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dans l’interaction avec son hôte invertébré (Biomphalaria glabrata) : recombinaison, épissage alternatif, transcription indépendante et

1. Les SmPoMuc au coeur de la compatibilité

La compatibilité de l’interaction entre Schistosoma mansoni et son hôte intermédiaire Biomphalaria glabrata, et par conséquent le succès parasitaire, résulterait de la capacité du parasite à échapper aux défenses internes de l’hôte. Différents travaux suggèrent que les schistosomes y parviendraient, notamment, grâce à leur capacité à développer une stratégie de type camouflage/mimétisme moléculaire (Abu-Shakra et al., 1999; Damian, 1997; Salzet et al., 2000). Le camouflage moléculaire se traduit par l’adsorption à la surface du parasite de déterminants moléculaires de l’hôte (Van Der Knaap et al., 1985). Le mimétisme moléculaire, quant à lui, consiste à l’expression de déterminants moléculaires de surface commun à ceux du mollusque (Damian, 1987; Yoshino, Bayne, 1983). Dans tous les cas, les épitopes du parasite ne sont pas reconnus et ne provoquent pas de réponse du système interne de défense.

Cependant, lorsque le stade infestant miracidium pénètre dans les tissus du mollusque, il ne dispose pas de la capacité à développer ce type de stratégie. En effet, durant les premières heures de vie intra-molluscale, le parasite va tout d’abord perdre ses plaques ciliées (Pan, 1996). A cet instant, ce parasite qui n’est plus un miracidium mais qui n’est pas encore un sporocyste, est appelé post-miracidium. Il s’agit là du stade le plus vulnérable du cycle de vie de S. mansoni. Il est dépourvu d’une surface le protégeant contre le système de défense de l’hôte. Les tissus internes, tels que la lame basale et les muscles, sont directement exposés au système de défense de l’hôte (Pan, 1996). Malgré cela, le parasite, dans le cas d’une interaction compatible, va parvenir à se transformer en sporocyste primaire, qui sera alors pourvu d’un tégument de protection (Pan, 1996). Durant ce processus d’élaboration de l’épithélium du futur sporocyste primaire, une grande quantité de produits excrétés/sécrétés (ES) sont relargués (Lodes, Yoshino, 1989). Une partie est contenue dans des vésicules participant à la formation du nouveau tégument. La caractérisation du contenu protéique des produits ES de S. mansoni, a fait l’objet d’une étude à laquelle j’ai participé au laboratoire (Guillou et al., 2007) (cf. Annexe 1). Ce travail nous a permis de caractériser des protéines impliquées, notamment, dans la détoxification lors du stress oxydatif induit par les hémocytes (cellules de défenses circulantes du mollusque). Durant le stade post-miracidium, qui dure environ cinq heures, le parasite développerait une stratégie de « détoxification » que

nous avons appelé immunoprotection. Cependant, contrer l’immunité de l’hôte signifie également être capable de bloquer les récepteurs de l’immunité innée du mollusque (pour une interaction compatible versus incompatible). Afin d’identifier ces déterminants moléculaires nous avons développé une approche protéomique comparative globale entre sporocystes issus de souches compatible et incompatible vis-à-vis de la même souche de mollusque. Cette étude a permis de mettre en évidence certaines protéines différentiellement représentées (Roger et al., 2008a). Parmi ces protéines, nous avons identifié une famille de protéines polymorphes de type mucine.

1.1. Les SmPoMuc, des glycoprotéines de type mucine

Les glycoprotéines sont très répandues dans le règne vivant (Montgomery, 1970). Elles sont retrouvées à la surface des microorganismes où elles jouent un rôle important dans l’évasion immune. Les VSG de Trypanosoma (cf. i-I.2.2.1 Les VSG chez Trypanosoma brucei) constituent un exemple de glycoprotéines de surface au rôle fondamental pour échapper à la réponse de l’hôte.

Les mucines sont des glycoprotéines avec des caractéristiques structurales particulières (Strous, Dekker, 1992). Tout d’abord, elles sont caractérisées par une chaîne polypeptidique composée de 20 à 50% par des résidus glycine (Gly), alanine (Ala), proline (Pro), sérine (Ser) et thréonine (Thr). Ces résidus sont principalement présents au niveau d’unités répétées (UR), de 9 à 80 acides aminés, organisées en tandem. Ces UR, dont le nombre peut aller jusqu’à 100, constituent un domaine central variable (VNTR pour « Variable Number of Tandem Repeats ») (Carlstedt et al., 1985; Strous, Dekker, 1992). Ensuite, les résidus Ser et Thr (Ser/Thr), présents au niveau des VNTR, servent de site de liaison aux chaînes glycanniques. Elles sont liées de façon covalente aux résidus Ser/Thr par l’intermédiaire d’un N-acétylgalactosamine (liaison O-glycosidique) (Hanisch, 2001). Enfin, le niveau de glycosylation est tel, que les carbohydrates peuvent représenter de 50 à 85 % du poids sec des mucines. Les mucines, largement décrites chez les mammifères, peuvent être sécrétées (Gendler, Spicer, 1995; Gum, 1995) ou associées à la membrane (Hilkens et al., 1992; Patton et al., 1995).

Les SmPoMuc identifiées au cours de cette thèse présentent des caractéristiques structurales de mucines (Roger et al., 2008b). En effet, elles sont composées de 25 à 50 % de résidus Gly, Ala, Pro, Ser et Thr. Ces résidus sont essentiellement présents au niveau de la région N-terminale composée d’un domaine VNTR. Ce domaine est constitué d’UR, de 9 acides aminés (de type r1(r1’) et/ou r2), qui peuvent être répétées en tandem de 2 à 100 fois.

De plus, ces UR possèdent des acides aminés dont les positions relatives sont favorables aux O-glycosylations (Thanka Christlet, Veluraja, 2001). En effet, la Proline en position -1 par rapport à la Thr, au niveau des UR r1( r1’) et r2, semble favorable à la O-glycosylation de cette Thr. Au niveau de l’UR r2, cette même Pro est en position +3 par rapport à la Ser ce qui pourrait favoriser la O-glycosylation de ce résidu (O'connell et al., 1991; Wilson et al., 1991). Enfin, comme nous l’avons mis en évidence, les SmPoMuc sont hautement glycosylées au niveau du domaine VNTR (Roger et al., 2008b). Ainsi, pour toutes ces caractéristiques, les SmPoMuc peuvent être considérées comme des molécules de type mucine.

1.2. Les SmPoMuc, polymorphisme et statut de glycosylation

Outre le fait d’être hautement glycosylées, les SmPoMuc sont des protéines extrêmement polymorphes. Nous verrons que ces deux caractéristiques ne sont pas indépendantes. Le polymorphisme s’exprime, au niveau intra- et inter-souche mais également au niveau individuel, sur toute la molécule (Roger et al., 2008c). En effet, la région N-terminale, composée du domaine VNTR hautement glycosylé, est caractérisée par un polymorphisme de taille (nombre plus ou moins important d’UR) et de nature des UR (type r1, r2 ou r1 et r2 combinées). La région C-terminale n’est, à priori, pas glycosylée et ne présente pas d’homologie de séquence ni de structure pour des domaines connus. Le polymorphisme de cette région est essentiellement le fruit de mécanismes d’épissages alternatifs ou aberrants (Roger et al., 2008c).

Le polymorphisme de la région N-terminale, semblerait avoir un impact direct sur le statut de glycosylation des SmPoMuc (comme prédit par les logiciels de prédiction de glycosylations, (Roger et al., 2008c)). En effet, le nombre, le type et la combinatoire des UR, qui constituent le domaine VNTR contenant les sites de O-glycosylation, sont autant d’éléments qui pourraient influencer le niveau de glycosylation des SmPoMuc (Roger et al., 2008c). De plus, nous avons mis en évidence que le polymorphisme de la région C-terminale pourrait également influer sur ce statut, bien qu’elle ne possède pas de sites potentiels de glycosylation (Roger et al., 2008c). Ainsi, il semblerait que le haut degré de polymorphisme des SmPoMuc se répercute sur leur statut de glycosylation. Cela n’est pas sans conséquence, car les carbohydrates jouent un rôle majeur dans les interactions hôtes / parasites. En effet, comme nous le verrons par la suite chez Coccidioides, Trypanosoma cruzi ou encore Toxocara canis, l’immunogénicité des carbohydrates est utilisée pour bloquer les anticorps chez l’hôte vertébré (stratégie « écran de fumée »). Chez S. mansoni, les carbohydrates des

SmPoMuc pourraient cibler les molécules de reconnaissance de type lectine de l’hôte mollusque. Ainsi, une extrapolation un peu osée, pourrait nous amener à poser l’hypothèse que les SmPoMuc pourraient cibler des récepteurs immunitaires diversifiés de B. glabrata, tels les FREP (cf. i-II.1.3. Les FREP chez Biomphalaria glabrata). Par conséquent, le statut de glycosylation, différent entre souche compatible et incompatible (Roger et al., 2008c), pourrait être à l’origine d’une reconnaissance différentielle par ce type de récepteurs du système immunitaire du mollusque. Ainsi, dans le cas d’une interaction compatible le statut de glycosylation des SmPoMuc concorderait (« matched ») avec les molécules de reconnaissance de l’hôte, et bloquerait ces dernières.

De plus, au niveau individuel, vient s’ajouter un polymorphisme d’expression. En effet, chaque larve de S. mansoni est capable d’exprimer une combinaison de variant(s) SmPoMuc unique qui pourrait être associée à un statut de glycosylation spécifique (Roger et al., 2008c). La compatibilité serait alors testée de façon indépendante pour chaque miracidium lors de l’interaction avec un même hôte (Basch, 1975; Theron, Coustau, 2005). Le succès ou l’échec de l’infection dépendrait de la concordance ou de la non concordance des phénotypes de l’hôte (molécules de reconnaissance) et du parasite (statut de glycosylation des SmPoMuc) (modèle de concordance des phénotypes, Figure 19) (Theron, Coustau, 2005).