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Gecas et Schwalbe (1983) estiment que l'expérience d'efficacité repose sur la signification associée aux actes posés par les individus. Quoique cette signification se produise uniquement au niveau phénoménologique, elle ne peut être expliquée seulement à ce niveau. Selon ces auteurs, ses origines "socio- structurelles" doivent aussi être abordées afin de mieux comprendre la nature du lien entre l'estime de soi fondée sur les actions efficaces et l'environnement.

La signification de l'action doit être analysée sous deux dimensions afin d'en saisir l'importance dans le processus de formation de l'estime de soi fondée sur le sentiment d'efficacité:

La dimension dite "subjective" implique la perception du "Soi-en-tant- que-cause". L'expérience doit être décodée par l'individu de façon à ce qu'il se perçoive en tant que source de l'action. Il faut que la personne retire de l'acte posé un sentiment d'efficacité afin d'en nourrir l'estime de soi. Selon Bandura (I982), l'estime de soi n'est pas avivée par les succès obtenus mais bien par la perception qu'ont les individus de leur succès. Cet auteur estime que les individus ne décodent pas toujours adéquatement les informations sur soi:

"Judgment of self-efficacy from enactive information is an inferential process in which the relative contribution of personal and situational factors must be weighted and integrated. (...) self-perceptions of efficacy may exceed, match or rem ain below enactive attainments depending on how they are appraised." (p. 124).

Bandura (I98I; cité dans Gecas et Schwalbe, I983) soutient que le traitem ent cognitif des informations reliées à l'efficacité dépend des types de signaux que les individus apprennent à utiliser en tant qu'indicateurs de l’efficacité personnelle ainsi que des normes déduites em ployées afin d'intégrer les informations d'efficacité provenant de sources diverses. Gecas et Schwalbe (1983) considèrent que ces signaux, baromètres et normes déduites font partie des schèmes d'attributions, qui donnent une signification à l'action. Cette signification peut soutenir ou saper l'expérience d'efficacité.

La deuxième dimension, dite "objective", de la signification de l'action repose sur les disparités dans la valorisation des contextes d'action dans l'imaginaire socio-culturel. Gecas et Schwalbe (1983) soutiennent qu'à la notion de hiérarchie de rôles correspond une hiérachie de contextes d'actions en termes d'importance des apports potentiels à l'estime de soi fondée sur le sentiment de compétence. Leur argumentation repose sur l'analyse des systèmes de croyances qui appuient les rapports de dom ination et de subordination. La fonction idéologique de ces systèmes de croyances consiste, selon ces auteurs, en la légitim ation de la structure inégalitaire de récom penses fondée sur la dévalorisation systématique de certains contextes d'action. Dans la mesure où un individu adhérerait à ces conceptions reliées au statut socio-professionnel, on peut présumer que les actions compétentes accomplies n'auraient pas toutes la même valeur quant à leur contribution à l'estime de soi. Ainsi, l'individu qui performe dans des contextes sous-évalués en retirerait moins de satisfaction que s'il avait agi dans le cadre de contextes socialement mieux cotés.

On pourrait appliquer ce qui précède au contexte dans lequel évolue la serveuse de bar: non seulem ent le traitem ent qui lui est réservé est caractéristique de son statut socio-professionnel dévalorisé (dont les stéréotypes

constituent, en quelque sorte, la justification) mais parallèlement, l'adhésion de la serveuse aux conceptions qui fondent la structure inégalitaire des récompenses réduirait ses possibilités de retirer de la fierté du travail accompli.

Par ailleurs, Gecas et Schwalbe (1983) nuancent leur propos en précisant que même dans de tels contextes de travail, les individus ont le pouvoir de restructurer la signification de l'action de telle sorte que les actes posés soient de nature à rehausser l'estime de soi fondée sur le sentiment d'efficacité.

Ainsi dans la mesure où les com paraisons sociales s'avèrent particulièrem ent importantes pour l'estime de soi, Gecas et Schwalbe (1983) soulignent que les individus ont davantage tendance à se comparer avec des personnes qui évoluent dans des contextes similaires plutôt qu'avec des gens qui agissent dans des contextes différents. Il semble donc que les comparaisons intracontextes comportent plus de conséquences pour l'estime de soi que les comparaisons intercontextes. Cette façon de se comparer peut être imputée aux réactions découlant des inégalités de statut afin de préserver l'estime de soi.

Gecas et Schwalbe (1983) résument ainsi leur conception de l'influence de l'environnem ent social sur la signification phénoménologique de l'action: d'une part, les signaux, normes inférées et indicateurs utilisés par les individus afin d'attribuer des actions à eux-mêmes ou à des facteurs externes seraient, en partie, le fruit de la socialisation; d'autre part, la valeur accordée aux contextes d'actions est le résultat de l'influence émanant des structures sociales. Cependant l'individu n'est pas obligatoirement soumis à cette influence; il peut filtrer les informations provenant de son environnement et y réagir de telle sorte qu'il puisse en retirer des sentiments de compétence, d'efficacité et de maîtrise propres à rehausser l'estime de soi.

Ce mécanisme de sélection de l'information pourrait toutefois être mis à l'épreuve selon l'occurrence de situations où les conséquences des actions accomplies ne correspondent pas aux attentes des individus, ou échappent à leur contrôle et invalident ainsi leur sentiment de maîtrise. Nous verrons comment les

conséquences inattendues des actes accomplis peuvent engendrer une baisse du niveau habituel d'estime de soi des individus.

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