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Dans cette section, la formulation générale de câble glissant développée est utilisée

pour modéliser l’effet rideau dans les écrans de filets pare-blocs.

Lors d’un impact sur un écran pare-blocs, la structure, et principalement la nappe de

filets, subit de grands déplacements. La tension générée au sein de la nappe va mettre en

mouvement les extrémités de nappe, liées aux câbles de rive. Si la nappe n’est pas liée de

façon solidaire aux câbles de rive, ce qui est toujours réalisé dans la pratique, celle-ci va

glisser le long des câbles vers la zone d’impact dans les directions des efforts de traction.

Nous observons alors un phénomène de concentration des éléments de la nappe le long

du câble au droit de la zone d’impact appelé effet rideau. Ce phénomène a une influence

déterminante dans le comportement de l’ouvrage et sa prise en compte est absolument

nécessaire. Le modèle de câble glissant développé doit donc impérativement permettre de

rendre compte de l’effet rideau.

Parmi les modèles numériques d’écrans de filets traitant l’effet rideau, différentes

ap-proches de modélisation ont été proposées. Albabaet al [Albaba et al., 2017] et Escallón

et al [Escallón et al., 2014, Escallón et al., 2015] ont développé des modèles complexes de

barrières flexibles en décrivant les interactions de contact en 3 dimensions entre la nappe

de filets et les câbles de rive. Les premiers ont développé un modèle DEM de manille

glis-sante autour d’un câble avec un assemblage d’éléments cylindres, les seconds emploient

l’algorithme général de contact du logiciel commercial Abaqus pour traiter le contact

entre les éléments finis de poutres linéaires composant la nappe de filets d’une part et le

câble de rive d’autre part. Malgré une plus grande exactitude dans la description de la

géométrie de la zone de contact et des lois de contact associées, ces modèles souffrent d’un

coût de calcul élevé et les modèles intégrés comme celui développé ici leur sont préférés.

Certains modèles intégrés multi-nœuds permettent de traiter l’effet rideau, nous pouvons

notamment citer les travaux de Volkwein [Volkwein, 2005] et Ghoussoub [Ghoussoub,

2014]. Ghoussoub utilise un modèle aux éléments finis qui ne tient pas compte du

frotte-ment ; l’impléfrotte-mentation numérique présente égalefrotte-ment des difficultés dans le traitefrotte-ment

de problèmes dynamiques en grands déplacements. Volkwein utilise une approche qui

tient compte du frottement par le système de réduction de tension présenté section 4.4.

Cette technique fournit une répartition inexacte des tensions au sein des câbles et

sous-estime les efforts. Il est également important de noter que ces modèles multi-noeuds sont

composés exclusivement de nœuds glissants et par conséquent présentent une distribution

de masse très différente de celle d’un câble réel ; les effets inertiels dans le cas d’un impact

dynamique ne sont donc pas traités convenablement.

4.5.1 Système étudié

Le système de câbles choisi dans le but d’étudier l’effet rideau est inspiré d’une

tech-nique de câblage conventionnelle des écrans de filets et présenté Figure 4.10. Le système

est composé de 3 travées horizontales de longueurL= 10 m, délimitées par 4 points fixes

a, b, c et d. Deux câbles de diamètre 10 mm (section A = 78,54 mm

2

, masse linéique

η = 613 g/m) couvrent symétriquement les travées de la façon suivante : le câble de

gauche va du pointaau pointcet le câble de droite va du pointbau pointc. Les câbles

sont fixes aux points intérieurs b et c. Aux extrémités a et d, les câbles sont liés à des

dissipateurs d’énergie de masse négligeable possédant un comportement rigide-plastique

parfait avec un seuil de déclenchement F

y

= 20 kN. Les dissipateurs d’énergie offrent

de la flexibilité au système et permettent aux câbles de subir les grands déplacements

transversaux nécessaires à la manifestation du phénomène d’effet rideau. Entre les points

centraux b et c, sont disposés de façon uniforme 20 éléments glissants extérieurs

repré-sentant les points de contact entre la nappe de filets et les câbles de rive. Les câbles

de rive se croisent dans la travée centrale et sont tous les deux tressés à travers ces 20

éléments glissants qui se retrouvent partagés par les deux câbles. Une force ponctuelle

verticale P = 1,5 kN est appliquée sur chacun des éléments glissants et le poids propre

du système est négligé. Ce chargement simple n’est pas représentatif de la dynamique

d’impacts réels mais permet de générer facilement le phénomène d’effet rideau. Afin de

prendre en compte les effets inertiels, les câbles sont maillés avec une densité de dnœuds

de discrétisation par unité de longueur. Une densité nulle (d= 0) est possible et

corres-pond à un câble constitué exclusivement de nœuds glissants compris entre les deux nœuds

d’extrémité non-glissants. Dans le cas où la densité de maillage est non-nulle, il doit être

possible pour un nœud glissant de se déplacer de façon continue le long de plusieurs

seg-ments successifs délimités par des nœuds de discrétisation non-glissants. Nous avons vu

que ce glissement continu nécessite l’emploi d’un algorithme de remaillage qui effectue

des permutations entre nœuds glissants et nœuds non-glissants. Nous faisons l’hypothèse

qu’un nœud glissant ne peut traverser qu’un seul nœud de discrétisation non-glissant à la

fois, cette hypothèse est vérifiée dès lors que la dimension réelle de l’élément glissant est

négligeable devant la longueur 1/d d’un segment de discrétisation du câble. Dans le cas

contraire, la réduction de l’élément glissant à un nœud n’est pas réaliste et la description

locale du glissement autour du nœud glissant est incorrecte. Nous utilisons alors

l’algo-rithme de remaillage implémenté dans le logiciel commercial LS-DYNA pour les câbles

simple-nœud et qui permet d’effectuer la permutation entre un nœud glissant et un nœud

non-glissant. Les détails d’implémentation de cet algorithme sont présentés en annexe

C.2.

(Fy) P P P P L L L X Y (Fy) a b c d

Figure 4.10 – Modèle d’étude de l’effet rideau (la longueur initiale des dissipateurs

d’énergie représentés aux points a etd est négligeable)

Le phénomène d’effet rideau va se manifester comme suit pour le système de câbles

étudié. Les charges ponctuelles sont appliquées aux nœuds glissants, ces nœuds demeurent

initialement solidaires aux câbles et transfèrent la charge sur ceux-ci. La tension dans les

câbles augmente alors et lorsqu’elle atteint la valeur F

y

au niveau des extrémités, les

dissipateurs d’énergie au comportement rigide-plastique commencent à se déformer et

permettent de grands déplacements transversaux des câbles. À mesure que les câbles

se déforment et s’inclinent par rapport à l’horizontale, les nœuds glissants atteignent la

limite de glissement et ne sont plus solidaires aux câbles, ils commencent alors à glisser le

long des câbles vers le centre de la travée centrale où ils se réunissent dans une position

d’équilibre (Figure 4.11). Afin de maintenir l’ordre des nœuds glissants le long du câble,

nous ajoutons une interaction de type choc mou entre les nœuds glissants lorsque ceux-ci

se rapprochent d’une distance inférieure à 10 mm, cette distance étant représentative de

l’épaisseur d’une maille de filet (diamètre de toron d’un anneau par exemple).

−154 −10 −5 0 5 10 15 2 0 X[m] Y [m ] t= 0 ms −154 −10 −5 0 5 10 15 2 0 t= 60 ms X[m] Y [m ] −154 −10 −5 0 5 10 15 2 0 t= 120 ms X[m] Y [m ] −154 −10 −5 0 5 10 15 2 0 t= 180 ms X[m] Y [m ] −154 −10 −5 0 5 10 15 2 0 t= 240 ms X[m] Y [m ]

Figure4.11 – Évolution temporelle du système lors de la simulation numérique de l’effet

rideau (configuration C4 : d= 10, µ= 0,2)

4.5.2 Configurations testées

Un ensemble de 4 configurations, numérotées de C1 à C4, avec 2 densités de nœuds de

discrétisation différentes et 2 coefficients de frottement différents est étudié. Des

simula-tions numériques de l’effet rideau sont effectuées pour des câbles maillés avec une densité

ded= 0 nœuds de discrétisation par mètre d’une part etd= 10 nœuds de discrétisation

par mètre d’autre part. Dans chacun des cas, les simulations sont effectuées avec un

co-efficient de frottement nul d’une part (µ= 0) et avec une valeur deµ= 0,2 d’autre part.

(Tableau 4.5). Le choix de ces 4 configurations permet d’effectuer une analyse qualitative

et quantitative de l’influence du frottement et des effets inertiels dans la modélisation de

l’effet rideau. Cela permet d’identifier les bénéfices de l’approche de modélisation

déve-loppée en comparaison aux modèles existants. Nous étudions l’évolution temporelle du

Tableau 4.5 – Configurations utilisées pour la simulation numérique de l’effet rideau

µ= 0 µ= 0,2

d= 0 C1 C2

d= 10 C3 C4

déplacement transversal du système de câbles, la flèche au centre de la travée centrale est

tracée en fonction du temps pour les 4 configurations (Figure 4.12).

0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 6 5 4 3 2 1 0

Temps [ms]

F

l

`

ec

h

e

[m

]

C1 : d= 0, µ= 0

C2 : d= 0, µ= 0.2

C3 : d= 10, µ= 0

C4 : d= 10, µ= 0.2

Figure 4.12 – Évolution temporelle de la flèche du système lors des simulations

numé-riques de l’effet rideau pour les 4 configurations

4.5.3 Influence des différents paramètres

Frottement

Analysons dans un premier temps l’influence du frottement sur la réponse mécanique

du système. Quelle que soit la densité de la discrétisation, les câbles sans frottement

présentent une augmentation plus rapide de la flèche et une valeur d’équilibre supérieure

par rapport aux câbles avec frottement. D’abord, lorsque la flèche est inférieure à environ

1,25 m, la réponse du système est la même avec ou sans frottement. Cela correspond à la

phase initiale de chargement au cours de laquelle les nœuds glissants sont solidaires aux

câbles. Ensuite, pour des flèches supérieures à 1,25 m, les nœuds commencent à glisser

et les comportements se différencient. En l’absence de frottement entre le câble et les

nœuds glissants, ces derniers glissent librement et sans résistance le long des câbles, ils

gagnent ainsi beaucoup de vitesse et le déplacement transversal du câble est rapide. En

présence de frottement, l’effort de frottement est résistant et s’oppose au mouvement des

nœuds le long des câbles, la vitesse des nœuds est modérée et le déplacement transversal

du câble plus lent. Enfin, lorsque le glissement se fait sans frottement, la seule source de

dissipation d’énergie du système est la déformation plastique au niveau des dissipateurs

d’énergie. L’énergie cinétique du système est alors entièrement dissipée par ces éléments

qui subissent de grandes déformations ce qui a pour résultat une valeur de la flèche à

l’équilibre élevée de 5,60 m. Lorsque le glissement se fait avec frottement, une partie de

l’énergie cinétique des nœuds est dissipée par frottement. Les dissipateurs d’énergie sont

alors moins sollicités et moins déformés ce qui a pour résultat une valeur de la flèche à

l’équilibre plus faible de 3,90m.

Densité de nœuds de discrétisation

Analysons dans un second temps l’influence de la densité de nœuds de discrétisation

non-glissants. Nous observons que ce paramètre a une influence moins importante sur la

réponse du système que le coefficient de frottement. Quel que soit le coefficient de

frotte-ment, les câbles composés exclusivement de nœuds glissants présentent une augmentation

plus rapide de la flèche. Cela démontre que ce paramètre a une influence sur les effets

inertiels transitoires. En effet, la masse des câbles composés exclusivement de nœuds

glis-sants est concentrée au niveau des nœuds d’about non-glisglis-sants et il n’y a pas de masse

qui doit être accélérée et mise en mouvement au niveau de la travée centrale. Lorsque

la masse est distribuée de façon régulière le long des câbles, une partie de la quantité

de mouvement fournie aux nœuds glissants par les efforts extérieurs est transmise aux

nœuds de discrétisation voisins des câbles et le mouvement d’ensemble du câble est plus

lent. Des effets de retard dans la réponse transitoire de près de 50 ms en temps et 1 m

en flèche sont alors observés entre un système composé exclusivement de nœuds glissants

et un système convenablement discrétisé. Nous constatons par ailleurs que la densité de

discrétisation n’a aucune influence sur la configuration d’équilibre, la présence de nœuds

non-glissants n’entrave pas le glissement continu des nœuds sur plusieurs segments et

démontre la robustesse de la procédure de remaillage employée.

4.5.4 Discussion

La comparaison avec les modèles existants dans la littérature met en exergue la

géné-ralité et les qualités du modèle de câble glissant développé pour la modélisation de l’effet

rideau. La quasi-totalité des modèles existants ont un comportement qui peut être

repro-duit à l’aide du modèle développé en choisissant les paramètresµetdde façon adéquate.

Les avantages de la formulation proposée sont nombreux.

Tout d’abord, il s’agit d’un modèle multi-nœuds particulièrement polyvalent dans

son utilisation. Les modèles multi-nœuds usuels sont composés uniquement de nœuds

glissants, la répartition de masse est alors altérée et les effets inertiels mal représentés.

La réponse des câbles est donc trop rapide et similaire aux résultats obtenus dans les

configurations C1 et C2. La formulation développée permet d’intégrer des nœuds de

discrétisation non-glissants et est applicable à un groupe de nœuds glissants quelconque

défini à un instant donné. Le nombre de nœuds glissants consécutifs peut ainsi varier tout

au long de l’analyse dynamique pour un coût de calcul relativement faible. Les modèles à

un seul nœud glissant peuvent être assemblés en série pour reproduire un modèle

multi-nœuds avec multi-nœuds de discrétisation. Dans le cas de l’effet rideau, les multi-nœuds tendent à se

réunir. Les modèles à un seul nœud glissant étant tous basés sur un élément à 3 nœuds, ils

ne permettent pas de traiter la présence de plusieurs nœuds glissants consécutifs [Erhart,

2012]. Un maillage extrêmement fin, ou un maillage adaptatif doit alors être utilisé pour

contraindre les nœuds glissants à être toujours encadrés par deux nœuds non-glissants.

Cela demande un coût de calcul très important à cause de l’augmentation du nombre de

segments et la diminution de leur dimension qui entraine une augmentation du pas de

temps critique.

Ensuite, la prise en compte du frottement est effectuée de façon rigoureuse. Nous avons

constaté l’influence considérable du frottement sur les résultats des simulations de l’effet

rideau. L’analyse comparative menée section 4.4, ainsi que d’autres travaux impliquant

des câbles glissants [Ju and Choo, 2005, Dupire et al., 2015] démontrent la nécessité de

tenir compte du frottement. Nous avons identifié que les modèles négligeant le frottement

surestiment fortement les déplacements et l’énergie cinétique du système. Appliqués à la

simulation de l’effet rideau, ces modèles fournissent des solutions irréalistes du problème

dynamique, similaires aux résultats obtenus dans les configurations C1 et C3.

Enfin, aucun modèle existant n’est en capacité de reproduire les résultats de la

confi-guration C4, aucune formulation ne permet non plus de reproduire l’ensemble des 4

configurations simulées à l’aide de la formulation proposée. Le modèle de câble glissant

général développé semble s’imposer comme un outil performant, robuste et

particulière-ment adapté à la modélisation des phénomènes complexes de glisseparticulière-ment ayant lieu au

sein des écrans de filets pare-blocs.

4.6 Conclusions

Le modèle de câble glissant développé permet une analyse dynamique d’un système

multi-nœuds tenant compte du frottement et permettant l’emploi de nombreuses lois

de comportement du câble. Les développements proposés élargissent le champ de

nom-breux travaux existants à l’aide d’une formulation unique et compacte. Celle-ci permet

la modélisation dynamique de systèmes de câbles glissants non-linéaires complexes.

Les développements analytiques originaux, ainsi que les considérations numériques

sont présentés. La formulation et la résolution des équations de glissement sous contrainte

de conservation de la longueur neutre sont détaillées. Des expressions analytiques de la

méthode de Newton-Raphson sont développées et permettent la résolution efficace des

équations de glissement tout en assurant le respect de la contrainte de conservation. Le

modèle développé et son implémentation numérique sont validés à l’aide d’un mécanisme

constitué de deux éléments glissants le long d’un câble inextensible. Les résultats issus

des simulations numériques présentent un excellent accord avec les résultats analytiques.

Le phénomène d’effet rideau est simulé à l’aide du modèle de câble glissant développé.

Une étude paramétrique sur l’influence de la discrétisation du câble et du coefficient de

frottement est menée et démontre la pertinence et la robustesse du modèle et de son

implémentation. La comparaison avec les modèles existants dans la littérature a mis

en avant les avantages de la formulation proposée, à savoir : la généralité, l’exactitude

physique et les performances de calcul.

Validation du modèle générique par

simulations numériques du

comportement d’ouvrages réels

5.1 Introduction

L’outil de modélisation générique développé et présenté au chapitre 2, utilisé avec les

modèles de nappes de filets à anneaux à 4 contacts et de câble glissant spécifiquement

développés et respectivement présentés chapitres 3 et 4, est employé afin de simuler le

comportement d’ouvrages réels. L’objectif de ce chapitre est de confronter les simulations

numériques aux essais réels de façon à quantifier le potentiel de la modélisation et à

en définir les limites. L’analyse du comportement des ouvrages sous impacts ne sera

donc pas détaillée car ce n’est pas l’objet de ce chapitre. Cette démarche de validation

des modélisations est menée sur 2 types d’ouvrages distincts, l’écran CAN E et l’écran

C2ROP, soumis chacun à différents essais en vraie grandeur instrumentés. Il est important

de noter que les écrans sont modélisés conformément aux plans et aux notices de montage

fournis par le fabricant et non comme ils ont été réellement montés lors des différents

essais. Ceci est effectué dans le but de tester la robustesse et la capacité prédictive du

modèle et des simulations dans un cas réel.