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CHAPITRE II. INFRASTRUCTURES ÉNERGÉTIQUES ET ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE EN AFRIQUE DE

2. Situation de l’énergie électrique en Afrique de l’Ouest

2.1 Un accès limité dans un contexte de besoins élevés

En Afrique de l’Ouest, on estime que 175 millions de personnes (sur un total de 300) ne peuvent accéder à aucun type d’approvisionnement électrique ; 25 % d’entre elles vivent dans les zones urbaines et 75 % dans les zones rurales. Tous les pays de la CEDEAO ont un degré élevé de dépendance à l’égard des importations de gaz et de pétrole. En outre, la demande énergétique est caractérisée par une forte dépendance à la biomasse traditionnelle. Environ 90 % de la population utilise le bois et le charbon pour la cuisson domestique, avec des effets notables sur l’environnement et la santé. Par ailleurs, un certain nombre de pays se détachent par leur ratio d’accès à l’électricité, le premier d’entre eux étant Cabo Verde (qui affiche près de 100 % de couverture), suivi par le Ghana

(66,7 %), le Nigéria (50 %), la Côte d’Ivoire (47,3 %), le Sénégal (42 %) et le Mali (27 %) (Groupe d’études africaines de l’Université autonome de Madrid, 2014).

L’Afrique de l’Ouest est suffisamment dotée en sources d’énergie (hydroélectricité, charbon, gaz, pétrole, uranium, énergies nouvelles et renouvelables) pour répondre à ses besoins. En effet, la région compte quelques-uns des plus grands fleuves du monde, à savoir le Niger, le Sénégal et la Volta.

Par ailleurs, la coopération et l’intégration régionales pourraient permettre de mettre en valeur ces immenses ressources pour produire une énergie peu coûteuse en vue du développement de la sous-région dans son ensemble.

Toutefois, cet important potentiel énergétique demeure, de manière générale, inexploité, en dépit d’un certain nombre d’initiatives et d’investissements entrepris à ce jour. Il s’agit donc de changer cette situation en exploitant ces ressources de manière économique pour fournir à la population et aux différents secteurs économiques des services énergétiques à un prix abordable.

S’il est évident que la disponibilité de l’énergie améliore la qualité de la vie et renforce les activités économiques et le développement industriel, à l’inverse, la pénurie d’énergie entrave le développement, sachant que l’absence d’électricité influe sur la qualité de l’éclairage, l’efficacité des dispositifs d’économie de main-d’œuvre, des communications et de l’entreprise.

2.2 Potentiel énergétique de l’Afrique de l’Ouest

La situation de l’Afrique de l’Ouest en ce qui concerne l’accès à l’énergie et l’efficacité énergétique est paradoxale : d’une part, la majeure partie de la population est dépourvue d’accès aux services énergétiques modernes, d’autre part, une partie significative des ressources énergétiques existantes est sous-exploitée.

2.2.1 Ressources énergétiques fossiles et hydroélectriques

Les principales sources d’énergie électrique de la sous-région sont le gaz naturel (Nigéria et Côte d’Ivoire), l’hydroélectricité (Nigéria, Ghana, Côte d’Ivoire, Guinée avec un potentiel plus limité au Sénégal, au Mali et au Niger – fleuves Sénégal et Niger). Les autres pays, et en particulier le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Togo et le Bénin, reposent sur du mazout, voire du gazole, dont le prix est prohibitif. Il faudrait donc envisager de nouvelles orientations pour une meilleure production électrique.

L’essentiel de la production de pétrole est assuré par le Nigéria, où les réserves sont conséquentes.

Mais la production est limitée par la situation dans le delta du Niger. La Côte d’Ivoire est un producteur non négligeable mais sa production est mal connue. Le pétrole produit dans le golfe de Guinée est de très bonne qualité, avec une très faible teneur en soufre et en général une densité faible (pétrole léger donnant beaucoup d’essence et de gazole).

La demande de produits reste limitée, mais les raffineries, bien que nombreuses (Dakar, Accra/Tema, Abidjan, Nigéria : Kaduna, Warri, Port Harcourt), sont soit non économiques (petites raffineries simples), soit hors d’état de fonctionnement, comme les raffineries du Nigéria, qui fonctionnent peu, autant pour des raisons politico-économiques (corruption : l’exportation de brut et l’importation de produits permettent des commissions en devises) que techniques (l’oléoduc qui alimente la raffinerie de Kaduna a été vandalisé ; la raffinerie de Warri est au centre de la région, très troublée, de production). L’approvisionnement des zones intérieures est problématique compte tenu des infrastructures de transport.

Tableau 12: Réserves et ressources énergétiques, fossiles et hydroélectriques

Le Nigéria à lui seul concentre plus de 98 % des réserves prouvées de pétrole brut, de gaz naturel et de charbon, soit 30 % des réserves prouvées africaines en pétrole brut (3 300 millions de tonnes) et 31 % des réserves prouvées africaines de gaz naturel (3 400 milliards de m3) (Kouo, 2005). Le gaz naturel et le charbon ne sont majoritairement consommés que dans l’industrie. La consommation de gaz naturel en CEDEAO est principalement observée au Nigéria et en Côte d’Ivoire tandis que celle du charbon est observée au Sénégal et au Nigéria.

Le potentiel en énergie hydroélectrique, estimé à 26 860 MW, n’est exploité qu’à hauteur de 16 % (Kouo, 2005). Malgré son avantage sur le plan du coût de production du kWh, ce potentiel demeure largement exploité dans la région. La mutualisation des ressources hydroélectriques sous-régionales permettrait d’accélérer la maîtrise du secteur énergétique, tout en offrant l’avantage de disposer d’une énergie à faible coût de fonctionnement et fortement rentable à long terme.

2.2.2 Potentiel en énergie éolienne et solaire

L’énergie éolienne, avec des vitesses de vent honorables le long des côtes ou dans les zones désertiques, peut constituer une solution attractive du fait des coûts d’investissement qui ont significativement diminué au cours des dernières années pour atteindre des niveaux quasiment équivalents à ceux des grandes unités thermiques (de l’ordre de 1 000 dollars par kW, en fonction des conditions locales).

Quant à l’énergie solaire, il est à noter que l’ensoleillement moyen en Afrique de l’Ouest représente un potentiel d’environ 5 à 6 kWh/m²/jour, contre seulement 3 kWh/m²/jour en zone tempérée européenne. L’importance de l’ensoleillement et la perspective réelle mais lente de réduction des coûts de la technologie photovoltaïque ont conduit à prévoir une contribution très significative de

l’énergie solaire dans l’accès des populations rurales à un service électrique de base mais qui s’est avérée surestimée.

2.2.3 Ressources énergétiques en biomasse

La biomasse constitue l’une des principales ressources énergétiques des États membres. Elle est principalement concentrée dans la partie tropicale humide au sud de la région, et les quantités disponibles varient d’un pays à l’autre en fonction de la climatologie. La superficie des forêts de l’espace CEDEAO a été estimée à environ 72 354 000 ha (FAOSTAT, 2014). Ce potentiel forestier serait encore suffisant dans beaucoup de pays pour couvrir la demande globale en combustible (bien que des disparités internes existent entre des zones). Au Sénégal et au Mali, la stratégie de diffusion des foyers améliorés a été développée avec succès grâce à la participation d’organisations non gouvernementales et d’un opérateur privé dans la production et la vulgarisation de foyers améliorés (cas du Mali).

2.3 Prédominance de l’hydroélectricité et disparités nationales

En Afrique de l’Ouest, l’offre d’électricité reste insuffisante. De plus, avec l’accroissement de la population, le volume total d’électricité consommé dans la région est passé de 47 073 GWh en 2010 à 48 959 GWh en 2011, soit une croissance de 4 % (CEDEAO, 2012). Il est à noter qu’au cours de cette période, l’hydroélectricité est demeurée la première source d’électricité avec 65 % de la production, les 35 % restants provenant essentiellement de la production d’énergie thermique. Les plus grands producteurs sont le Nigéria, le Ghana et la Côte d’Ivoire.

En ce qui concerne l’approvisionnement en électricité de leurs citoyens, certains pays sont plus avancés que d’autres. C’est le cas de Cabo Verde, du Ghana, du Nigéria, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Mali, où la population a en théorie accès à l’électricité. Pour les autres pays, la possibilité d’accès à l’électricité est plus limitée, en moyenne de 16 %.. Le tableau ci-après montre la situation de la consommation électrique en 2009 dans les pays de la CEDEAO ainsi que les données sur l’intensité énergétique au cours de la même période.

Tableau 13: Consommation électrique et intensité énergétique de la CEDEAO (2009)

Pays Population

Verde 506 000 294 934 583 121 1 600 0,08

Côte

d’Ivoire 21 080 000 3 672 819 174 9 978 23 041 0,43

Gambie 1 766 100 204 600 116 506 983 0,51

Ghana 23 840 000 6 060 000 254 9 240 25 978 0,36

Guinée 10 498 597 855 600 81 4 275 4 164 1,03

Guinée-Bissau 1 449 000 65 100 45 219 834 0,26

Libéria 4 128 600 311 600 75 227 879 0,26

Mali 14 528 662 979 767 67 3 500 8 964 0,39

Niger 14 693 112 580 977 40 4 000 5 254 0,76

Pays Population

CEDEAO 296 072 699 35 720 003 121 152 933 272 978 0,56

Source : CEREEC, 2012.

L’Afrique de l’Ouest présente des besoins énergétiques énormes. Sa demande d’énergie est quasi directement proportionnelle à la croissance économique. D’après une étude menée par Rosnes et Vennemo (2008), près de 21,5 millions de nouveaux ménages auraient besoin d’être connectés au réseau électrique pendant la période allant de 2006 à 2015 (voir tableau 14). Comparativement à l’Afrique centrale, l’Afrique de l’Ouest présente un besoin considérable et pressant en termes d’investissements dans les infrastructures au cours de la décennie.

Tableau 14: Besoins énergétiques de l’Afrique 2006-2015

Pool Nouvelle capacité de

Pool énergétique de l’Afrique centrale 4 395 831 2,5

Pool énergétique de l’Afrique de l’Est 17 108 3 878 20

Pool énergétique de l’Afrique australe 33 319 11 786 12,2

Pool énergétique de l’Afrique de l’Ouest 18 003 5 625 21,5

États insulaires 368 n.a. 1,2

Total 73 193 22 120 57,4

Source : Rosnes et Vennemo, 2008.

Les besoins en dépenses dans l’énergie en Afrique sont estimés à 4,6 milliards de dollars pendant la période 2006-2015. Le pool énergétique de l’Afrique de l’Ouest concentre 12,3 milliards de dollars, soit 30 % du total africain. Il est second après le pool de l’Afrique australe, qui affiche des besoins en dépenses énergétiques de18, 4 milliards, soit 45,3 % du total du continent. Le total des besoins en maintenance des infrastructures énergétiques en Afrique, estimé à 14 milliards de dollars de 2006 à 2015, relève des pools de l’Afrique australe et de l’Ouest pour presque 90 %, avec, respectivement, 60 % et 28,57 %, confirmant ainsi le poids des contraintes énergétiques dans le développement de ces sous-régions.

Figure 4 Total des besoins en dépenses dans l'énergie 2006-2015 (%)

20%"

45%

30%

2%3%

Source : Rosnes et Vennemo, 2008.

Figure 5 : Besoins en dépenses d’exploitation et de maintenance dans l'énergie : 2006-2015 (%)

1%" 8%

60% "

29%

2%

3. Cadre politico-institutionnel et initiatives sous-régionales dans