• Aucun résultat trouvé

II. I NTERACTION HOTE INVERTEBRE / PATHOGENE

1. Hôtes invertébrés : immunité innée et diversification

1.3. Les FREP chez Biomphalaria glabrata

Les bases moléculaires de la reconnaissance immune ont également été appréhendées au niveau d’un embranchement important des invertébrés, celui des mollusques. Ces études ont été réalisées sur le mollusque gastéropode Biomphalaria glabrata, qui est l’hôte intermédiaire obligatoire du trématode parasite Schistosoma mansoni. Ce trématode est l’agent responsable de la bilharziose, seconde endémie parasitaire mondiale après le paludisme (Chitsulo et al., 2000) (cf. i-III. Le modèle S. mansoni / B. glabrata).

Les travaux menés dans le groupe de Sam Loker ont permis de mettre en évidence des molécules pouvant jouer un rôle dans la défense interne du mollusque (Adema et al., 1997). Il s’agit de protéines solubles et exprimées par les hémocytes. Leur expression est induite spécifiquement en réponse à une infection par un trématode (Adema et al., 1997). En effet, ces protéines ne sont pas présentes dans l’hémolymphe de mollusques sains ou infestés par des bactéries. Elles possèdent également des propriétés de type lectine, leur permettant de précipiter des antigènes solubles issus de trématodes (Adema, Loker, 1997; Hertel et al., 1994). Le précurseur de ces protéines possède un peptide signal, une région N-terminale composée d’un ou deux domaines de type Ig (Ig-1 et Ig-2), et une région C-terminale composée d’un domaine fibrinogène (FBG). En conséquence, ces protéines ont été appelées FREP (« Fibrinogen-Related Proteins ») et présentent une juxtaposition originale de domaines de type Ig et fibrinogène (Adema, Loker, 1997; Leonard et al., 2001). Les domaines de type Ig sont impliqués dans les phénomènes de reconnaissance, de liaison et d’adhésion des cellules. Les plus connus sont ceux du système immunitaire des vertébrés (Du Pasquier, 2000). Plusieurs membres possédant de tels domaines ont été décrits chez d’autres invertébrés (Mendoza, Faye, 1999) : l’hémoline chez Hyalophora cecropia (Sun et al., 1990) ou la MDM pour « Molluscan Defense Molecule » chez Lymnaea stagnalis (Hoek et al., 1996). Quant aux molécules contenant des domaines fibrinogènes, elles sont présentes chez les vertébrés et invertébrés et peuvent être impliquées dans la réponse immunitaire

innée (Adema et al., 1997; Baker et al., 1990; Dimopoulos et al., 2000; Gokudan et al., 1999; Kurachi et al., 1998; Xu, Doolittle, 1990).

Actuellement, 13 différentes sous-familles de gènes FREP ont été identifiés chez B. glabrata (Zhang, Loker, 2003; Zhang, Loker, 2004). Les séquences complètes de quatre gènes (FREP 2, 3, 4 et 7) sont connues. Les gènes FREP 2 et 4 possèdent quatre exons et code des FREP possédant un seul domaine Ig. Le premier exon code un peptide signal, le second et le troisième codent le domaine Ig et le quatrième code le domaine fibrinogène (Leonard et al., 2001). Les gènes FREP 3 et 7 présentent une organisation similaire, a ceci près qu’ils possèdent 6 exons, et codent des FREP possédant 2 domaines Ig (Zhang et al., 2001). Chaque sous-famille est répartie au niveau de 1 à 8 loci (2 à 16 allèles) (Zhang, Loker, 2004).

Une étude, ciblée sur les régions codant les domaines de types Ig et FBG de la sous-famille FREP 3, montre une grande diversité. Ainsi, 45 séquences différentes ont été isolées à partir d’un seul individu (Zhang et al., 2004). Ce nombre de séquences est en désaccord avec le nombre de loci identifié. Les auteurs suggèrent alors que ce haut niveau de diversification, peut être généré à partir d’un nombre limité de gènes sources (correspondant au nombre de loci) présents dans la lignée germinale. Ils seraient soumis, durant la différenciation des cellules somatiques, à deux types de mécanismes non exclusifs. Tout d’abord, les mutations ponctuelles, qui permettent de générer de nouveaux variants suite à la modification de quelques nucléotides du gène source. Ensuite, des recombinaisons somatiques entre gènes sources, qui conduiraient à de nouveaux gènes mosaïques. Ces processus seraient ainsi capables de générer un niveau de diversité des gènes codant les FREP. A l’heure actuelle, bien que ces mécanismes somatiques soient présents chez les vertébrés (cf. i-I.1. Hôtes vertébrés : immunité adaptative, polymorphisme et diversification), ils n’ont jamais été décrits chez les invertébrés.

Chez B. glabrata, les FREP apportent une composante « spécifique » au système immunitaire inné. Les mécanismes à la base de la diversification des gènes codant les FREP vont apporter un avantage certain au niveau individuel. En effet, chaque individu est capable d’exprimer une certaine diversité de récepteurs à partir d’un nombre limité de gènes présents dans la lignée germinale.

1.4. Conclusion

Ces résultats récents apportent une nouvelle perception de l’immunité innée des invertébrés, qui présente désormais une composante diversifiée analogue au système immunitaire adaptatif des vertébrés. En effet, comme ces derniers, les invertébrés utilisent des récepteurs diversifiés générés par des mécanismes somatiques capables de réagir rapidement au changement antigénique du pathogène (Kurtz, Franz, 2003).

.

2. Pathogènes

Certains parasites eucaryotes (P. falciparum, T. brucei, S. mansoni) responsables de maladies humaines, sont dépendant d’hôtes invertébrés (diptères, mollusques) au cours de leur cycle de vie. Cependant, bon nombre des recherches se sont focalisées jusqu’alors sur l’interaction entre ces pathogènes et leur hôte vertébré. Ceci explique le décalage important des connaissances acquises concernant leur interaction avec l’hôte vertébré et invertébré. Comme nous l’avons mis en évidence dans la première partie de cette introduction (cf. i-I. Interaction hôte vertébré / pathogène), les interactions hôte vertébré / pathogène sont très bien référencées. Les modèles protozoaires parasites, tel que P. falciparum ou T. brucei par exemple, ont permis de mettre en évidence les stratégies de variation antigénique (gènes var et vsg, respectivement) en réponse à la pression de sélection imposée par le système adaptatif de l’hôte vertébré. Les molécules polymorphes et/ou diversifiées au coeur de cette interaction sont désormais bien connues et répondent aux modèles théoriques de co-évolution (cf. i-I.3.Conclusion hôte vertébré / pathogène).

En revanche, les données concernant l’interaction avec les hôtes invertébrés restent fragmentaires et insuffisantes pour permettre de vérifier les modèles évolutifs. En effet, des molécules polymorphes chez certains invertébrés ont récemment été mises en évidence (cf. i-II.1 Hôtes invertébrés : immunité innée et diversification). Toutefois, aucune molécule polymorphe et/ou diversifiée n’a été caractérisée du côté « pathogène ».

Il est donc nécessaire à l’heure actuelle d’appréhender expérimentalement la réponse du pathogène face au potentiel de diversification des récepteurs immunitaires de certains invertébrés. En effet, est-ce que le pathogène est capable de générer, lui aussi, une plasticité phénotypique de ces antigènes ? Possède-t-il des antigènes polymorphes et/ou diversifiés ? Les réponses à ces questions permettraient ainsi de valider ou d’invalider les modèles théoriques, tel que celui de la « Reine Rouge », dans les systèmes hôte invertébré / pathogène.

III.L

E MODELE

S.

MANSONI

/B.

GLABRATA

Afin de vérifier le modèle théorique de la « Reine Rouge », appliqué aux systèmes hôte invertébré / parasite, il est nécessaire de disposer d’un système où la dynamique co-évolutive est accessible expérimentalement. C’est le cas de certains modèles hôte invertébré / parasite dans lesquels les mécanismes de défense de l’hôte et d’infectivité du parasite sont à l’équilibre en population naturelle. Il en résulte un polymorphisme de compatibilité qui se traduit par la présence de certains phénotypes hôte et parasite compatible, d’autres étant incompatibles. C’est le cas dans l’interaction entre le trématode parasite Schistosoma mansoni et son hôte intermédiaire mollusque Biomphalaria glabrata (cf. i-III.1. Généralités). Le polymorphisme de compatibilité, caractéristique de cette interaction (cf. i-III.2. Caractéristiques de l’interaction mollusque / schistosome), a été exploité pour sélectionner dans le laboratoire des souches de parasites compatible et incompatible (cf. i-III.3. Le modèle d’étude). Elles représentent des outils expérimentaux de choix pour mener à bien nos investigations par des approches moléculaires comparatives. De plus, dans ce modèle, comme nous l’avons mis en évidence par ailleurs (cf. i-II.1.3. Les FREP chez Biomphalaria glabrata), l’hôte B. glabrata présente un variabilité phénotypique de certains récepteurs immunitaires (FREP). Ainsi, dans l’hypothèse d’une course aux armements, les mécanismes de diversification présents chez l’hôte intermédiaire, devraient se retrouver chez le parasite.

1. Généralités

Appartenant à la famille des Schistosomatidae (embranchement des Plathelminthes, classe des Trématodes) les espèces du genre Schistosoma sont des vers parasites à large impact médical et vétérinaire. Parmi les 19 espèces du genre Schistosoma, trois espèces (Schistosoma mansoni, S. haematobium et S. japonicum) sont responsables d’une pathologie chronique humaine, la bilharziose (ou schistosomose). Il s’agit de la seconde endémie parasitaire mondiale après le paludisme. Plus de 600 millions de personnes sont exposées, 200 millions sont touchées et 5% des cas présentent des complications cliniques sévères, dans 74 pays des régions tropicales et subtropicales du globe (Chitsulo et al., 2000). S. mansoni (agent de la bilharziose intestinale) est présent principalement en Afrique et Amérique du Sud ; S. haematobium (agent de la bilharziose urinaire) en Afrique et au moyen Orient ; et S. japonicum (agent de la bilharziose hépato-intestinale) est endémique de l’Asie.