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Ancrages et choix théoriques

3.5. Les situations de travail et de communication à distance

Contrairement aux situa tions d e co présence où les interl ocuteurs s ont en fa ce-à-face, l es situations de travail et de commu nication à distance ne per mettent plus un échan ge visuel mutuel ent re les pro tagonistes. Ils ne sont pas au m ême endroit, ne se voient pas et communiquent pour mener à bien leur tâches professionnelles.

Les situations de communication à distance au travail ont la particularité d’être m édiatisées, contrairement à celles en coprésence. Regardons ces deux types d’interaction de plus près.

Les situations de coprésence ( ou face-à -face) peuvent être soit focalisées soit non focalisées :

 Les premières, les relations de cop résence focalisées, concernent les relati ons d e service au public ou « guichets » (Grosjean, 1991 ; Lacoste, 1995 ; Mayen, 1998), les relations commerciales (Kostulski & Trognon, 1997), l es échanges de rel èves de poste (Grusenmeyer, 1995a, 1995b ; Grusenmeyer & Trognon, 1995 , 1996a, 1996b, 1997), les transmissions orales entre équipes médicales ou param édicales (Trognon & Kostulski, 1997 ; Kostulski & Trognon, 1998b, 1999) mais aussi les situations d’apprentissage -dial ogues tuteur-apprenti- (Sannino & al., 2001) ou l es entreti ens, les réunions, etc.

 Les secondes, les relations de coprésence non focali sées, sont celles où les opérateurs travaillent au même endroit sa ns travailler ens emble, chacun vaquant à ses propres occupati ons (dans des ateliers, des sa lles de contrôle, etc.). Ces situations de travail s ont assez particuliè res du p oint de vue communicationnel : les opérateurs assistent à des communications qu i ne les con cernent pas et certains, de ce fait « non attenti fs », on t besoin d’êt re interpellés pour les comm unications qui leur sont personnellement destinées (Grosjean, 1995).

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Les situations médiatis ées (donc distantes) r eprésente l’ensemble des situations de travail qui se cara ctérisent par une a bsence du can al visuel, a vec ou san s intera ction (sans interaction s ignifiant si tuations en « voix-off » : annon ce sonore d’infor mation ou annon ce commerciale, par exemple). Retenons ici les situations avec interactions, autrement dit celles utilisant en particulier le média téléphone : les dialogues d’assistance technique (Lambolez, 2002), d’ur gence sociale (Minondo, 1997, 200 2 ; De Gaul myn, 2002 ; Lancry-Hoestlandt, 2002), les dialogues dans des « call-center » (Brangier, 2002 ; Bagnara & Livigni, 2005), etc.

Ne s e v oyant p as et n e pa rtageant d onc pas d’élém ents extra -verbaux (ou ind ices n on verbaux et para-ver baux), les in terlocuteurs à distance - qui n’ont qu’un canal de communication à leur di sposition - doivent palier ce m anque, afin d’é viter par exemple un risque de mauvaise compréhension ou malentendu. Ces conversations distantes, médiatisées impliquent un effort sur le plan verbal (langagier), de surcroit lorsqu’intervient, par exemple, la noti on d’urgence (Navarr o & Marcha nd, 1994 ; Mi nondo, 199 7, 2002 ; Whalen, Zimmerman & Whalen, 1992).

Afin de distinguer encore les dif férentes situat ions de travail, s’ef fectuant n otamment à distance, Navarro et Sikorski (2001) proposent, de considérer le canal sollicité et les supports d’information associ és ainsi que la continuité ou n on de l’échange d’ information dans la communication. Prenons, par exemple, le cas des communications téléphoniques : il s’agit de dialogues à distance (i nterdisant toute visibilit é mutuelle des actions) qui se déroulent en continuité et qui requièrent uni quement le canal auditif (c'est-à-dire que les individus ne disposent pas de multiples canaux comme en face-à-face, où ils ont accès à des informations orales et visuelles sous forme gestuelle ou graphique, par exemple.

Il est possible d’associer ceci aux 8 contraintes associées aux situat ions de communication (en fonction des diverses mode s de communication utilisés) proposées par Clark et Brennan (1991) et cités ci-dessous :

 La co -présence ( copresence) : les i nterlocuteurs A et B partage nt le même esp ace physique. La situation de face-à-face est la seule qui offre cette possibilité : non seulement A et B se voient et s’entendent mais ils peuvent aussi voir et entendre ce que l’autre fait et ce qu’il regarde ;

 La visibilité (visibility) : les interlocuteurs A et B se voient mutuellement ;  L’audibilité (audibility) : les interlocuteurs A et B communiquent par la parole ;

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 La co-temporalité (cotemporality) : l’interlocuteur B reçoit le « message » de A à peu près au même moment que ce d ernier le pr oduit. Autrement dit, les m essages sont échangés e n temps ré el, ce qui n’ est pas le cas par exe mple via l’e -mail ou via le courrier traditionnel ;

 La simultanéité (simultaneity) : les interlocuteurs A et B peuvent émettre ou recevoir simultanément, en même temps ;

 La séquenti alité (sequentialit y) : les tours de parole d e A et de B ne peu vent échapper à la séquen ce. En face-à -face, le s tours de parole q ui formen t u ne séquence ne sont pas interr ompus par d’au tres issus d’autres conversations ave c d’autres personnes. En revanche, par lettres ou e-mail par exemple, les messages et leur réponse sont souvent séparés par d’autres messages ;

 La possibilité de relire le message (reviewability) : B peut relire le message de A. Contrairement aux par oles, les écri ts (lettr es o u email, p ar exemple ) laissent des traces qui permettent aux interlocuteurs ( ou à une autre personne) de relir e les messages ;

 La possibilité de corriger le message (revisability) : les interlocuteurs peuvent corriger leurs messages. Certains mo des de commu nication (c omme le cour rier) of fre l a possibilité à A ou à B de corriger, s eul, son mess age avant de l’envoyer, contrairement à d’autres (comm unications té léphoniques ou de fa ce-à-face) où les corrections doivent se faire « en public ».

Il est maint enant possible, à l’aid e de ces crit ères ou contraintes, de cara ctériser divers modes de communication, utilisés dans des communications distantes en situation de travail. C’est ce que je présente, dans le tableau suivant.

Modes de communication Contraintes associées

Face-à-face  Co-présence  Visibilité  Audibilité  Co-temporalité  Simultanéité  Séquentialité Téléphone  Audibilité  Co-temporalité  Simultanéité  Séquentialité Vidéoconférence  Visibilité  Audibilité  Co-temporalité  Simultanéité  Séquentialité

71 Messagerie électronique  Possibilité de relire les messages Possibilité de corriger les messages

Courrier postal  Possibilité de relire les messages Possibilité de corriger les messages Tableau adapté de Clark & Brennan, 1991, p. 142.

Nous avons vu, jusqu’à maintena nt, commen t pl usieurs au teurs abordent les situ ations d e communication au travail. J’ai particulièrement choisi de développer, ici, les apports de ceux qui s’intéressent aux conversations asymétriques et distantes. Dans les pages qui suivent, je présente un e méth ode d’analyse d e ces conv ersations. Il s’agit du modèl e de la logique interlocutoire. Mêm e si je ne n’utilise pas ce modèle (dans toute sa spécifi cité et sa complexité) pour analyser les données recueillis sur les deux terrains, il a été un guide tout au long de ce travail, et c’est également pourquoi je le pr ésente comme outil théorique et non comme outil méthodologique.