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Simulations sur la perceptibilité des lettres

2.1 Simulation A01 : Effet de supériorité des mots

Le but de cette première simulation est de reproduire l’effet classique de supériorité du mot. Pour cela, nous avons choisi de simuler la seconde expérience de Johnston (1978). Les principes et les résultats de cette étude sont classiquement cités comme représentatifs de l’effet de supériorité du mot (Grainger & Jacobs, 1994 ; Johnston & McClelland, 1980 ; Jordan & Bevan, 1994, 1996 ; Paap et al., 1982).

2.1.1 Expérience comportementale : Johnston (1978, expérience 2)

Dans cette expérience, Johnston (1978) compare les performances en identification de lettre dans trois conditions différentes de contexte : la lettre est présentée dans un mot, la lettre est présentée dans un non-mot et la lettre est présentée isolée. L’auteur s’attend à obtenir de meilleures performances d’identification dans la condition mot que dans les conditions non-mot et lettre isolée.

Matériel et procédure Les items sont constitués de 4 lettres. Pour former les stimuli mot , Johnston (1978) crée 4 groupes de 18 paires de mots, un groupe pour chaque position de la lettre à rappeler (ou lettre cible). Par exemple, les mots LAST et LOST ont comme contexte commun L_ST , et la lettre cible est en position 2. Lorsque le stimulus est une lettre unique, Johnston (1978) reprend les lettres cibles des mots sélectionnés et garde la même position. Dans notre exemple, _A__ et _O__. Enfin les non-mots sont construits à partir des mots en gardant la lettre cible et en mélangeant les lettres du contexte. Par exemple, quand la lettre cible est en position deux, LAST -SATL (cas voyelle) et SHOW -OHSW (cas consonne). Pour s’assurer que les non-mots ne ressemblent pas à des mots, les contextes sont intervertis. Ce qui donne finalement : LAST -OASW et SHOW -SHTL.

Les stimuli sont présentés aux participants pour une durée adaptée à chacun (en moyenne 38 ms). Un masquage est réalisé avant et immédiatement après la présentation du stimulus. A l’issue de cette présentation, les participants sont invités à énoncer les lettres formant le stimulus, dans l’ordre, le plus rapidement possible (limite de 4 s). Enfin, ils doivent regarder en dehors du tachistoscope pour répondre à une tâche de choix forcé à 2 alternatives. Le rythme de présentation des stimuli est sous le contrôle des participants.

Résultats comportementaux Le résultat majeur de cette expérience est un effet massif du contexte. Les lettres sont mieux reconnues en contexte mot qu’en contexte lettre isolée et mieux reconnues en contexte mot qu’en contexte non-mot . L’effet est significatif tant par items que par sujets. Par ailleurs, les lettres sont significativement mieux reconnues lorsqu’elles sont présentées en contexte lettre isolée qu’en contexte non-mot .

2.1.2 BRAID : Simulation A01

Durant la phase de présentation du stimulus, l’activité du niveau lexical du modèle, représen-tée par la distribution sur Wt, devrait rapidement se concentrer sur l’item correspondant au mot présenté. Lors de la phase d’identification de la lettre, cette activité lexicale devrait alors contraindre fortement le choix de la lettre cible, même si la distribution sur Pt

n n’a pas encore piqué 8.

Matériel et procédure Les mots utilisés pour réaliser ces simulations sont ceux proposés par Johnston (1978) à l’exception des mots: DISK , JILL et PENT qui ne figurent pas dans le lexique BLP utilisé dans BRAID . Pour la condition mot, nous avons utilisé tous les mots regroupés en fonction de la position de la lettre cible. Pour la condition lettre isolée, nous avons utilisé la lettre cible des mots, en respectant leur position durant la présentation. Enfin pour

8Même si BRAID est un modèle déterministe, la complexité des interactions de ses différents composants rend difficile l’anticipation des résultats produits. C’est pourquoi nous formulons nos attentes sous la forme d’hypothèses. Cependant, cette formulation, que l’on retrouve dans toutes les simulations, ne reflète que notre prudence à l’égard des prédictions que nous formulons sur les résultats retournés par le modèle, et n’est en aucune façon comparable aux hypothèses formulées dans les expériences comportementales.

Mot Non-mot Lettre isolée 0 50 100 150 200 250 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 iterations Probabilité d 'identification de lettre Data BRAID

Mot Non-mot Lettre isolée

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 Contexte Probabilité d 'identification de lettre

Figure 5.1 – Simulation A01, Johnston (1978), expérience 2, effet de supériorité du mot. À gauche, simulation du décours temporel de la reconnaissance de lettre pour les trois conditions de contexte. En pointillés rouges, l’itération à laquelle sont extraits les résultats qui sont comparés aux données expérimentales. À droite, présentation des données comportemen-tales (en jaune) et des résultats des simulations (en bleu), pour chacune des trois conditions de contexte (mot , non-mot et lettre isolée).

les non-mots, l’article n’en donnant pas la liste, nous avons utilisé la méthode décrite dans l’article pour construire nos propres non-mots 9. exemple : mot - LAST , lettre isolée - _A__ et non-mot - OASW .

Nous avons simulé une tâche d’identification de lettre, en suivant la méthodologie décrite dans la section 1 de ce chapitre. Les paramètres utilisés sont les paramètres par défaut du modèle.

Résultats des simulations Les résultats présentés ont été obtenus après 62 itérations, ce qui correspond à un alignement des performances de BRAID et des participants dans la condition mot . Les résultats prédits par le modèle sont ceux des conditions lettre isolée et non-mot . Les résultats des simulations sont présentés dans la Figure 5.1. Les profils de simulations (Figure 5.1, à droite) montrent un effet massif du contexte [F (2,542) = 913,7, p < 0,001, η2 = 0,771]. Une analyse post-hoc par la méthode de Bonferroni montre que les lettres sont mieux reconnues dans le contexte mot que dans le contexte lettre isolée, [t(542) = 28,73, p < 0,001]. Elles sont également mieux reconnues dans le contexte mot que dans le contexte non-mot [t(542) = 32,51, p < 0,001]. Enfin, elles sont mieux reconnues dans le contexte lettre isolée sur la condition non-mot [t(542) = −12,71, p < 0,001]. De plus, les courbes de décours temporel (Figure 5.1, à gauche) nous apprennent que par comparaison aux lettres isolées, l’avantage du contexte mot était présent dès 43 itérations et continue d’augmenter jusqu’à environ 100 itérations, puis se réduit jusqu’à disparaître à 500 itérations10. L’avantage du contexte mot par rapport au contexte non-mot est par contre observé pour toutes les itérations à partir de la 35ème. Conclusion Les simulations obtenues à l’itération choisie correspondent aux principaux ré-sultats expérimentaux de l’étude de Johnston (1978), en reproduisant l’effet de supériorité du mot par rapport aux deux autres contextes ainsi que l’effet de supériorité des lettres isolées sur les non-mots. Une explication à ce résultat est que les bénéfices produits au niveau lexical par

9L’ensemble du matériel utilisé dans les simulations présentées se trouve en annexe. Le matériel de chaque simulation est classé suivant le numéro de la simulation dans laquelle il est utilisé.

10Même si nous ne montrons que les 250 premières itérations dans les figures de ce chapitre, l’essentiel de nos simulations a été réalisé sur 500 itérations.

les lettres du contexte dans la condition non-mot ne suffisent pas à compenser l’effet délétère des interférences latérales sur la lettre cible, à l’itération retenue.