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Plusieurs écosystèmes marins peuvent être identifiés au sein de l’Océan Arctique et dans ses mers épicontinentales : ces « systèmes » peuvent par exemple être distingués par les facteurs abiotiques présentés au début de cette introduction (conditions de lumière, couvert de glace, salinité, etc.). Le biologiste et océanographe canadien Maxwell John Dunbar a proposé de distinguer les zones marines « arctiques » des zones marines « sub-arctiques », faisant référence à la composition des eaux pour la couche de surface (200-300 m, Dunbar 1953). L’auteur considère « sub-arctiques » les zones où les eaux d’origine polaire et non polaire sont mélangées, et « arctiques » les zones consistant exclusivement d’eaux d’origine polaire (Dunbar 1968, Fig. 10). Tout en reconnaissant que la ligne de démarcation est variable avec les saisons, annuellement ou sur des plus longues périodes, Dunbar (1953) considère que cette distinction est utile en raison de sa

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pertinence pour l’écologie marine, reflétant une réelle distinction dans la production biologique des deux zones identifiées.

Figure 10. Zones de l’environnement marin selon John Maxwell Dunbar, les zones sub-arctiques sont représentées en pointillé (Dunbar 1953). L’auteur précise que les lignes de démarcation sont approximatives. L’Archipel du Svalbard, dont seulement la côte sud-ouest est considérée comme faisant partie des zones sub-arctiques, a été encerclé en rouge.

Figure 10. Zones of marine environment following John Maxwell Dunbar, sub-arctic zones are

stippled (Dunbar 1953). The author specifies that lines of delimitation are approximate. The Svalbard Archipelago, where only the south-west coast is considered as sub-arctic, is encircled in red.

Dunbar (1968) repère plusieurs caractéristiques qui peuvent être considérées comme spécifiques des zones sub-arctiques par rapport aux zones arctiques. Une première différence est liée à la température de l’eau : en excluant les 50-100 m de surface qui sont plus variables et affectées par les influences locales, les zones d’eau arctiques restent en dessous de 0°C tout le long de l’année, ce qui n’est pas le cas pour les zones sub-arctiques (Dunbar 1968). Une deuxième différence est liée au couvert de glace, moins important dans les zones sub-arctiques. Si on prend l’exemple de l’Archipel du Svalbard (Fig. 10), la côte ouest va être considérée sub-arctique car l’influence des courants chauds de l’Atlantique réduit la formation de la banquise, alors que dans la côte nord, qui ne subit pas cette influence, la présence du couvert de glace au cours de

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l’année est bien plus importante (Hop et al. 2002 ; cf. également Fig. 3). Une troisième différence est liée à la production organique, qui est plus forte dans les zones sub-arctiques. Cela est particulièrement évident si l’on considère que les pêcheries dans les zones sub-arctiques incluent les fortes productions de Terre-Neuve, côte du Labrador, ouest du Groenland et Irlande du Nord (Dunbar 1968). Dunbar (1968) cite également d’autres différences, par exemple le fait que dans les zones sub-arctiques, par rapport aux zones arctiques, la stabilité verticale de l’eau est moins importante et que la variété de la faune et de la flore plus grande.

Les deux sites étudiés dans cette thèse peuvent être considérés respectivement comme un site arctique et un site sub-arctique : le fjord du Young Sound (Nord-Est du Groenland) et le fjord du Kongsfjorden (Ouest de l’Archipel du Svalbard, Fig. 11).

Figure 11. Localisation des sites où deux populations d’Astarte moerchi sont étudiées. Le site arctique du Young Sound sera abrégé « YS », et le site sub-arctique du Kongsfjorden sera abrégé « KF ».

Figure 11. Site location where two populations of Astarte moerchi are studied. The Arctic site Young Sound will be abbreviated "YS" and the sub-arctic site Kongsfjorden will be abbreviated “KF”.

Les fjords peuvent être définis comme des anciennes vallées glaciaires qui ont été envahies par la mer. Ils se caractérisent par des côtés très escarpés et parfois, à leur embouchure, par un « seuil » sous-marin (« sill ») issu des processus d’érosion glaciaire, qui peut limiter le passage des masses d’eau des zones littorales à l’extérieur du fjord. En raison des côtés escarpés, à la fois des habitats peu profonds et profonds sont présents pour les organismes benthiques. En outre, les régimes océanographiques et d’advection sont plus facilement étudiés que dans d’autres zones littorales : cela fait des fjords des

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écosystèmes intéressants pour l’étude de processus écologiques en Arctique (Renaud et al. 2015a).

Le Young Sound (74°N, 20°W) est la partie externe d’un fjord qui fait 90 km de long, présente un volume total de 40 km3 et une profondeur moyenne de 100 m (Bendtsen et al. 2007). Le seuil à l’embouchure a une profondeur maximale de 45 m, réduisant les échanges avec la partie externe et le courant froid du Groenland oriental. L’influence des apports d’eau douce, venant de la neige, de la fonte de la glace et des rivières, est conséquente spécialement en été (Bendtsen et al. 2007). Le fjord du Young Sound est recouvert de glace entre 9 et 10 mois par an. Dans les derniers 50 ans, les périodes libres de glace ont varié entre 63 et 131 jours, avec une tendance à l’augmentation dans la dernière décennie (Glud et al. 2007). Autour de 60 m, les températures de l’eau de fond sont relativement stables autour de -1°C ainsi que la salinité à 32 unités ; à des profondeurs plus faibles (30 m), des variations dans ces deux paramètres sont présentes régulièrement en été (ZERO 2014 ; Fig. 12). La production phytoplanctonique annuelle est estimée à 10 g C m-2 (Rysgaard et al. 1999).

Situé dans la côte ouest de l’Archipel du Svalbard, le Kongsfjorden (79°N, 12°E) est un fjord d’environ 30 km et d’un volume total estimé de 29.4 km3 (Svendsen et al. 2002). A la différence du Young Sound, Kongsfjorden ne présente pas un seuil marqué à l’embouchure mais est connecté avec le talus continental à travers une fosse sous-marine, Kongsfjordrenna (Svendsen et al. 2002). Ce fjord présente une partie intérieure où la profondeur est inférieure à 100 m, et une partie plus profonde à l’extérieur (Svendsen et al. 2002). Malgré la haute latitude, Kongsfjorden est considéré comme un fjord sub-arctique car, comme expliqué plus haut, la côte Ouest du Svalbard est influencé par les courants chauds de l’Atlantique et en particulier par le courant du Spitsbergen occidental (Hop et al. 2002). Les conditions hydrologiques sont variables selon les saisons, influencées par les apports en eau douce et sédiments des glaciers, qui créent des forts gradients de turbidité, nutriments et salinité le long de l’axe du fjord. En 2002, le couvert de glace était estimé comme étant présent dans le fjord entre 5 et 7 mois par an dans la partie interne du fjord, et seulement 1 mois par an dans le bassin central (Svendsen et al. 2002). La production phytoplanctonique annuelle est estimée à 35-50 g C m-2 (Hop et al. 2002).

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Figure 12. Résultats des mouillages déployés dans le fjord du Young Sound pour l’année 2012-2013 : la salinité et la température ont été enregistrés à deux profondeurs, 29 m et 61 m (ZERO 2014).

Figure 12. Results of hydrographic mooring deployed in Young Sound fjord for 2012-2013: salinity and temperature have been recorded at two depths, 29 m and 61 m (ZERO 2014).

Figure 13. Résultats des mouillages déployés dans le fjord du Kongsfjorden de 2008 à 2011 : la salinité et la température ont été enregistrés autour d’une profondeur moyenne de 26 m (Scottish Association for Marine Science).

Figure 13. Results of hydrographic mooring deployed in Kongsfjorden from 2008 to 2011: salinity and temperature have been recorded at an average depth of 26 m (Scottish Association for Marine Science).

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Néanmoins, les conditions de couverture de glace du Kongsfjorden ont changé à partir de 2006, avec une augmentation de l’influence des eaux de l’Atlantique pendant l’hiver (Cottier et al. 2007, Lalande et al. 2016) qui ont causé une augmentation de la température de l’eau dans le fjord. A partir de 2007, la glace pendant l’hiver était très réduite et limitée à l’intérieur du fjord et, pour l’année 2013, la moyenne annuelle de température de l’eau au centre du fjord était de 3°C (Paar et al. 2015).