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Soigner, Enseigner, Chercher

Dans le document Prof. Jean-Paul Bronckart (Page 9-13)

1. INTRODUCTION

1.2 Soigner, Enseigner, Chercher

Les collaborateur-trice-s de la filière soignante qui encadrent, accompagnent ou forment en vue des actions conjointes de leurs pairs, partagent cette conscience interrogatrice d’une connaissance approfondie du travail et des facteurs favorisants les différents projets de soins liés aux réalités chaque fois spécifiques du patient.

Ce constat qui traverse les différentes strates de l’organisation sociale hospitalière dans la recherche de solutions, offre une place prépondérante au langage qui devient à la fois le lieu où germent, se développent, se retravaillent les activités, leurs formes et leurs conditions comme les moyens de leurs développements.

Cette recherche des performances et des équilibres qui favoriseraient l’évolution des activités et des connaissances collectives comme individuelles, paraît empreinte du fait « des dimensions masquées des actes, des choix et des compromis précédant ceux-ci » (Faïta, 2001, p. 13).

Force est de se rappeler dans ce vécu quotidien que l’activité collective est ici encore « sillonnée par les résonances réelles ou très proches de l’activité d’autrui » (Clot, 1999, p. 115) et que l’échange avec les autres, avec soi-même, élabore constamment ce qui devient alors un support prépondérant et un reflet parfois observable de nos rapports humains et professionnel-le-s.

Dans la réalisation de leurs activités quotidiennes, les soignant-e-s exercent diverses compétences que l’on peut envisager à cette étape, comme « tout ce qui est engagé dans l’action organisée et tout ce qui permet de rendre compte de l’organisation de l’action. Ceci englobe l’ensemble des connaissances d’un individu et sa capacité à les exploiter » (de Terssac, cité par Fristalon, 1992, p. 156).

Ainsi dans l’intrication des actions, les situations de communication se matérialisent tant à l’oral qu’à l’écrit et les pratiques de la langue dans les services hospitaliers sont autant de manifestations qui tendent à montrer que « la communication participe intimement aux logiques opératoires, à la gestion des connaissances, à la structuration des collectifs, à la programmation du travail dans le temps et dans l’espace, à la transmission des consignes, à la réactualisation des règles et des normes » (Lacoste, cité par Filliettaz & Bronckart, 2001, p.

24).

Au sein des Hôpitaux universitaires de Genève (dorénavant HUG), les savoirs comme les compétences « ordinaires » et langagières des soignant-e-s sont régulièrement interrogés et mis au travail dans des dispositifs de formation continue, que ce soit dans une salle de cours ou sur les terrains de leurs expressions.

Dans cet environnement dynamique et mouvant, la centration sur la réalisation effective du travail occupe une grande part de l’attention de ceux qui sont chargés de maintenir ou de développer les dispositifs de formation dans les analyses et les réponses aux besoins des différents départements médicaux.

L’ingénierie de ces actions concertées a donc comme principale visée d’améliorer et de développer l’organisation collaborative en tant que lieu de production, d’apprentissage, de valorisation et d’accumulation d’informations/connaissances.

Elle offre au champ de la didactique professionnelle des possibilités maintes fois interrogées dans leur complémentarité, afin d’articuler les dimensions théoriques et les dimensions opératoires: « Si la didactique professionnelle se rattache, du point de vue théorique, au courant de la conceptualisation de l’action, elle se doit de présenter les outils, les concepts, les méthodes, qui doivent permettre aux utilisateurs de s’approprier ces instruments et de les utiliser de façon efficiente » (Pastré, Mayen, Vergnaud, 2006, p. 145).

Dans le contexte en constante évolution de la mise en place de normes métier, de structures et de systèmes d’information hospitaliers qui se poursuivent depuis une trentaine d’années, les investissements réalisés par l’ensemble des professionnel-le-s intègrent une transformation importante du dossier de soins infirmiers et de leurs pratiques : « En passant par des étapes successives, ponctuées par l’introduction de nouvelles références conceptuelles comme le

plan de soins, le «Kardex1», le processus de soins infirmiers, les transmissions ciblées, le dossier de soins a toujours rendu compte de l’état du patient et des actions entreprises par les soignant-e-s. » (Müller, Raë, Dupont, Merkli, Lang, 2002, p. 123).

L’informatisation du dossier qui a débuté en 2001 et dont l’évolution se poursuit encore aujourd’hui a intégré une nouvelle notion ; celle de dossier du patient. Ce changement de libellé « est à prendre en considération dans les transmissions cliniques des soignant-e-s. On assiste à un changement de paradigme, car il ne s’agit plus d’un dossier à l’usage des professionnel-le-s ! Bien entendu, les soignant-e-s écrivent en fonction de leurs observations et de leur raisonnement clinique, mais il s’agit de mettre en évidence de manière privilégiée les perceptions du patient, ses attentes, les réponses à ses besoins » (Butel, 2004, p.50).

Cette polyphonie en dialogues exige des soignant-e-s de pouvoir développer un panel complexe de connaissances et de compétences en vue de l’utilisation de l’outil informatique, dans leur collaboration avec les autres professionnel-le-s de la santé et la mise en pratique de leurs propres savoirs infirmiers.

Dans le portefeuille des projets et des missions que gère la Direction des Soins, une part importante de ses collaborateur-trice-s œuvre au développement du Dossier Patient Informatisé, module infirmier (dorénavant DPI-MI) et à la qualité des informations qui y sont rédigées.

Les cadres infirmiers des départements comme les responsables des unités prennent une part active dans l’accompagnent des questions concernant la fonction et le rôle de cette portion de la communication professionnelle ; que ce soit en regard des savoirs et des capacités d’agir mais également de la professionnalisation des soignant-e-s.

A leurs côtés, d’autres infirmier-ère-s, chargé-e-s de recherche et de qualité ou spécialistes cliniques, participent à cette entreprise. Ils collaborent notamment à l’étude et au suivi constant des problématiques concernant la transmission des informations écrites, éléments constitutifs de la pérennité des soins du patient au sein de l’institution.

1 Le Kardex ® est l’appellation du support qui permettait aux soignants de suivre un plan de soins et d’y consigner l’ensemble des observations générales concernant chaque patient-e.

Il semble que nous soyons actuellement dans un cycle de vie institutionnelle où les principales évolutions de l’outil informatique sont réalisées pour l’ensemble des HUG. C’est dans cette temporalité que mon insertion personnelle a commencé à se construire ; dans le creuset d’un investissement coopératif où la formation s’inscrit tant sur le versant de l’outil que du métier.

Dans le tissage des collaborations au sein de la Direction des Soins, il m’a été alors donné peu à peu de devenir l’apprenti des collègues que je côtoie, pouvoir écouter les échanges concernant les différentes réalités et commencer à percevoir les réalités concernant les pratiques d’écriture dans le DPI-MI.

Ce que je retiens dès ce début, c’est le souci constant et partagé de la question du sens du soin et de cette écriture en vue d’acquérir « une logique méthodologique, une visibilité de la situation de soins, une facilité d’accès à la lecture et la compréhension par les infirmières des problématiques de soins, en résumé à une responsabilisation des soignant-e-s » (Pillod, Thévenot-Barcella, Raë, 2008, p. 54).

C’est en approfondissant mes propres apprentissages avec le directeur adjoint des soins que nous avons pu au fil de nos discussions partager nos réflexions sur les liens et les perspectives que la recherche peut entretenir avec les situations de travail et de formation dans leurs capacités respectives de créer des dynamiques d’influences mutuelles.

Nous avons alors pu construire une entente sur : « une vision de la recherche qui se centre sur la compréhension et l’analyse des pratiques en prenant en compte le système éco-social dans lesquels elles s’inscrivent et les temporalités dans lesquelles elles se déploient » (de Saint-Georges, 2006, p. 24).

Un grand nombre des collaborateur-trice-s de cette direction métier manipule ces dimensions dans le « maillage de leurs pratiques » et les contextes variés de leurs applications ; ce qui les place implacablement au cœur d’enjeux et de conséquences multiples puisqu’ils sont tout autant chercheurs, formateurs, qu’acteurs des situations sociales.

L’évolution professionnelle que je consolide pas à pas dans cette structure, alors que je ne suis pas infirmier de métier, est donc imprégnée des contraintes et des avancées que mes collègues gèrent couramment dans leurs diverses missions, de mes propres réalisations, comme des savoirs que je construis dans le champ des sciences de l’éducation.

Dans le document Prof. Jean-Paul Bronckart (Page 9-13)