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La situation d’activité collective instrumentée par le TBI considère qu’il y a des interactions entre a) les apprenants et le TBI, b) l’enseignant et le TBI et c) le TBI et l’anglais, objet sur

Figure 9 : Situation d'activité collective instrumentée par le TBI (d'après Folcher & Rabardel, 2004 : 256 et Rabardel, 1995 : 77)

La situation d’activité collective instrumentée par le TBI considère qu’il y a des interactions

entre a) les apprenants et le TBI, b) l’enseignant et le TBI et c) le TBI et l’anglais, objet sur

lequel il permet d’agir. Le TBI joue donc un rôle de médiateur de l’activité de l’enseignant

(Petitgirard et al., 2011 : 8), mais aussi de médiateur entre les apprenants et l’objet de travail

qu’est l’anglais et entre les apprenants eux-mêmes. A la différence du travail pouvant être fait

avec le combo ordinateur-vidéoprojecteur, le TBI permet aux apprenants de médier son

activité en utilisant directement l’outil sans passer par l’intermédiaire humain qu’est

l’enseignant dans les situations classiques. L’activité réelle des apprenants en sera finalement

affectée. De ce fait, l’activité avec le TBI peut tirer profit du numérique dans une dimension

collective où chacun a la possibilité d’intervenir.

En conclusion, le TBI présente des caractéristiques qui sont telles que cette technologie

numérique s’inscrit pleinement dans la lignée du tableau noir et du vidéo-projecteur. En effet,

il permet à l’enseignant de faire cours à la classe entière en conviant des ressources

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Rabardel (1995) utilise en terme « médiatisée » pour désigner la relation de médiation. Toutefois, « médiatisé » veut dire « rendre public ». De ce fait, comme les auteurs du domaine, nous préférons utiliser les termes de « médiation » et d’activité « médiée », qui insistent davantage sur le résultat de la relation.

TBI

élèves anglais

multimédias. Ceci est également une caractéristique du combo ordinateur-vidéoprojecteur,

toutefois le TBI présente des avantages ergonomiques importants comme le fait que

l’intervention sur les ressources ne soit plus limitée à l’enseignant. Toutefois, il convient de se

demander dans quelle mesure et comment le TBI devient réellement un instrument dans la

situation d’activité collective.

1.2. De l’ « instrument » prescrit à l’instrument

Cuthell (2005b) considère que le TBI représente la première technologie qui permet

d’améliorer, à la fois, l’apprentissage et l’enseignement. Cette affirmation ne peut être

considérée en l’état car elle recouvre bon nombre d’aspects. En tant que technologie, le TBI

peut être assimilé à « un corps étranger qu’il faut conceptualiser pour que les enseignants le

mettent à profit afin d’en exploiter le potentiel et de le mettre au service de l’apprentissage »

(Guichon, 2006 : 26). Il convient donc de comprendre quelle situation d’activité est impliquée

lors de l’utilisation du TBI, dans quelle mesure il peut être considéré comme un instrument

d’enseignement-apprentissage et comment les utilisateurs peuvent se l’approprier pour réaliser

leurs tâches.

1.2.1. Un « instrument » fourni par l’institution

L’institution, à l’instar d’une entreprise, fournie des aides matérielles pour améliorer les

conditions de travail de l’enseignant et des apprenants. De ce fait, les technologies numériques

peuvent être mises à la disposition de l’enseignant, à sa demande ou non, en plus de

l’équipement dont il s’est doté seul, afin de l’aider dans la réalisation de sa tâche

d’enseignement. Cet équipement peut être issu d’un besoin exprimé de la part de l’enseignant

ou de la part des consultants gouvernementaux qui exposent les mérites de telle ou telle

technologie aux décideurs qui lancent des campagnes d’équipement dans les classes.

L’équipement en technologie numérique est également justifié par l’enjeu de préparer les

apprenants aux compétences en littératie du 21

ème

siècle (Thomas & Cutrim Schmid, 2010 :

xviii), que les programmes officiels sanctionnent avec l’obtention du B2i à la fin de l’école

élémentaire. Il faut, par ailleurs, noter que la présence des technologies numériques dans les

salles de classe peut également être le résultat des influences de la société elle-même pour qui

l’école doit fournir un « enseignement “moderne” » (Guichon, 2012 : 5) en étant en accord

avec le quotidien dans lequel baignent les enfants. Cette influence est cependant moins directe

que les réflexions gouvernementales. L’installation des TBI s’inscrit dans une volonté de la

part du gouvernement de moderniser l’école, de réduire la fracture numérique et d’améliorer

l’enseignement-apprentissage en général. Réformer l’école grâce aux technologies est une

idée que différents gouvernements présentent.

« From many different directions, then, coalition advocates have

pressed school boards and superintendents to wire classrooms and

purchase new hardware and software, in the belief that if technology

were introduced to the classroom, it would be used; and if it were used,

it would transform schooling » (Cuban, 2001 : 12-13)

En 2009, le gouvernement français a lancé le plan ENR (Ecole Numérique Rurale) permettant

l’équipement numérique de plus de 6700 écoles rurales. Les subventions permettaient

d’acquérir des ressources numériques pédagogiques à hauteur de 1000 euros, ainsi que des

équipements numériques comprenant un TBI et des ordinateurs à hauteur de 9000 euros. A

l’instar des campagnes d’équipement en Angleterre (Thomas & Cutrim Schmid, 2010 : xix),

l’équipement des écoles rurales françaises visait alors à impulser la modernisation des écoles

et réduire l’écart entre les écoles urbaines et les écoles rurales qui ne disposent pas des mêmes

moyens financiers pour s’équiper. En France, les plans d’équipement sont générés par les

collectivités locales, alors que les « demandes individuelles d’enseignants sont rarement prises

en compte » (Villemonteix, 2011 : 253). Toutefois, l’équipement actuel des écoles françaises

est largement en retard par rapport aux pays anglophones et aux pays nordiques. Selon

l’Enquête ETIC (2010), 23% des écoles élémentaires françaises sont équipées d’au moins un

TBI, ce qui représente un TBI pour 500 écoliers. Dans sa lettre adressée à Jean-Michel

Fourgous (2010 : 3), François Fillon, Premier Ministre de l’époque, chiffrait le retard de la

France par rapport au reste de l’Europe et en concluait l’urgence de l’équipement numérique

dans l’éducation en France. Cependant, dans cette « course à l’équipement » apparente, il

convient de se demander quelle place est accordée à la pratique raisonnée. Le rapport

Fourgous, remis à Luc Chatel le 15 février 2010, avait pour mission de dresser le bilan de la

mission parlementaire « Réussir l’école numérique ». Ce rapport annonça 12 priorités et 70

mesures pour réussir l’école numérique en 2012. Parmi la toute première priorité intitulée

« connecter et équiper les écoles au numérique », la deuxième mesure stipulait : « Généraliser

à 100% des établissements scolaires les tableaux numériques interactifs associés à un

ordinateur et à un logiciel de création de séquences pédagogiques multimédias » (Fourgous,

2010 : 10). Toutefois, bien que les priorités proposées par Fourgous prennent en compte la

formation des enseignants et leur accompagnement, il n’est pas garanti que ces derniers aillent

au-delà des pratiques déjà existantes et s’approprient le TBI. Se pose alors la question de

savoir si les TBI ne vont pas se retrouver dans la situation des ordinateurs considérés comme

« oversold and underused technology » par Cuban (2001). Malheureusement, le TBI semble

tomber dans la situation souvent remarquée en ce qui concerne l’intégration des technologies

dans l’éducation, à savoir la philosophie appelée « install first and understand later » qui

consiste à équiper les classes et chercher à comprendre pourquoi seulement après (Thomas &

Cutrim Schmid, 2010 : xviii). A l’heure où le gouvernement canadien remet en cause

l’installation massive de tableaux interactifs, les gouvernements ayant financé massivement

les installations commandent des études de terrain afin de savoir si les sommes investies sont

justifiées (Moss & Jewitt, 2010 : 23). La hauteur de l’investissement dans des technologies

pour l’éducation implique, en effet, la question de la rentabilisation de ces équipements

(Bertin, 2003). Dans le contexte français, le nouveau rapport de Jean-Michel Fourgous (2012)

se penche alors, à la demande de François Fillon, sur la question de l’innovation des pratiques

pédagogiques par le numérique et la formation des enseignants. Des études complémentaires

quant à l’effet des TBI sont plus que nécessaires et tardent à dresser un réel bilan, en

particulier en ce qui concerne l’enseignement-apprentissage des langues, domaine dans lequel

le gouvernement français attend beaucoup des technologies numériques. En effet, en janvier

2011, lorsque le Ministre de l’Education Nationale de l’époque, Luc Chatel, déclara vouloir

mettre en place l’apprentissage de l’anglais dès trois ans, il précisa qu’il faut avant tout « tirer

toutes les conséquences de l’apport des nouvelles technologies dans l’enseignement des

langues, et donc revoir en profondeur les pratiques pédagogiques » (Journal Libération, 2011).

Selon lui, les technologies rendraient possible l’apprentissage de l’anglais dès trois ans. Mais

le TBI, comme toute technologie, n’est pas une panacée (Gray, Hagger-Vaughan, Pilkington,

& Tomkins, 2005 : 44) et demande une étude claire de l’intérêt que peut apporter cet artefact

dans la situation de travail à l’école.

En conclusion, le TBI est un « instrument » prescrit, voire imposé par l’institution car, outre

l’image que des classes équipées dégagent au sein de la société, le TBI est considéré comme

pouvant répondre à des besoins ergonomiques de terrain et permettant l’application des

instructions officielles (telles que la formation au B2i). En l’occurrence, la question est de

savoir si le TBI peut concrètement constituer une aide à la réalisation de tâches de CP en

anglais L2 dans le contexte scolaire actuel. La réponse à cette question ne peut toutefois pas se

limiter par une simple affirmation ou négation, mais doit entrer dans le détail de l’utilisation

du TBI et analyser les conséquences de cette utilisation sur le développement cognitif.

1.2.2. Des prescriptions à l’usage, construction du caractère instrumental du TBI

Le TBI est avant tout un artefact, c’est-à-dire un objet matériel construit par l’homme, faisant

partie des objets anthropotechniques, c’est-à-dire « pensés, conçus en fonction d’un

environnement humain » (Rabardel, 1995 : 9). Les décideurs, à l’initiative de l’équipement

d’une salle de classe, ont une représentation de l’activité de la classe et de l’intérêt que

pourrait avoir le TBI dans la réalisation de ces activités par les sujets. Ils imaginent alors

comment enseignants et apprenants vont utiliser la technologie mise à disposition. De ce fait,

lorsqu’il est introduit en salle de classe, le TBI est bien plus qu’un artefact puisqu’il constitue

déjà une « proposition » (Cerratto Pargman, 2005) d’instrument pensée par les décideurs.

Toutefois, ce qu’ils envisagent à propos de l’utilisation du TBI dans l’environnement scolaire

ne suffit pas à forger le caractère instrumental du TBI.

Il convient, tout d’abord, de clarifier la distinction entre l’outil et l’instrument. Dans sa

première acception, l’outil est un « objet fabriqué qui sert à agir sur la matière, à faire un

travail ». De son côté, l’instrument est défini comme un « objet fabriqué servant à exécuter

quelque chose, à faire un travail » (dictionnaire Le Robert, 1995 : 687). Le dictionnaire

présente donc « outil » et « instrument » comme des synonymes. Dans la littérature du

domaine, en revanche, les deux ont une définition distincte. Baillé & Raby (1999 : 167)

clarifient la distinction en indiquant que « l’instrument […] est un outil qui incorpore du

cognitif. Il est médium en ce qu’il affecte la perception et la représentation ». Bruillard

(1998), quant à lui, s’appuie sur différentes sources et auteurs tels que Simondon et explique

que « [p]our Simondon, l’instrument est l’inverse de l’outil, il prolonge et adapte les organes

des sens, il est un capteur et non un effecteur, il sert à prélever de l’information alors que

l’outil sert à exercer une action » et en vient à dire que « l’outil façonne, alors que

l’instrument instruit » (Bruillard, 1998 : 66-67). Raby, Baillé, Bressoux, & Chapelle (2003 :

71) précisent également que « a tool is a material object which is only an extension of an

organ […] An instrument has two sides, a material side and a symbolical one ». Rabardel

(1995 : 11), quant à lui, définit la notion d’instrument comme la combinaison d’« un artefact

matériel ou symbolique produit par l’utilisateur ou par d’autres » et d’« un ou des schèmes

d’utilisation associés résultant d’une construction propre ou de l’appropriation de schèmes

sociaux préexistants ». En ce sens, l’artefact ne devient instrument qu’une fois qu’il est

accompagné de schèmes d’utilisation, c’est-à-dire une fois que des fonctions lui ont été

attribuées par le ou les utilisateurs. Les schèmes sont propres à chaque situation. En effet,

« les schèmes d’utilisation ne s’appliquent pas directement, il[s]

doivent être instanciés en fonction du contexte spécifique de chaque

situation. Ils s’actualisent alors sous forme de procédure adéquate aux

singularités de la situation » (Rabardel, 1995 : 116).

Le concept de schème part « de l’approche de Piaget pour qui le schème d’une action est