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3.2. La lutte contre le chômage

3.2.3. La situation avant la crise sanitaire

Si l’on prend du recul, l’on s’aperçoit que de 2007 à 2019, le taux de chômage a augmenté significativement, de 4,3 à 5,4%, et que le nombre des demandeurs d’emploi résidents inscrits à l’ADEM a progressé d’environ 10 000 à 16 500 personnes. Cette hausse d’environ 25% du taux de chômage et de 65% du nombre de demandeurs d’emplois reste préoccupante et doit être analysée en détail afin d’être capable d’en trouver les raisons.

Graphique 27 : Évolution du taux de chômage

Source ADEM, graphique CSL

Analyser l’évolution du chômage par la seule analyse du nombre de demandeurs d’emploi inscrits auprès de l’ADEM est certainement utile, mais insuffisant. Afin de comprendre les forces et les dynamiques du marché du travail, il est important d’étudier bien plus que les données brutes et de différencier selon les différents types de chômeurs.

Les statuts spécifiques des demandeurs d’emploi

Entre 2007 et 2019, le nombre des inscrits à l’ADEM n’a pas seulement évolué en fonction de l’âge des demandeurs, mais la part des demandeurs avec un statut spécifique a varié considérablement.

Les demandeurs d’emploi inscrits à l’ADEM sont subdivisés en quatre catégories différentes en fonction de leur capacité de travail : les demandeurs en capacité de travail réduite (CTR)14, les demandeurs à statut d’handicap (SH)15, les demandeurs à la fois CTR et SH, ainsi que les demandeurs d’emploi sans statut spécifique.

Il est à noter que la part des demandeurs avec statut spécifique a sensiblement augmenté, de 18 à 27% des demandeurs d’emploi inscrits auprès de l’ADEM. Plus concrètement, la fraction des

14 D’après le code du travail, article L551-1, « est une personne […] qui n’est pas à considérer comme invalide […], mais qui par suite de maladie ou d’infirmité présente une incapacité pour exécuter les tâches correspondant à son dernier poste de travail […] ».

15 D’après le code du travail, article L561-1, « est une […] personne qui présente une diminution de sa capacité de travail de trente pour cent au moins, survenue par suite : d’un accident de travail […], ou d’événements de guerre ou de mesures de l’occupant, ou d’une déficience […] et qui est reconnue apte à exercer un emploi salarié sur le marché du travail […] ».

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Évolution du taux de chômage (en %)

Taux de chômage Demandeurs d'emploi résidents (échelle droite)

Page 42 de 113 demandeurs CTR s’est élevée de 13,2 à 18%, alors que celle des demandeurs SH a augmenté de 3,7 à 7%, tandis que pour celle visant les deux statuts, l’augmentation a été de 1 à 2%.

Graphique 28 : Demandeurs d’emploi selon statut spécifique

Source ADEM, graphique CSL

Si l’on analyse soigneusement l’évolution du nombre de demandeurs d’emploi entre juin 2007 et janvier 2015, dates représentant le minimum et le maximum de demandeurs pour la période allant de 2007 à 2019, l’on peut décomposer l’effet total en plusieurs effets partiels, selon différentes catégories de demandeurs. Alors que le nombre total de demandeurs d’emploi a progressé de près de 150%, le nombre d’inscrits en CTR a augmenté de 190%, celui des demandeurs SH de 200% et celui ayant les deux statuts de 300%.

Graphique 29 : Évolution des demandeurs d’emploi résidents selon statut spécifique

Source ADEM, graphique CSL

La croissance du nombre des demandeurs CTR a ainsi contribué à environ 23% de la hausse du nombre des chômeurs, alors que la contribution des SH explique la hausse de 7%, tandis que les demandeurs avec les deux statuts ont contribué à presque 3% de la hausse. En conséquence, plus de 30% de la hausse du chômage est due au seul fait d’une hausse du nombre des personnes avec des contraintes de santé. Sans cette hausse des personnes SH ou CTR, le nombre de chômeurs n’aurait augmenté « seulement » que de 100%, au lieu de 150%.

Cette hausse considérable des demandeurs à statut spécifique mériterait une analyse plus profonde pour s’apercevoir des causes intrinsèques de cette dynamique, notamment si les personnes avec contrainte ou statut ont toujours plus de difficultés à trouver un emploi sur le marché du travail, ou bien si le dynamisme peut être expliqué par une population de plus en plus malade.

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Demandeurs d’emploi selon statut spécifique

CTR SH CTR+SH Aucun statut spécifique (échelle droite)

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Évolution des demandeurs d’emploi résidents selon statut spécifique (base 100=Janvier 2007)

CTR SH SH et CTR Aucun Total

Page 43 de 113 Le chômage en fonction du niveau d’études

Parallèlement, il existe également des contrastes selon le niveau d’études des demandeurs d’emploi.

Les parts de chômeurs en fonction de leur niveau d’études ont évolué assez fortement dans la dernière décennie. En effet, alors que la part des demandeurs d’emploi résidents hautement qualifiés (diplôme de fin d’études supérieures)a doublé entre janvier 2007 et décembre 2019, pour passer de 10 à plus de 20%, et que la part des demandeurs moyennement qualifiés (diplôme de fin d’études secondaires) a augmenté de presque 6 points de pourcentage (29,3%), la fraction des demandeurs peu qualifiés (études en secondaire inférieur) a baissé fortement, de 67 à 49%, pendant cette même période.

Cette évolution indique une tendance à la hausse des qualifications des demandeurs d’emploi et est d’autant plus préoccupante puisqu’un niveau de formation élevé ne paraît plus suffisant pour échapper au chômage. Simultanément, cette baisse relative de la part des personnes peu qualifiées paraît confirmer le constat de certains analystes que la numérisation et l’automatisation affecteront les personnes peu qualifiées d’une manière plus légère, et les personnes moyennement qualifiées d’une manière plus forte qu’initialement prévue16.

Graphique 30 : Évolution de la part des différents chômeurs selon niveau d’éducation

Source ADEM, graphique CSL

En mettant en relation l’évolution des demandeurs d’emploi avec leurs niveaux d’études respectifs, l’on constate que le nombre des demandeurs est tiré vers le haut par les personnes moyennement et hautement qualifiées, alors qu’il est tiré vers le bas par les demandeurs peu qualifiés. En effet, le nombre des personnes qualifiées inscrites à l’ADEM augmente d’une proportion significativement plus importante que la hausse totale des demandeurs d’emploi, alors que pour les personnes demandeuses peu qualifiées, c’est l’inverse.

16 Perspectives de l’OCDE sur les compétences, 2015

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Évolution de la part des différents chômeurs selon niveau d’éducation

Peu qualifiés Moyennement qualifiés Hautement qualifiés

Page 44 de 113 Graphique 31 : Évolution des demandeurs d’emploi résidents selon le niveau d’éducation

Source ADEM, graphique CSL

Tout comme les demandeurs d’emploi à statut spécifique, cette évolution mériterait une analyse plus profonde pour comprendre quels mécanismes et quels changements du marché du travail pourraient expliquer ces mouvements chez les demandeurs d’emploi. L’on peut se demander, par exemple, si la hausse de la part relative des personnes hautement qualifiées est tout simplement due à la hausse du niveau d’études de la population générale, ou si cette hausse est un indicateur d’une baisse de la demande pour le travail qualifié au Luxembourg, ce qui paraît inconcevable.

Mais ce qui est certain c’est que la formation et plus spécifiquement la formation continue sont des éléments clés sur lesquels il faut absolument investir, et notamment celle concernant les compétences numériques. Comme beaucoup de chômeurs de longue durée n’ont que de faibles qualifications, ils sont généralement perdants face aux personnes plus qualifiées. Et cela crée un cercle vicieux. Car plus le temps de chômage s’allonge, plus le retour au travail devient difficile.