1936 dans la mesure où il n'y pas pratiquement pas de changement par rapport à 1954 : (avec 46 004 personnes).

Ai = le nombre de personnes du groupe A dans le quartier étudié : 1523 juifs dans la vieille ville. Bi = le nombre de personnes du groupe B dans ce même quartier. 10 421 Européens en 1936 et nous prenons 10 500 pour simplifier... (faible tendance à la hausse).

L'indice de dissimilarité pour la vieille ville est donc : (1523/3385) - (10500/45048) * 100 = 23% (estimation)

Il suffit alors de répéter l'opération pour chaque quartier. Dans ce cadre, nous nous appuyons sur la population par quartier déjà déterminée précédemment. Pour ce qui est de la population européenne, il a fallu en déterminer le nombre pour chaque quartier.

Dans la ville nouvelle :

En 1936, il y a 11 037 Européens. La population est stable, voire en baisse jusqu'en 1954. Nous considérons le nombre de 11 000 Européens en 1942.

Indice de dissimilarité : (880/3385) – (11 000/45 048)* 100 = 24% Colonne Randon :

Il y a 18 434 Européens en 1936, et la population est stable jusqu'en 1954 (19 829 Européens en 1954). On considère donc la population de 18 500 Européens en 1942.

Indice de dissimilarité : (706/3385) – (18 500/45 048)* 100 = 20% Faubourgs :

5156 Européens résident dans les Faubourgs, avec une diminution de leur population (3641 en 1954). Nous considérons le nombre de 5000 personnes en 1942.

Indice de dissimilarité : (305/3385) – (5000/45048) *100= 2% 290 Ibid. p. 169.

Tableau 10 : Indices de dissimilarité (David Prochaska) : 1872-1911291

Alors qu'en 1911, l'indice de dissimilarité entre juifs et Européens à l'échelle de la ville se montait à 57, il est compris entre 20 et 24 pour la plupart des quartiers de la ville en 1942. Cela signifie que 23% des habitants juifs (ou Européens) de la vieille ville doivent se déplacer pour obtenir une hypothétique homogénéité de peuplement entre juifs et Européens. Cela irait donc dans le sens d'une réelle convergence de l'implantation spatiale de ces deux groupes, même si des différences demeurent.

Tableau 11 : Indices de dissimilarité juifs/Européens en 1942 selon le quartier :

Malheureusement, nous ne disposons pas de chiffre entre 1911 et 1942, pour évaluer les différentes étapes de ce processus. Nous pouvons cependant supposer qu'une part importante de cette mobilité résidentielle est relative à une certaine mobilité sociale. Nous avons vu précédemment le lien entre salarisation, revenus élevés et propension à habiter dans la ville nouvelle. Or, il s'avère qu'en 1930, la proportion de salariés qualifiés augmente fortement par rapport à la période précédente, (elle passe de 7% chez les hommes nés entre 1871 et 1880 à 24% en 1930), et tout porte à croire que ce processus s'est poursuivi jusqu'en 1942. L’installation d'un nombre croissant d'israélites dans la ville nouvelle en est peut être le résultat.

291 Ibid. p. 170.

Européens/musulmans juifs/musulmans juifs/Européens

1872 22 36 44 1876 33 47 39 1901 59 46 51 1906 54 44 52 1911 53 54 57 Quartiers 1942 Vieille ville 23 ville nouvelle 24 20 Faubourgs 2 Colonne Randon

b) La mobilité intergénérationnelle principale vecteur de cette évolution

Une fois démontrée l'existence d'une certaine mobilité résidentielle à la fin de la période, il est nécessaire de se demander quels en sont les acteurs. Ce faisant, nous serons davantage en mesure d'expliquer en profondeur ce phénomène. Dès lors, nous raisonnerons en terme de génération. Repartons du constat de David Prochaska. Ce dernier met en lumière que les enfants des juifs naturalisés sont moins représentés que les naturalisés dans la vieille ville, ce qui ne témoigne pas pour autant d'une ascension sociale ou d'un rapprochement avec les Européens. En effet, nous savons que de nombreux critères pèsent sur les phénomènes de mobilité, dont le plus important : la croissance démographique de la ville. C'est d'autant plus le cas que la vieille ville a une capacité de logement réduite, plutôt stable alors que la population de la ville augmente fortement. Il n'en reste pas moins que nous avons montré précédemment que cette mobilité n'était pas seulement mécanique, elle touchait les communautés mais aussi les milieux sociaux de façon différenciée. De plus, depuis au moins le début du XXe siècle, la population de la ville nouvelle est aussi relativement stable et ses frontières assez rigides, se retrouvant dans une situation similaire à la vieille ville sur ce point (ce qui n'est pas le cas de la Colonne Randon). Dès lors, la mobilité résidentielle est davantage en lien avec des trajectoires personnelles.Une fois clarifiés ces éléments, nous pouvons recourir à une analyse générationnelle du peuplement des quartiers de Bône.

Tableau 12: juifs des deux générations par grands espaces urbains en 1906 puis en 1911 ( David

Prochaska292)

David Prochaska met bien lumière à deux dates successives, la différence entre les naturalisés français et leurs enfants. En 1906, 77% des juifs naturalisés habitent dans la vieille ville, alors que c'est le cas de 66% de la seconde génération. Les différences se sont encore creusées en 1911 où 292 Ibid. p. 169.

1906 vielle ville ville nouvelle Colonne Randon Faubourgs Nombre Juifs naturalisés français (1870) 77,00% 19,00% 3,00% 1,00% 1071

Enfants des Juifs naturalisés français 66,00% 32,00% 2,00% 591

1911

Juifs naturalisés français (1870) 88,00% 10,00% 1,00% 1,00% 707

seulement 10% des naturalisés demeurent dans la ville nouvelle alors que c'est le cas de 35% de leurs descendants. Plus globalement, et à notre modeste niveau, nous avons essayé de reproduire cette expérience en y incluant aussi la troisième et la quatrième génération. Puisque nous travaillons toujours sur les mêmes chiffres, nous retrouvons cet important déséquilibre concernant la