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Une situation marquée par l’urgence et la grande hétérogénéité des

4. Le cas particulier des mineurs non accompagnés

4.1. Une situation marquée par l’urgence et la grande hétérogénéité des

4.1.1. Des mineurs aux parcours de vie contrastés

La France se démarque par des spécificités marquées : alors que les jeunes afghans représentent 50% des mineurs non accompagnés au niveau de l’Union européenne en 2017, ils ne représentaient que 5% du total des MNA sur le territoire français à cette date, ce qui a pour corollaire que peu de MNA sont éligibles au statut de réfugiés à leur majorité.

La population des jeunes mineurs non accompagnés recouvre en réalité des trajectoires de vie distinctes :

• Une première partie de ces jeunes MNA est constituée d’enfants venus du Maghreb souvent du Maroc. Très jeunes, âgées de 12 à 14 ans, ils ont connu des parcours familiaux difficiles voire chaotiques. L’association Trajectoires qui a travaillé sur le sujet a mis en exergue la proximité de ces profils avec ceux des jeunes français placés au titre de la protection de l’enfance : abandon, maltraitance et/ou rejet familial. Ces enfants souffrent pour la plupart de traumatisme psychologique qui impose un suivi resserré, et sont sujets à des problèmes d’addiction susceptibles d’être exploités par les réseaux (trafic, traite humaine) ;

• Une autre part des MNA, plutôt originaire d’Afrique subsaharienne (à eux seuls trois pays Guinée, Côte d’Ivoire et Mali représentaient en 2017, 60% du total) présente un profil très différent. Il s’agit de jeunes souvent plus âgés, plus autonomes et plus faciles à prendre en charge, dont la rupture familiale n’est pas toujours consommée. Ils réussissent généralement bien leur cursus scolaire et leur parcours d’insertion professionnelle au point de former après une mise à l’emploi rapide, des salariés « modèles » que des employeurs ont pu aller jusqu'à qualifier de « dociles » ;

Le cas des jeunes femmes est spécifique. Beaucoup d’entre elles ne font pas l’objet d’une mesure de placement ou sortent rapidement du cadre de la protection de l’enfance car embarquées dans des réseaux de traite, ce qui contribue à expliquer pour une part le différentiel fort entre jeunes filles et jeunes hommes observés sur la population des MNA et relevés également par les acteurs associatifs.

Le diagnostic partagé par les départements, les services de l’état et les acteurs de la protection de l’enfance est celui d’une augmentation significative des arrivées de jeunes migrants se présentant comme MNA.

En 2017, les chiffres du ministère de la Justice relevaient ainsi 14 908 nouveaux cas de mineurs confiés aux départements sur décisions judiciaire soit un triplement du nombre de MNA intégrant les dispositifs de protection de l’enfance en 2017. Dans le cas spécifique de Paris, 50% des nouvelles mesures de placement concerneraient des MNA.

4.1.2. Une saturation des capacités d’accueil

Les départements recourent pour la plupart, à un modèle d'hébergement spécifique pour les jeunes en attente d'évaluation de minorité. Le modèle retenu consiste souvent dans l'intervention d'un acteur associatif recruté sur la base d'un appel à projet. Celui-ci devient délégataire du conseil départemental pour la mise à l'abri des mineurs étrangers et gère la structure d'accueil mis à sa disposition par le conseil départemental. Ces prestataires associatifs sont rémunérés sous la forme d'un prix de journée individuel qui inclut l'hébergement du jeune ainsi que son encadrement socio-éducatif.

Les prises en charge dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance donnent lieu au versement d'un prix de journée moyen estimé entre 150 euros et 170 euros. Dans le cadre des MNA, les modalités d'hébergement et l'encadrement socio-éducatif sont particulièrement lâches et permettent une diminution de ces coûts. Le niveau minimal du prix de journée de l'hébergement d'urgence est estimé par les certains des grands acteurs associatifs autour de 90 euros mais les moyens mis par les départements ne sont en général pas suffisants pour dispenser un accueil tout à la fois qualitatif et étendu.

D'autres départements ont opté pour un traitement direct de l'accueil d'urgence des jeunes étrangers isolés et ont adapté leur service d'accueil dans la perspective d'un accueil plus large. L'extension du nombre de MNA accueillis à cependant pour corollaire le financement de ces structures à des niveaux de prix de

journée bien inférieurs, dont les acteurs associatifs s'accordent à dire qu'ils sont insuffisants à garantir une protection décente du public accueilli.

Les acteurs locaux se trouvent donc en nécessité constante d'arbitrer entre la construction de modalités d’accueil d'urgence qualitatives et décentes mais réduites à une fraction minoritaire des MNA et le sacrifice de la qualité de l'accueil en faveur de son extension.

4.1.3. Une mise à l’abri coûteuse voire ineffective

L’augmentation du flux de demandes de prise en charge par des MNA a placé les départements sous tension.

Les gestionnaires de structures d'accueil sont dans l'incapacité d'héberger la totalité des jeunes demandeurs de prise en charge, contraignant ainsi le jeune à trouver un autre mode d'hébergement le temps de son évaluation, faute de pouvoir recourir – du fait de sa minorité – aux services d'hébergement du 115, réservés aux personnes majeures.

Le recours à l'accueil hôtelier a dans ce contexte connu une rapide montée en charge, et manifeste la difficulté, constatée lors des déplacements de la mission, qu’éprouvent les conseils départementaux pour faire évoluer leur offre de logements.

L'hébergement hôtelier est ainsi devenu la première forme d'hébergement d'urgence des jeunes MNA : l'hôtelier directement rémunéré par le conseil départemental met à disposition des jeunes mineurs quelques chambres voire son établissement entier.

Fragile, cette mise à l’abri apparaît également ineffective dans bien des cas. Lors de ses investigations la mission bipartite de réflexion sur les mineurs non accompagnés5 a pu ainsi relever différents cas de figure parmi lesquels une mise à l’abri dès l’arrivée du jeune dans une structure de l’ASE ou à l’hôtel mais également une absence de mise à l’abri récurrente d’une partie des jeunes pendant plusieurs semaines dans l’attente de l’évaluation ou encore une absence de mise à l’abri résiduelle de certains jeunes en raison de la saturation des capacités hôtelières.

5 Rapport du 15 février 2018 de la mission bipartite IGAS/IGA/IGJ/ADF sur les mineurs non accompagnés.

4.2. La nécessité de repenser le dispositif dans une logique de