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Les études réalisées à partir de la cellule prototype ont démontré l’importance de dis- poser d’une modélisation précise de l’ensemble des mesures. Les volumes de détection ne jouant pas le rôle de calorimètres parfaits, les zones mortes et la géométrie doivent être modélisées de façon réaliste pour reproduire les probabilités de fuite et donc les formes cor- rectes des distributions. La modélisation de celles-ci impacte directement l’établissement de l’échelle énergétique absolue et les efficacités de coupures réalisées sur ces observables. La simulation Monte Carlo du détecteur Stereo a été développée à partir de celle

de Double Chooz [52], elle-même basée sur une extension de Geant4 [95] adaptée aux

techniques de détections d’antineutrinos dans du liquide scintillant, GenericLANDG4sim

(pour Generic Liquid-scintillator Anti-Neutrino Detector Geant4 simulation) [96]. L’en-

semble du processus de détection y est simulé, des différentes interactions électromagné- tiques et hadroniques à la description détaillée des photomultiplicateurs en passant par les processus de génération de photons optiques de scintillation et le traitement des neutrons de basse énergie. Les propriétés des liquides scintillants (longueur d’atténuation, rende- ments lumineux...) ont été ajustées spécifiquement à partir de mesures de caractérisation des liquides de Stereo. Cette simulation a été enrichie dans le cadre de cette thèse sur deux aspects : la description précise de la géométrie du détecteur interne et la mise en place d’un modèle effectif décrivant les parois réfléchissantes.

3.2.1

Géométrie du détecteur interne

Acryliques Les études réalisées sur le prototype ont démontré l’importance de la

description précise de la géométrie du détecteur. Nous avons donc implémenté, à partir des dessins techniques du détecteur, l’ensemble des acryliques constituant la cible et la

couronne externe, visibles sur la figure 3.6. Une attention particulière a été portée aux

détails aux niveau des bordures, où des cales et des languettes contenant des feuilles réfléchissantes permettent les jonctions optiques aux niveau des joints de colle des parois.

Sources de calibration Les géométries précises des capsules scellées contenant les

sources de calibration et des tubes placés aux centres des volumes ont également été définies. Pour faciliter aux utilisateurs la simulation des mesures de calibration, nous avons implémenté un générateur permettant le déploiement des sources d’étalonnage à différentes hauteurs dans les tubes de calibration, reproduisant fidèlement les conditions expérimentales.

3.2.2

Modèle optique des parois

Le modèle optique des parois a été implémenté sous la forme d’une surface unique,

encodant les propriétés des parois réfléchissantes présentées au2.4.1du chapitre précédent

et simplifiant ainsi la définition de la géométrie. L’idée étant de disposer d’une flexibi- lité suffisante pour pouvoir définir l’ensemble des processus optiques sur la surface, nous

(a) (b)

Figure 3.6 – Figure (a) : photographie de l’intérieur de l’aquarium en acrylique, destiné à contenir le liquide cible, pendant le montage du détecteur. Figure (b) : aperçu d’un détail de la géométrie implémentée dans la simulation de Stereo

avons choisi une implémentation définissant le coefficient de réflexion R en fonction de la longueur d’onde et de l’angle d’incidence. Ainsi, celle-ci peut être spécialisée afin de reproduire le comportement de la paroi réfléchissante selon

Rnominal(θ, λ) =

(

1, pour θ > θc

Rairmeas(λ), pour θ < θc

(3.1)

où θc = arcsin(nair/nacry) ' 42◦ est l’angle critique pour la réflexion totale à l’inter- face acrylique-air. La première condition décrit donc cette réflexion totale, tandis que la deuxième représente la réflexion sur le film ESR dans l’air, dont l’évolution en fonction

de la longueur d’onde incidente Rairmeas(λ) a été mesurée au CEA Saclay. Sur la gamme

de longueur d’onde d’émission des liquides de Stereo (voir Fig. 2.12b), Rairmeas(λ) est

principalement caractérisé par deux régimes distincts :

Rairmeas(λ)' (

0.10, pour λ . 400 nm

0.97, pour λ & 400 nm (3.2)

Une deuxième interface a été définie pour modéliser les languettes de feuillets réflé- chissants ayant été ajoutées sur les bordures parois en acrylique au niveau des joints de colle. Au niveau de ces surfaces, les feuilles sont directement immergées dans le liquide et perdent leur qualité hautement réfléchissantes. Au vu des surfaces concernées, une des-

cription fine du modèle a, à priori, peu d’impact et un modèle simplifié Rimmergé(θ, λ) a

donc été adopté en introduisant un angle de coupure θmax ∼ 60˚ au delà duquel, dans

un liquide, les feuilles deviennent transparentes à la lumière. En deçà de cet angle, les propriétés sont supposées ne pas être affectées.

3.2.3

Premières validations

Mesures détecteur vide Avant le remplissage du détecteur, des acquisitions avec des

diodes ont été réalisées. Elles ont permis de tester le bon fonctionnement de l’électronique et des photomultiplicateurs et ont été exploitées pour établir les premières confrontations avec la simulation. Les 36 diodes fixées aux parois en acrylique permettent de sonder tout le détecteur, de la cible à la couronne externe. La lumière bleue (450nm) est émise de façon isotrope grâce à un diffuseur.

Ces mesures dans l’air permettent de tester le modèle effectif des parois et le transport optique uniquement. Nous nous sommes concentrée sur l’étude des fuites de lumières d’une cellule à l’autre. Celles-ci sont le reflet de la géométrie d’une part, par le biais des interstices en bordure des parois réfléchissantes qui ont été reproduites dans la simulation, et des transmissions et réflexions des parois, d’autre part.

Environ 80 % de la lumière totale est collectée dans la cellule éclairée, tandis que∼ 5 %

de la charge est collectée par les PMTs de chaque cellule voisine. Le modèle (3.1) reproduit

correctement les données lorsque la totalité de la composante non réfléchie est transmise :

T = (1− R) ⇔ A = 0 (3.3)

Cependant, dans ce cas, les fuites vers la couronne externe, de l’ordre de 1.5 % dans les données, sont surestimées par la simulation. L’ajout d’une composante d’absorption par la surface permet de pallier à ce problème, le meilleur ajustement conduisant à

T(θ, λ) = 1

3(1− R) ⇔ A =

2

3(1− R) (3.4)

Inévitablement, cela dégrade le bon accord obtenu pour les fuites entre cellules, et une solution ad hoc consistant à réduire légèrement les dimensions des parois réfléchissantes s’est avéré être un bon compromis décrivant l’ensemble des données simultanément.

L’inhomogénéité de collection de charge entre les positions hautes et basses de l’émis-

sion de lumière est de l’ordre de ± 2 % seulement ; les multiples réflexions aux interfaces

air-acrylique peuvent expliquer que cet effet soit atténué par rapport à ce qui a été observé sur la cellule prototype, dans le liquide. A l’instar des études sur prototype, la simulation

surestime cette inhomogénéité de réponse à ± 4 %.

Mesures en conditions nominales Dès le détecteur rempli, des acquisitions similaires

avec les diodes ont été réalisées. Ces mesures incluent désormais les effets d’atténuation

liés aux liquides. Les fuites entre cellules restent de l’ordre de ∼ 5 %. Les inhomogénéités

de collection de lumière augmentent légèrement, et l’ordre de grandeur de ± 4 % déjà

observé sur la cellule prototype est retrouvé.

La figure 3.7 présente le profil de collection de lumière, PMT par PMT pour une de

ces acquisitions réalisée le jour de la mise en fonctionnement du détecteur. Ce profil est confronté à celui obtenu par la simulation optimisée avec les mesures dans le détecteur vide. La forme du profil simulé est remarquablement fidèle à celle des données, et les fuites

vers les premiers voisins sont reproduites à ∼ 30% près en relatif. Les fuites vers la cou- ronne externe sont cette fois-ci sous-estimées par la simulation, et invitent à reconsidérer

l’utilisation de la simplification 3.3 pour les conditions nominales.

Ces premiers résultats montrent que la géométrie et les modèles optiques mis en place dans la simulation permettent de modéliser de façon satisfaisante les profils de collection de lumière dans le détecteur au premier ordre. Les déviations résiduelles relèvent d’effets locaux (inhomogénéité spatiales) ou de description à l’échelle du pourcent des composantes transmises et absorbées pour les parois. Nous avons vu que leur ajustement précis peut conduire à l’établissement de modèles effectifs, qui ne reflètent pas forcément exactement la réalité physique connue. Cependant, leur introduction est cruciale pour décrire au mieux les données, et vont s’avérer indispensables dans les conditions expérimentales difficiles rencontrées en phase I. Données Simulation #PM [] 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 4 − 10 3 − 10 2 − 10 1 − 10 1 Qtot (PM) / Qtot (cell, LED)

Cell. 1 Cell. 2 Cell. 3 Cell. 4 Cell. 5 Cell. 6 GC, IN20 GC, arrière GC, D19 GC, avant

(a) 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 0.8 − 0.4 − 0 0.4 0.8 (Données - Simu) / Données #PM [] -23 % -68 % -34 % 280 % 96 % 140 % 190 % (b)

Figure 3.7 – Figure (a) : profil de collection de lumière d’une acquisition avec diodes réalisée le jour de la mise en fonctionnement du détecteur. Les diodes émettent de la lumière dans les cellules 1 et 6 simultanément. Sur la figure supérieure sont tracées, PMT par PMT, les charges collectées normalisées à la charge collectée dans les cellules illuminées, en rouge pour les données et en bleu pour la simulation. Les PMTs de la cible sont numérotés de 0 à 23, ceux de la couronne externe de 24 à 47. La différence relative entre données et simulation figure dans le bloc (b), en gris. Les nombres indiqués correspondent à la déviation observée pour un bloc.

3.2.4

Évolutions et modèle effectif

L’infiltration de liquide scintillant à l’intérieur des parois réfléchissantes observée en

phase I (voir Fig. 2.17) a naturellement contraint à une adaptation des modèles implé-

mentés, qui doivent désormais permettre de simuler des fuites de 10 % à 30 %. Afin de reproduire à la fois l’amplitude de ces fuites et les disparités observées entre cellules, un

modèle effectif défini comme une combinaison des surfaces définies au 3.2.2 est introduit

pour chaque paroi réfléchissante

Reffectif(θ, λ) = (1− p) × Rnominal(θ, λ) + p× Rimmergé(θ, λ) (3.5)

où le paramètre libre p pondère l’importance de chaque modèle. Il peut être interprété comme un pourcentage de dégradation de la paroi. Pour p = 0, la réflexion n’est pas affectée par les fuites et les conditions nominales sont utilisées. Pour p = 1, le liquide a totalement rempli la paroi.

Pour les conditions de la phase I, l’impact du modèle Rimmergé(θ, λ) devient alors

important. Néanmoins, l’absence de mesures fiables des propriétés des parois immergées oblige à utiliser une approximation, sur la base de la première version mais avec deux

angles de coupures, θ1max ∼ 65˚et θ2max∼ 80˚, rendant la coupure moins nette. La version

simplifiée (3.3) pour laquelle la composante complémentaire de la réflexion est totalement

transmise a été adoptée. Pour chaque paroi, la valeur de p a été ajustée de façon à reproduire les valeurs de fuites observées dans les données une fois stabilisées à 1 % près

[97]. Ces valeurs couvrent tout l’intervalle [0,1] en phase I, et ont été estimées à nouveau

pour la phase II.

Les effets d’inhomogénéité dans le volume n’étant toujours pas reproduits correctement dans la simulation, la longueur d’atténuation a alors été artificiellement augmentée en

phase I afin de reproduire les déviations de ± 4 % [98]. L’accord ainsi obtenu est présenté

sur la figure3.8a. Enfin, le rendement lumineux peut être ajusté, permettant de reproduire

les distributions de charges, comme présenté sur l’exemple de la figure 3.8b.

Basée au départ sur des considérations physiques, l’implémentation des propriétés optiques a donc évolué vers un modèle effectif, incluant l’effet des dégradations observées, et un bon accord global a été obtenu.

Néanmoins, c’est un ajustement au premier ordre uniquement ne prenant pas en compte les évolutions observées. La section qui suit présente brièvement la stratégie choi- sie par la collaboration pour s’en accommoder et pour atteindre une précision de l’ordre de 1 % sur l’échelle en énergie malgré ces conditions difficiles.

100 200 300 400 500 600 700 800 4 − 2 − 0 2 4 Hauteur de la source [mm] Déviation relative [ %] Données Simulation (a) 50 100 150 200 250 0 4 8 12 16 20 3 10 ×

Charge déposée dans la cellule [ p.e. ]

Coups [ / 4 p.e. ]

Données Simulation

(b)

Figure 3.8 – Déviation de la charge collectée mesurée avec une source de 54Mn en

fonction de la hauteur de déploiement de la source par rapport à la position centrale dans la cellule 6, pour les données, en rouge, et pour la simulation, en noir.

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