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CHAPITRE 6 CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

6.1 Sommaire et principales conclusions

La restauration des sites miniers générateurs de drainage minier acide (DMA) constitue un défi majeur auquel doit faire face l’industrie minière et les gouvernements responsables des sites miniers abandonnés. La production de DMA, liée à l’oxydation des minéraux sulfureux dans les aires d’accumulation (parcs à résidus et haldes à stériles), peut contaminer les eaux de surfaces, les eaux souterraines et peut affecter significativement les écosystèmes environnants si elle n’est pas contrôlée. Plusieurs techniques ont été étudiées et mises en place depuis le début des années 1980 afin de résoudre ces problématiques et ce, à des coûts abordables pour l’industrie minière.

À ces problématiques environnementales bien connues de l’exploitation minière auxquelles il faut trouver des solutions, s’ajoutent de nouveaux risques en lien avec les changements climatiques (CC). Des récentes études indiquent que les CC vont toucher toutes les étapes du cycle de vie d’une mine, depuis l’exploration jusqu’à la fermeture. Cependant, peu de travaux spécifiques à l’interaction entre les CC et la restauration minière ont été effectués. De plus, la conception actuelle des ouvrages de restauration intègre seulement les paramètres climatiques actuels moyens et/ou extrêmes, mais ne prennent pas en considération les CC.

En climat humide, la réduction de l’apport en oxygène vers les rejets réactifs est une des principales techniques utilisées pour contrôler la production de DMA. La diffusion de l’oxygène étant jusqu’à 10 000 fois plus faible dans l’eau que dans l’air, une des techniques développées consiste à maintenir une couche de matériau saturée en eau (la couche de rétention d’eau) dans un recouvrement placé au-dessus des résidus réactifs. C’est basé sur cet objectif que les couvertures à effets de barrière capillaire (CEBC) ont été développées. Ces recouvrements sont constitués de plusieurs couches de matériaux dont le contraste de granulométrie et de propriétés hydrogéologiques favorise la mise en place d’effets de barrière capillaire, réduisant considérablement l’écoulement vertical de l'eau depuis un matériau fin vers un matériau grossier sous-jacent.

Comme la plupart des ouvrages de restauration minière, les CEBC ont des durées de vie très longues voire indéfinies et ont de multiples interactions avec le milieu naturel environnant. L’efficacité d’une CEBC étant intrinsèquement dépendante des conditions climatiques

(précipitations, sécheresse), les CC prévus pourraient devenir un paramètre d’influence majeur. L’objectif principal de ce projet était d’évaluer, à l’aide de la modélisation numérique, l’influence des CC sur le comportement hydrogéologique de la CEBC installée sur l’ancien site minier abandonné Lorraine au Québec.

Un modèle numérique représentant la CEBC du site Lorraine a ainsi été construit à l’aide du logiciel SEEP/W. A l’aide de la condition aux frontières Land-Climate-Interaction (LCI), les variations journalières de six paramètres climatiques (température, précipitations, vitesse du vent, humidité relative, albédo et rayonnement solaire) ont pu être intégrées au modèle comme condition frontière de surface. Une première simulation a permis de modéliser le comportement hydrogéologique de la CEBC en tenant compte du climat historique observé entre 2001 et 2003 à la station météorologique de l’aéroport d’Earlton, situé 75 km au nord-ouest du site Lorraine. Les niveaux piézométriques et les teneurs en eau volumique simulés ont été comparés aux mesures effectuées sur le terrain pour cette période et ont permis de valider le modèle. Les niveaux piézométriques simulés comparés à ceux mesurés indiquaient un coefficient de corrélation de 0,54 et une erreur quadratique moyenne (RMSE) égale à 0,16 m se situant dans l’intervalle typique de calibration des charges hydrauliques. Quant aux teneurs en eau volumiques simulées, elles se situaient toutes dans l’intervalle d’erreur (± 0,03) lié aux mesures des données observées. Ce modèle pouvait donc être considéré comme étant représentatif pour prédire le comportement hydrogéologique de la CEBC de Lorraine.

Trois scénarios climatiques ont ensuite été sélectionnés parmi les différents modèles de CC disponibles pour le site Lorraine et ont été appliqués au modèle validé de la CEBC pour la période 2098 – 2100. Le scénario considéré comme ayant le plus d’impact pour la saturation de la couche de rétention d’eau de la CEBC était celui présentant la plus faible augmentation de précipitations (+ 0,7 %) et la plus forte augmentation de température (+ 7 °C) en termes de changement relatif entre l’horizon historique et l’horizon 2100. La comparaison des niveaux piézométriques avec et sans CC indiquent une baisse du niveau piézométrique moyen d’environ 14 cm avec le scénario IPSL sur les trois années simulées. Cependant, malgré cette baisse du niveau phréatique, les teneurs en eau volumique dans la couche de rétention d’eau restent proches des valeurs simulées avec le climat historique et le degré de saturation reste toujours supérieur au critère de performance des CEBC, i.e. Sr > 85 %. Ainsi, la principale conclusion de cette partie du travail est que, malgré le scénario avec CC le plus pessimiste vis à vis la performance à long terme des CEBC, les effets de

barrière capillaire demeurent bien développés, ce qui rend la CEBC de Lorraine robuste face aux CC.

Afin d’évaluer l’efficacité de la CEBC de Lorraine face à des évènements de sécheresse qui pourraient causer une désaturation de la couche de rétention d’eau, des simulations de conditions extrêmes ont été réalisées. La méthode développée dans cette étude consistait à étudier les observations météorologiques de la station de l’aéroport d’Earlton afin de déterminer la durée maximale des sécheresses observées et le minimum de précipitations cumulées sur les 30 jours précédents la sécheresse (CPBD). Une sécheresse historique de 42 jours avec un CPBD de 3 mm a ainsi pu être définie comme conditions de sécheresse extrêmes. Le même travail a été effectué sur les données climatiques projetées avec le scénario IPSL afin de calculer le changement relatif entre la période historique et la période future de sécheresse. Ainsi une augmentation de 22 % de la durée des sécheresses et une augmentation de 50 % du CPBD ont été calculée pour l’horizon 2100. Une sécheresse future a ainsi été définie et appliquée au scénario IPSL en considérant une durée de 51 jours et un CPBD de 6 mm. Les résultats de cette simulation avec une sécheresse future appliquée en mai 2099 indiquent que le niveau piézométrique minimal simulé durant cette période baisse de 22 cm avec la sécheresse. Le plus gros écart simulé entre la modélisation avec et sans sécheresse est de 42 cm à la fin de la période sèche. Cependant, le niveau piézométrique simulé avec sécheresse remonte rapidement après celle-ci et atteint le niveau simulé sans sécheresse après 15 jours environ. Les teneurs en eau volumiques dans la couche de rétention d’eau restent cependant proches de celles simulées pour le scénario sans sécheresse et les degrés de saturation sont supérieurs à 85 % en tout temps. La principale conclusion tirée de cette partie du travail est que la sécheresse extrême future n’affectera pas plus la performance de la CEBC que la sécheresse extrême actuelle.

Une deuxième méthode de simulation avec conditions extrêmes, inspirée de la méthode utilisée dans de précédentes études sur la conception d’ouvrages de restauration minière, a également été testée dans ce projet. Une période de deux mois sans précipitation a été appliquée sur le scénario avec climat historique pour les mois de juillet et août 2002, considérant ainsi que le recouvrement avant la sécheresse présentait des conditions de saturation élevée, correspondant à celles observées après la fonte des neiges. Cette sécheresse de deux mois appliquée sur le scénario climatique historique (en 2002) indique que le comportement hydrogéologique de la CEBC subit davantage d’impact avec celui-ci par rapport au scénario défini avec la nouvelle approche. En effet, l’élévation

du niveau piézométrique et les teneurs en eau volumique diminuent davantage. Cependant, les deux paramètres rejoignent rapidement, après la sécheresse, les valeurs simulées avec le scénario historique original. Les résultats indiquent donc que l’ancienne approche est plus conservatrice que celle développée dans cette étude.

Les simulations effectuées avec changements climatiques et conditions extrêmes de sécheresse indiquent donc des variations du comportement hydrogéologique de la CEBC de Lorraine en fonction des différents scénarios testés. Cependant les résultats confirment que le recouvrement de type CEBC demeurera efficace d’ici 2100, avec des effets de barrières capillaires bien développés au sein du recouvrement.

Enfin, l’étude a également permis de montrer que les propriétés des matériaux, et en particulier le contraste entre la couche de rétention d’eau et le bris capillaire est très important, mais que la performance plus faible obtenue sur un tel système n’est pas affectée significativement par les CC. De plus, la prise en compte de la colonisation végétale a brièvement été abordée dans cette étude. Les modélisations effectuées avec un cas théorique de forêt mature de peupliers baumiers appliqué au scénario climatique IPSL indiquent une modification notable du comportement de la CEBC avec des degrés de saturation dans la couche de rétention d’eau qui frôlent le critère limite de performance.