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Les réarrangements sont présents chez tous les ciliés, cependant ils présentent des différences selon les organismes. La nature des éléments éliminés (figure 28), et leur position dans le génome varient d’un organisme à l’autre. Si Tetrahymena thermophila possède des mécanismes relativement proches de ceux présents chez Paramecium tetraurelia, d’autres comme Oxytricha voient leur génome subir des réarrangements extrêmes.

Tetrahymena

Tetrahymena thermophila possède un génome MAC d’environ 100Mpb. Ses génomes MAC

et mic ont été séquencés et annotés. Le génome mic n’est pas encore disponible. Cependant quelques milliers d’éléments spécifiques de la lignée germinale ont été extrapolés à partir de l’étude de quelques régions micronucléaires. Parmi ces éléments d’une taille pouvant aller de 600 pb à 21kb, certains sont appelés IES bien qu’ils ne partagent pas l’ensemble des caractéristiques propres aux IES de Paramecium tetraurelia. C’est le cas des éléments L, M et R. Bien qu’appelés IES dans la littérature, ces éléments se rapprochent plus des séquences éliminées de façon imprécise chez Paramecium. Ils sont non codants, répétés le long du génome, plus riche en AT que le reste du génome et n’interrompent pas les cadres ouverts de lecture. On n’observe pas de séquence unique au niveau des jonctions, mais des séquences hétérogènes car des séquences alternatives peuvent être employées comme bornes pour l’introduction des cassures double brin programmées (Saveliev and Cox, 2001).

D’autres séquences sont éliminées chez Tetrahymena, il s’agit des transposons Tel-1 et Tlr. Ils possèdent des répétitions inversées répétées qui ne servent pas de bornes de délétion. On peut trouver dans les éléments Tlr des cadres ouvert de lecture de protéines de transposons. Les six éléments Tel-1 font entre 9 et 13kb tandis que les 30 éléments Tlr ont une taille comprise entre 13 et 21kb.

Figure 29 : Différents produits de réparation au niveau des jonctions chromosomiques et des éventuels cercles d’IES chez Euplotes (Jahn and Klobutcher, 2002), Tetrahymena (Saveliev and Cox, 2001) et Oxytricha (Williams et al., 1993). Les éléments éliminés apparaissent en orange et l’ADN flanquant en noir.

Une dizaine d’ IES sont flanquées par des répétitions TTAA, interrompent potentiellement des exons et sont précisément excisées (Fass et al., 2011).

Une transposase domestiquée de type piggybac a été identifiée chez Tetrahymena. Appelée Tpb2, cette protéine est exprimée pendant les réarrangements. Lorsqu’elle est déplétée par ARN interférence on observe une inhibition des éliminations d’ADN. Des études in vitro ont montré qu’il s’agissait d’une endonucléase capable de produire des cassures double brin avec une géométrie similaire à celle observée in vivo chez Tetrahymena (Saveliev and Cox, 2001), quatre bases sortantes en 5’ sans qu’un TA central soit requis, de plus les jonctions d’excision sont hétérogènes (Cheng et al., 2010).

Euplotes

Euplotes crassus élimine pendant les réarrangements 90% de son génome. Euplotes possède

des IES de TA similaires à celles présente chez Paramecium. Elles sont courtes, typiquement entre 30 et 400 pb, elles possèdent des dinucléotides TA à leurs bornes, peuvent interrompre des cadres ouverts de lecture et sont excisées de façon précise.

Euplotes excise également plusieurs dizaines de milliers de séquences plus proches des

transposons, les éléments Tec. Ils sont plus longs que les IES, en effet ils ont une taille d’environ 5kb. De plus ils possèdent des répétitions inversées terminales d’environ 700 pb et sont encadrés par de courtes répétitions directes d’un dinucléotide TA. Une grande partie d’entre eux peuvent également interrompre des cadres ouverts de lecture. Les Tec sont éliminés en deux vagues. Pendant la première vague, l’élimination est précise et ressemble à l’excision des IES. Lors de la deuxième vague, l’élimination est imprécise et peut mener à la fragmentation.

L’excision des IES et l’élimination précise des Tec (lors de la première vague) sont très similaires. En effet, toutes deux sont très précises et génèrent des cercles d’ADN excisés. De plus au niveau de la jonction macronucléaire, une seule copie de la répétition directe TA est

Figure 30 : Unscrambling chez Oxytricha. Les fragments géniques à maintenir doivent etre remis dans le bon ordre et le bon sens pour produire un nanochromosome portant un gène fonctionnel.

maintenue. Cela suggère que ces éléments partagent un mécanisme d’élimination commun ou deux systèmes d’éliminations distincts qui ont des protéines communes.

Une observation surprenante est la différence de structure observé au niveau de la réparation des jonctions macronucléaires et des cercles d’ADN excisé. Si la jonction macronucléaire est extrêmement précise, la jonction des cercles est particulière, elle consiste en deux répétitions directes contenant le dinucléotide TA encadrant 10 pb comportant 6 nucléotides en hétéroduplex. Les deux mécanismes de réparation au niveau de ces cassures sont donc différents. L’analyse des produits de jonction d’excision ont conduit à imaginer un modèle dans lequel les cassures génèrent une extrémité de 10 bases sortantes en 5’. Coté jonction macronucléaire, des extrémités s’apparieraient au niveau du dinucléotide TA puis les gaps seraient comblés par une étape de polymérisation avant une religation des extrémités par une ligase ADN. Coté cercle d’ADN excisé, on imagine que les extrémités seraient prises en charge par le complexe d’excision lui-même ou par un complexe de réparation puis rapprochées sans appariement, polymérisation pour combler les gaps puis ligation. Ce qui génère un cercle avec un 10 pb encadrées par les dinucléotides TA, contenant un hétéroduplex de 6 pb (Jaraczewski and Jahn, 1993; Klobutcher et al., 1993). La nucléase responsable des réarrangements n’a pas été identifié.

Oxytricha

Ce cilié apparenté à Euplotes dévoile des mécanismes extrêmement complexes pendant les réarrangements de son génome. Non seulement les IES doivent être excisées de façon précise mais les séquences qui formeront le nouveau MAC (MDS) doivent être remises dans le bon ordre. Dans cet organisme les fragments de gènes séparés par les IES, sont mélangés, dans un ordre incorrect, peuvent être dans la mauvaise orientation et parfois dans certains cas extrêmes, se trouver sur un autre chromosome (figure 30). De plus les réarrangements produisent des nanochromosomes de la taille d’un seul gène avec des télomères au niveau

des extrémités. Pendant le processus, 90 à 95% de l’ADN germinal va être éliminé.

Les séquences spécifiques de la lignée germinale chez Oxytricha trifallax sont de plusieurs types.

Les éléments TBE, au nombre de 2000, ressemblent à des transposons, contiennent des cadres ouverts de lecture codant pour des transposases, ils possèdent des répétitions inversées d’environ 70 pb, et présentent des homologies avec des transposons Tc1/mariner. Cependant les répétitions directes à leurs bornes diffèrent. Ce ne sont pas des dinucléotides TA, mais des répétitions directes ANT. Les jonctions macronucléaires sont homogènes, l’excision est précise et laisse une répétition ANT dans le nouveau génome MAC

D’autres éléments peuvent être assimilés à des IES. Ces séquences sont courtes et ne possèdent pas de répétitions inversées caractéristiques des transposons et ne codent pas pour une transposase. Elles sont uniques, riches en AT et la grande majorité d’entre elles ont une taille inférieure à 100 pb. Elles sont excisées de façon précise bien qu’elles n’aient pas toutes les mêmes bornes. Elles peuvent contenir des dinucléotides TA mais ce n’est pas le cas de la totalité d’entre elles.

Plusieurs transposases à domaine DDE ont été trouvées dans les génomes d’Oxytricha. Des transposases de la famille Tc1/mariner codées par les transposons TBE sont exprimées pendant la différentiation du macronoyau d’Oxytricha et sont nécessaire pour les réarrangements de l’ADN (Nowacki et al., 2009).

D’autres gènes portés par le macronoyau, expriment des protéines qui pourraient être des transposases domestiquées, sans qu’il soit encore déterminé si elles sont impliquées dans les réarrangements. Ces gènes contiennent soit un domaine MULE, dérivé de transposons Mutator-like, dans 11 cas distincts, soit un domaine DDE_Tnp_IS1595 dans 9 cas. Ils sont exprimés pendant la conjugaison mais plus tardivement que la transposase encodée par les

Figure 31 : Ciblage des séquences à maintenir. Chez Oxytricha, les petits ARNs ciblent les séquences à maintenir et le « unscrambling » rétablit le bon ordre dans les séquences géniques pour produire un gène fonctionnel. (Sontheimer, 2012)

éléments TBE. Il est important de noter que tous ces gènes ne possèdent pas forcément un site catalytique DDE intègre (Swart et al., 2013; Williams et al., 1993).

Il est encore difficile de savoir quelles transposases sont impliquées dans les réarrangements et les signaux permettant de les recruter. Cependant il est possible d’imaginer la collaboration de plusieurs mécanismes, la transposase des transposons TBE excisant les transposons, tandis qu’une ou des transposases domestiquées MULE ou IS1595 pourraient être nécessaires pour l’élimination des éléments proches des IES de Paramecium tetraurelia. De façon surprenante, le mécanisme de contrôle des réarrangements par les ARNs non codants semble inversé chez

Oxytricha. Les petits ARNs scan ciblent les séquences à conserver, qui sont très minoritaires

Projet

Au début de ce travail de thèse, les travaux d’Aurélie Kapusta sur le rôle de la Ligase IV et de son partenaire XRCC4 touchaient à leur terme. Il avait été montré que ces deux protéines sont indispensables pour une progression normale des réarrangements programmés des génomes. Plus particulièrement, lorsque ces protéines sont absentes, les cassures double brin programmées sont introduites normalement aux bornes des IES, avec le même timing qu’en conditions contrôles mais ne sont pas réparées et s’accumulent. Cependant, ces extrémités d’ADN cassées ne semblent pas dégradées. L’excision des IES impliquant un acteur majeur de la voie NHEJ, nous avons proposé que l’hétérodimère Ku70/80 était présent au niveau des extrémités cassées et les protégeait de la dégradation.

Il a été observé que la protéine Pgm est nécessaire, de façon directe ou indirecte, pour tous les types de réarrangements. Cependant les mécanismes discriminant entre réarrangements précis et imprécis restaient inconnus.

L’élimination hétérogène d’éléments répétés, caractérisée par des jonctions de réparation imprécise, la réparation après élimination des éléments répétés pourrait être prise en charge par une voie de recollement des extrémités cassées indépendante de l’hétérodimère Ku70/80, la voie alt-NHEJ

Dans ce mémoire je présente les travaux réalisés lors de ma thèse. Tous concernent les réarrangements programmés du génome de Paramecium tetraurelia et peuvent être organisés en trois parties :

- L’identification par séquençage haut débit, et la validation par biologie moléculaire d’un jeu de référence de 45 000 IES à partir d’ADN de paramécie dont le gène PGM a été éteint. A cela s’ajoute une analyse des séquences retrouvées aux bornes des IES.

- L’étude du rôle de la ligase IV et son partenaire XRCC4 lors de l’excision des IES et leur influence sur la maturation des extrémités cassées. Dans la recherche des acteurs de la maturation des extrémités, je me suis intéressé également aux protéines CtIP et Mre11.

- L’analyse des gènes KU de la paramécie, l’effet de leur extinction sur la survie de la descendance, et la description les mécanismes moléculaires lors de l’excision des IES. Les résultats pour la caractérisation des réarrangements imprécis sont également présentés ici.

Enfin je discuterai de l’implication des résultats obtenus sur l’excision des IES et de quelle manière ils changent notre vision du modèle de réarrangements programmés du génome chez

Paramecium tetraurelia et de l’étroite relation entre réarrangements programmés et

PAPIER IES + résultats supplémentaires

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