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orthographique, l’enfant analyse les mots en unités orthographiques sans nécessairement

avoir recours à la médiation phonologique. L’enfant se base sur des unités orthographiques

formées de groupes de lettres. Il s’agit de l’accès direct. Le modèle de Frith postule que la

lecture et l’écriture sont deux activités qui se stimulent l’une l’autre. Par exemple, « un

niveau avancé dans l’utilisation de la médiation phonologique en écriture est nécessaire pour

que cette procédure puisse être appliquée également en lecture » (Sprenger-Charolles &

Casalis, 1996 : 27).

Quel que soit le modèle de la lecture retenu, les représentations phonologiques semblent

importantes pour le décodage du code écrit. La CP permet notamment : 1) le décodage et

l’écriture des mots réguliers dans la voie phonologique du modèle double-voie ; 2) la

reconnaissance des mots irréguliers et réguliers dans les modèles connexionnistes (Gillon,

2007). Par ailleurs, l’accès au langage écrit est fortement influencé par le langage oral. En

effet, les recherches menées avec le recueil des signaux électriques liés à l’activité

neuro-musculaire (EMG : électromyographiques) montrent que, « même en lecture silencieuse, il

existe toujours une activité musculaire des cordes vocales » (Golder & Gaonac’h, 1998 : 37).

Cela appuie l’hypothèse selon laquelle l’information phonologique joue un rôle dans la

lecture, c’est-à-dire dans la compréhension écrite. La CP relève des mécanismes dits « de bas

niveau » dans les activités langagières écrites. Les mécanismes de « bas niveau » déterminent

l’activation lexicale (au sens considéré par la psychologie cognitive, à savoir l’efficacité de la

reconnaissance des mots) et ainsi permettent aux processus dits « de haut niveau » d’être mis

en œuvre pour comprendre un texte. Le décodage des mots doit suffisamment être automatisé

pour libérer les ressources cognitives nécessaires à la compréhension. Il pourrait être supposé

que lorsqu’un apprenant est confronté à la lecture en langue étrangère, il transfère ses

mécanismes de « bas niveau » construits en L1 dans la L2. Cependant, le problème le plus

couramment observé est que « les mécanismes qui portent sur le ‘décodage’ du matériau

linguistique sont peu automatisés en langue étrangère » (Gaonac’h & Fayol, 2003 : 141).

Ainsi, les représentations phonologiques nécessaires dans le processus de lecture doivent être

reconstruites en L2. Sur ce point, les travaux de Walter (2008) mettent en avant le rôle de la

phonologie et l’importance de tâches phonologiques en classe pour améliorer la

compréhension écrite.

2.2.3. Le rôle de la conscience phonémique dans le processus de compréhension orale

La compréhension du message auquel un individu est confronté passe par un processus

complexe. L’individu traite l’information dans sa mémoire de travail en faisant appel à des

représentations abstraites stockées en mémoire à long terme. L’oral tient d’ailleurs une place

particulièrement importante dans l’enseignement précoce des LVE aujourd’hui. Les modèles

présentés par les psycholinguistes concernant la reconnaissance et la récupération des items en

mémoire considèrent que l’individu passe par des processus parallèles de « recherche et

activation » pour extraire les bons mots du lexique mental. La figure 5 illustre les processus de

compréhension orale présentés par Culter & Clifton (1999) et indique que l’individu décode

les courbes sonores et les transforme en représentations abstraites.

Figure 5 : Modèle de la compréhension orale (d'après A blueprint of the listener, Culter & Clifton, 1999 : 124).

Dans le modèle de Culter & Clifton (1999), le décodage et la segmentation font partie des

traitements de « bas niveau » qui sont automatiques en L1, mais qui impliquent une demande

plus importante en mémoire en L2 et un processus attentionnel. La reconnaissance des mots et

l’intégration-interprétation font partie des traitements pragmatiques dits de « haut niveau »

pour la construction du sens. Lorsqu’un individu écoute un locuteur, il doit porter son

attention sur le flot sonore et être capable de le segmenter pour en tirer du sens. Il doit

segmenter le flot sonore en morphèmes et en phonèmes tout en gardant les informations liées

aux idées en mémoire ; plus la segmentation est automatique, moins la compréhension

implique de charge cognitive (Samuels, 1984 : 185).

La théorie des cohortes, proposée par Marslen-Wilson & Tyler en 1980 (cités par Bogaards,

1994 : 75 et Treiman, Clifton, Meyer, & Wurm, 2003), révèle qu’il y a des interactions entre

les informations phonologiques fournies à l’oral et les connaissances sémantiques disponibles

dans la mémoire. Lorsqu’un individu entend un mot commençant par /tr/, par exemple, cela

active une cohorte de mots commençant par ces sons. Ces mots sont appelés des

« candidats », puis font l’objet d’un processus d’appariement plus précis pour éliminer de la

liste les mots qui ne sont pas cohérents par rapport au contexte (Gaonac’h & Passerault, 2006 :

338). Il y a donc interactivité entre les informations sonores et les informations contextuelles.

La rapidité du décodage dépendra de l’expérience de l’individu. Cependant, contrairement à

ce que propose la théorie de cohorte dans un traitement linéaire, il est possible d’identifier des

D é co d e r S e g m e n te r R e co n n a ît re I n g re r

mots dont les premiers phonèmes ne sont pas entendus. En effet, même lorsque certains

phonèmes sont supprimés dans le flot parlé, l’auditeur est capable de restituer les phonèmes

manquants. Il s’agit de la restauration phonémique (phonemic restoration) étudiée par Samuel

(1997). Cependant, la théorie des cohortes ne fournit aucune explication quant aux

interprétations provisoires qui sont revues par la suite (Bogaards, 1994 : 77).

Hilton s’est intéressée à des francophones apprenant l’anglais au niveau universitaire. Elle

déclare que « l’entreposage emmêlé des formes de la L2 avec celles de la L1 doit rendre très

difficile le traitement des phonèmes authentiques de l’anglais en situation de communication

réelle (problème entravant notamment la compréhension de l’anglais oral) » (Hilton, 2002).

Dans l’activité langagière à l’oral, l’apprenant de L2 doit, en effet, faire face à des obstacles

particuliers comme le fait que « les sons de la langue cible eux-mêmes ne correspondent pas à

des catégories phonologiques déjà constituées » (Gaonac’h & Fayol, 2003 : 151). Cela rend le

processus de compréhension d’autant plus difficile pour l’apprenant qui subit une charge

cognitive importante. Les bons auditeurs en L2 sont décrits par Beaucamp (2006) comme

suit :

« Les bons auditeurs semblent se distinguer par l’usage devenu