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1.2 Le capucin moine Cebus capucinus

1.2.3 Socio-écologie du capucin moine

Le capucin moine occupe pratiquement tous les types de forêt néotropicale. On le trouve dans les forêts tropicales humides et sèches, les forêts inondées, les forêts de mangrove, les forêts-galeries, ainsi que dans les forêts sèches à feuilles caduques où les averses sont absentes 5 à 6 mois de l’année (Freese &

Oppenheimer 1981). La répartition de Cebus capucinus est étagée du niveau de la

mer jusqu’à 2100 mètres d’altitude (Wolfheim 1983). Sa distribution géographique s’étend de l’extrême nord-ouest de l’Equateur jusqu’au Honduras, en passant par l’ouest de la Colombie, Panama, le Costa Rica ainsi que le Nicaragua (Figure 4). Il existe également certaines populations sur l’île de

Colombie et sur les îles de Coiba et de Jicaron (Cebus capucinus imitator) au

large de Panama (Hernandez-Camacho & Cooper 1976 ; Rodriguez-Luna et al.

1996 ; Reid 1997 ; Marineros & Gallegos 1998).

Figure 4 : Distribution géographique du capucin moine (Amérique centrale). (Illustration tirée de Fragaszy et al. 2004).

1.2.3.2 Utilisation de l’espace

- Exploitation des domaines vitaux -

Un groupe de capucins moines occupe un domaine vital d’1 km² environ (Oppenheimer 1968 ; Buckley 1983 ; Chapman 1987 ; Mitchell 1989 ; Rose 1998). Rose (1998) a décrit que des groupes plus importants, avec un plus grand nombre de mâles adultes, occupent des territoires plus vastes que des groupes de plus petite taille. Oppenheimer (1968) qualifie les capucins moines de « territoriaux », en accord avec les observations de Buckley (1983) alors que

Mitchell (1989) les considère comme étant plus xénophobiques que territoriaux dans le sens où ils interagissent de manière agressive quel que soit le lieu et le moment de la rencontre avec d’autres groupes plutôt que de défendre activement leur territoire.

L’espèce Cebus capucinus occupe son domaine vital de manière relativement

homogène. Les groupes se déplacent d’un site de nourriture (arbre) à un autre, sans se focaliser sur un arbre particulier, et ne restent jamais très longtemps au même endroit. Cependant, pendant la saison sèche, ils sont plus fréquemment observés fourrageant près des points d’eau qui deviennent un facteur déterminant

l’occupation de leur domaine vital (Fedigan et al. 1996). Dès que les pluies

reviennent, ils agrandissent très rapidement leur domaine vital et accroissent la longueur de leurs déplacements.

- Distribution spatiale des individus au niveau du groupe -

La position d’un individu au sein de son groupe social peut influencer son succès de fourragement aussi bien que sa vulnérabilité aux prédateurs. La meilleure position pour le fourragement est l’avant du groupe alors que la position la plus sûre pour échapper à la prédation est le centre du groupe. Hall et Fedigan (1997) ont montré qu’en accord avec ces contraintes, les individus dominants se positionnent la plupart du temps à l’avant-centre du groupe, les enfants et les juvéniles sont plus au centre du groupe, alors que les subordonnés se trouvent souvent à la périphérie du groupe. D’autres part, les individus semblent adapter leur dispersion en fonction de la taille et de la qualité du site exploité. Les capucins moines ont en effet tendance à fourrager seuls dans les petits arbres mais se répartissent en sous-groupes dans des arbres de taille moyenne et ne forment plus qu’un groupe dans des arbres de grande taille (Phillips 1995).

Cartes mentales et mémoire spatiale

-Les capucins moines sont capables de cartographier mentalement l’emplacement de leurs sources de nourriture ainsi que le moment des disponibilités de ces ressources (King 1986). Garber et Paciulli (1997) ont mis en évidence qu’ils se

servent plus de leur perception spatiale (carte mentale) que de la perception visuelle ou olfactive directe pour rechercher de la nourriture. Cependant, ils peuvent associer certains indices visuels à des ressources et semblent discriminer différentes quantités de nourriture. De plus, ils possèdent des capacités d’apprentissage rapides et très flexibles.

Ces auteurs ont ainsi montré que le capucin moine, à l’instar d’autres espèces de primates et particulièrement des grands singes, utilisent majoritairement des informations spatiales globales dans le contexte de la recherche alimentaire.

1.2.3.3 Utilisation du temps

Les capucins sont actifs tout au long de la journée. Au réveil, les mâles émettent de puissantes vocalisations appelées « gargles » ainsi que des cris de contact. Une fois tous les individus réveillés, le groupe commence à se déplacer à la recherche d’un arbre fruitier où ils prendront leur premier repas de la journée. Ils visitent ainsi un ou plusieurs arbres entre 5 heures et 9 heures du matin. Vers le milieu de la matinée, les capucins commencent à ralentir la cadence de leurs déplacements entre les arbres fruitiers pour commencer à rechercher les insectes. Jusqu’à la fin de la matinée, ils alternent ce fourragement avec de courtes périodes de repos et pendant la saison sèche, ils se rendent également à un point d’eau pour boire. Puis les jeunes passent un peu de temps à jouer alors que les adultes se toilettent. Le reste de la journée sera de nouveau consacré à la recherche de fruits et aux déplacements entre les différents sites. La nuit tombe assez tôt dans la forêt tropicale et le groupe commence souvent à se déplacer vers un site de repos (pour la nuit) entre 5 heures et 6 heures de l’après-midi. Les sites de sommeil les plus fréquemment choisis sont de grands arbres possédant de nombreuses branches horizontales et situés près d’un arbre fruitier. Les capucins moines passent la nuit

à dormir en contact d’un ou deux congénères (Fragaszy et al. 2004). Globalement,

ils occupent en moyenne 66% de leur journée à s’alimenter, 10% à se déplacer et le reste du temps est consacré aux activités sociales ou au repos (Freese 1978).

1.2.3.4 Régime alimentaire

Le capucin moine, par son régime alimentaire très opportuniste est considéré comme omnivore. Il se distingue en effet par la plus grande variabilité alimentaire des singes du Nouveau Monde (Rose 1994a). Cependant, il se nourrit principalement de fruits (65%) et de feuilles (15%). Le reste de son régime alimentaire est largement composé d’insectes ainsi que d’autres invertébrés tels que les araignées, les crabes ou encore les huîtres mais également de petits vertébrés (lézards, oiseaux, jeunes écureuils et coatis) ou encore d’œufs, de graines, noix, écorces, bourgeons, gommes et fleurs.

- Flexibilité du régime alimentaire -

Il existe cependant des différences de régime alimentaire entre les groupes :

Chapman et Fedigan (1990) ont décrit des groupes voisins de C. capucinus qui se

distinguent par leur alimentation majoritaire avec 83% de fruits pour un groupe alors qu’un autre groupe était principalement faunivore avec 50% de proies de type insectes ou vertébrés. Ces résultats suggèrent une origine culturelle de ces différences. Cependant, il existe également des différences au sein même des groupes (Rose 1994a, 1994b, 1998), principalement entre les mâles et les femelles, non pas au niveau de la ressource majoritaire qui reste le fruit, mais dans le fait que les femelles fourragent plus que les mâles et les mâles consomment plus de proies animales que les femelles. Rose (1994a) suggère que la différence de taille entre les deux sexes – les mâles sont environ 30% plus grands que les femelles – serait la meilleure explication de ces différences.

Manipulations dans le contexte alimentaire

-Grâce à leur grande dextérité manuelle (Meunier & Vauclair, sous presse) et à des techniques d’exploitation des ressources sophistiquées, ils accèdent à certains fruits et à certaines graines, que de nombreuses autres espèces ne parviennent pas à atteindre. Ils utilisent simultanément leurs mains et leurs dents pour tirer, mordre ou casser un item de nourriture potentiel. Les capucins frappent souvent des objets contenant de la nourriture, tels que les escargots, les noix ou d’autres fruits et

graines bien protégés, contre un substrat rigide pour les casser et les ouvrir. Ce type de comportement est dit « combinatoire » puisqu’il requiert la combinaison de l’objet avec le substrat. Une fois l’objet ouvert, les capucins sont très agiles et présentent des gestes très contrôlés pour en extraire la nourriture. La manipulation et l’utilisation d’objet sont donc fréquentes chez cette espèce bien que le temps consacré à ces activités reste faible (< 1%). Cependant l’utilisation d’outil en milieu naturel est très rarement décrite dans la littérature (Chevalier-Skolnikoff 1990 ; Tomblin & Cranford 1994 ; Panger 1998 ; Garber & Brown 2004).

1.2.4 Organisation et structure sociales

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