• Aucun résultat trouvé

Toute orientation fermentaire qui augmente l’utilisation du H2 métabolique ou qui en diminue la production est utile pour réduire la méthanogénèse. Cette évolution peut être obtenue par une action globale, au niveau de la ration et de l’animal, ou spécifique par le contrôle des populations microbiennes (spécialement les archées méthanogènes) à l’aide d’additifs (Tableau 4, Figure 7).

23

Tableau 4. Stratégies de réduction de méthane, mécanisme de réduction et considérations à prendre avant utilisation

Stratégie de réduction de méthane Mécanisme Considération à prendre

Composition de l’aliment

Augmentation hemicellulose/amidon Diminution des parois végétales Broyage

Augmentation du taux de passage; forte proportion de propionate versus acétate; réduction de pH ruminal

Risque d’acidose ruminale

Lipides Acides gras Huile Graines Suif Inhibition de méthanogènes et de protozoaires; forte proportion de propionate versus acétate;

biohydrogénation

Effet sur la palatabilité, l’ingestion,

les performances, et la

composition du lait; varie avec le régime et l’espèce animale; études à long-terme nécessaires

Defaunation Chemique

Additifs alimentaires

Inhibition des archées

méthanogènes associées, moins

d’hydrogène pour la

méthanogénèse

Eventuelle adaptation du

microbiote; varie avec le régime; maintenance d’animaux defaunés

Vaccin contre les archées

méthanogènes Réponse immunitaire de d’hôte Cibles de vaccins; régime et différences géographiques de l’hôte

Monensin Inhibition des protozoaires et des

bactéries Gram-positif; manque de substrat pour la méthanogénèse

Eventuelle adaptation du

microbiote; varie avec le régime et l’animal, interdit dans l’union européenne

Acides organiques Fumarate

Malate

Voie d’hydrogène, forte proportion

de propionate versus acétate Varie avec le régime; recherches in vivo nécessaires; étude à long

terme nécessaires; peut affecter la digestibilité

Métabolites secondaires de plantes Tanins condensés

Saponines Huiles essentielles

Activité antimicrobienne; réduction

d’hydrogène Dosage optimum inconnu, des recherches in vivo et à long terme nécessaires, peut affecter la digestibilité; résidus inconnus

Ainsi, les stratégies de réduction se basant sur la ration s’articulent autour de :

L’accroissement de la proportion de concentré dans la ration qui entraîne une diminution de la production de CH4. Les aliments concentrés et les grains riches en amidon ont fait l’objet de plusieurs études (Lovett et al., 2003; Sauvant et Giger-Reverdin, 2007; Doreau et al., 2011). En général, elles ont conclu que, chez l’animal, l’ajout d’aliments concentrés riches en amidon (maïs, orge) permet de réduire la production de CH4 dans le rumen. Les rations riches en amidon sont plus facilement digérées dans le rumen, la concentration totale des fibres y étant plus faible. La digestion de ces concentrés résulte en une diminution de la proportion d’acétate et une augmentation du propionate dans le liquide ruminal, ce qui engendre une réduction de la production de CH4 dans le rumen (Beauchemin et al., 2008). De plus, l’amidon, étant plus rapidement digéré que les fibres de celluloses, les rations riches en amidon

24

transitent alors plus rapidement dans le rumen, ce qui contribue aussi à diminuer le CH4 émis.

La qualité des fourrages donnés aux animaux peut également influencer la

production de CH4 entérique. Améliorer la qualité des fourrages est une méthode simple de réduction journalière du CH4. En sélectionnant des espèces végétales digestibles, répondant aux besoins alimentaires des animaux et en les récoltant au bon stade de croissance, il est possible d’améliorer la qualité de l’alimentation (Archimède et al., 2011). La qualité des fourrages dépend de plusieurs facteurs: concentration en fibres, énergie disponible, matières grasses, protéines, etc.

L’enrichissement en lipides de la ration est une voie nutritionnelle prometteuse pour réduire les émissions de CH4. La raison la plus évidente est que les lipides, quels qu’ils soient, ne fournissent pas de substrat pour la production de CH4 dans le rumen, contrairement à la fermentation des glucides auxquels ils se substituent (Doreau et al., 2011). Les sources de gras sont diverses : huile de noix de coco, canola, soya, tournesol, lin, palme (et ses dérivés raffinés). Ils agissent en inhibant les protozoaires et en limitant la concentration du H2.

La réduction de la méthanogénèse entérique par les manipulations biotechnologiques a fait l’objet de plusieurs essais par différentes approches comme :

La défaunation a été aussi employée comme option de mitigation. Elle consiste à éliminer les protozoaires du rumen car une partie des archées méthanogènes vit attachée à la surface extérieure des protozoaires ciliés du rumen. Cette symbiose participe au transfert du H2 nécessaire à la réduction du CO2 en CH4 par les archées méthanogènes (Machmüller et al., 2003). Les archées méthanogènes associées aux protozoaires ciliés sont responsable de 9 à 37 % de la production de CH4 dans le rumen (Newbold et al., 1995 ; Machmüller et al., 2003). De ce fait, la défaunation permet de réduire la production de CH4 sans effets remarquables sur la digestion ruminale.

25

La vaccination constitue une autre stratégie de réduction de CH4 dont le but est de stimuler le système immunitaire des ruminants pour produire des anticorps contre les archées méthanogènes, sans affecter les autres importants microbes du rumen (Wright et al., 2004).

L’utilisation de bactériocines comme celle produite par les espèces de Streptococcus

du rumen et la Nisine, produite par Lactobacillus lactis subsp. lactis, qui ont pu atténuer jusqu’à 50 % la production de CH4 in vitro.

Des additifs chimiques ont été utilisés pour réduire la production de CH4, ils regroupent :  Les antibiotiques ionophores, principalement monensin et lasalocide, sont une

catégorie d’antibiotiques dotés de propriétés spécifiques (action sur le transport actif du calcium) qui se traduisent par une toxicité vis-à-vis des bactéries à Gram positif (Jouany, 1994). Ces derniers agissent comme échangeurs d’ions (sodium, potassium, calcium et H2) entre la bactérie et son milieu environnant. Les déséquilibres ioniques créés finissent par épuiser et tuer les bactéries. Leur emploi chez le ruminant entraîne à court terme une diminution de la production de CH4 de 0 à 30% (Moran et al., 2011).  Les acides organiques de synthèse principalement le malate, le fumarate et l’acrylate

ont été étudiés in vitro pour leur pouvoir anti-méthanogène. Ils orientent la fermentation ruminale vers la production de propionate qui résulte de leur conversion par les bactéries en succinate avec consommation du H2 venant du formate ; le succinate est à son tour converti en propionate.

 Les voies métaboliques alternatives de la méthanogénèse telles que la réduction des nitrates et des sulfates ont été employées pour réduire le CH4 (Morgavi et al., 2010a). Brièvement, certaines bactéries spécifiques sont capables d’oxyder le H2 en utilisant des sulfates, des nitrates ou d’autres composés azotés ; le nombre de ces bactéries, normalement faible, augmente en présence de leur substrat de prédilection.

26

Figure 7. Schéma résumant les stratégies de réduction de méthane entérique chez les

ruminants

Les pistes évoquées ci-dessus, pour réduire la production de CH4 sont encourageantes à des degrés divers. Cependant leur application est souvent confrontée aux problèmes de coût et d’acceptabilité par le consommateur ; certaines stratégies efficaces font appel à des additifs non autorisés, ou peuvent présenter un risque d’effets délétères sur la santé de l’animal ou du consommateur qui voit d’un mauvais œil l’ajout d’additifs chimiques dans l’alimentation des animaux d’élevage. Par ailleurs, les stratégies de réduction du CH4 peuvent être efficaces uniquement à court terme, en raison des possibilités d’adaptation de l’écosystème microbien du rumen, et donc un effet transitoire, ce qui fait que la réduction de la production de CH4

n’est pas permanente. En effet, la plupart des mesures de production de CH4 est réalisée en premier in vitro et est souvent concluante, mais les conclusions tirées sont parfois hâtives. Les essais in vivo, beaucoup plus limités, ne confirment pas souvent l’effet observé in vitro surtout après 3 à 4 semaines d’application du traitement étudié; alors que les essais à long terme sont très rares et nécessitent plusieurs mois d’application du traitement afin que son efficacité soit prouvée.

27

Il existe actuellement une voie prometteuse, soit qu’elle ait dans certains cas montré son efficacité soit qu’elle laisse supposer un potentiel de réduction. Cette voie, bénéficie d’une image plus naturelle, il s’agit des métabolites secondaires de plantes. Plus acceptables, ils ont certainement plus d’avenir dans les exploitations visant à réduire le CH4 entérique.