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Le rôle des attributions dans la relation entre l'environnement socio-professionnel et le niveau habituel d'estime de soi : le cas des serveuses de bar

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Academic year: 2021

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LE ROLE DES ATTRIBUTIQjN.S-DANS LA.RELA.TlQN E N IB E L'ENVIRONNEMENT SOCIO-PROFESSIONNEL ET LE NIVEAU HABITUEL D'ESTIME DE SOI : LE CAS DES SERVEUSES DE BAR

MEMOIRE PRESENTE

A L’ECOLE DES GRADUES DE L’UNIVERSITE LAVAL

POUR L'OBTENTION

DU GRADE DE MAITRE ES ARTS (M.A.)

PAR

LUCIE BLAIS

D E C E M B R E 1988

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TITRE: Le rôle des attributions dans la relation entre l'environnement socio­ professionnel et le niveau habituel d'estime de soi: le cas des serveuses de bar.

Afin d'accroître notre compréhension du lien entre les caractéristiques de l'environnement socio-professionnel des serveuses de bar et l'estime de soi de ces dernières, nous nous sommes attardée à l'étude de l'influence des attributions sur le niveau habituel d'estime de soi.

L'examen de la littérature révèle la coexistence de deux positions thé oriq ue s divergentes chez les auteurs consultés: pour certains, la perception des stimuli en provenance de l'environnement influence le niveau habituel d'estime de soi; d'autres auteurs soutiennent, par contre, que le niveau habituel d'estime de soi filtre la perception de ces stimuli. La réflexion amorcée sur ce thème nous permet de dégager une hypothèse susceptible de réduire cette apparente contradiction.

Mme Pauline Fahmy (Directrice de recherche)

Lucie Biais (Etudiante)

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Sincères rem erciem ents à Mme Pauline Fahmy, professeure au département de counseling et orientation de l'Université Laval, qui, par ses conseils judicieux, ses critiques constructives, sa grande disponibilité et ... sa patience, m'a encouragée à poursuivre cette démarche jusqu'en son terme.

Au fonds FCAR pour l'aide et le soutien à la recherche dont la bourse d'études a permis la réalisation de mon projet de maîtrise.

Merci aux copines ainsi qu’aux anciennes collègues d'étude et de travail dont les propos, lors de discussions , "petits cafés" et "soupers entre amies" mémorables, ont été une source constante d'inspiration et de remise en question.

J'aimerais enfin exprimer ma gratitude à André pour sa complicité, son humour et son sang froid...

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Résumé_____________________________________________________________ Avant-Propos________________________________________________________ i Table des matières___________________________________________________ ii Introduction_________________________________________________________ 1

page

CHAPITRE I: CARACTERISTIQUES DU ROLE PROFESSIONNEL DE

LA SERVEUSE DE BAR______________________________________________ 4

1.1 Serveuse de bar: un rôle fron tière__________________________________6 1.2 Traits caractéristiques du conflit personne-rôle______________________ 7 1.3 Conflits de territoire_______________________________________________ 8 1.4 Conflits entre les solliciteurs de service____________________________10 1.5 Conflits liés aux rivalités entre clients_____________________________ 12 1.6 Le statut de subordonné dans les organisations

de services______________________________________________________ 13 1.7 Confusion des rôles_____________________________________________ 17 1.8 Le stéréotype: reflet de la dévalorisation de

l'occupation___________________________________________________ 20

CHAPITRE II: L’ESTIME DE SOI ET L'ENVIRONNEMENT

SOCIO-PROFESSIONNEL ________ 24

2.1 L'estime de soi__________________________________________________ 25 2.2 L'estime de soi et le rôle professionnel______________________________ 26 2.3 Dimensions sociales et phénoménologiques du

développement de l'estime de soi__________________________________ 28 2.4 Contexte de l'action______________________________________________29 2.5 Signification de l'action__________________________________________ 32 2.6 Le sentiment de maîtrise et les conséquences

inattendues de l'action 35

CHAPITRE III: LES ATTRIBUTIONS DANS U \ RELATION ENTRE

L'ENVIRONNEMENT SOCIO-PROFESSIONNEL ET L'ESTIME DE SOI 39

3.1 Considérations générales sur les attributions________________________ 40 3.2 Moments propices à l'émission d'attributions________________________ 41 3.3 Déterminants des attributions_____________________________________ 43 3.4 Conséquences inattendues des actions et attributions________________ 44 3.5 Taxinomie d'Abram son__________________________________________ 45 3.6 Perception et attributions__________________________________________54

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Annexe B: Article de Monsieur Paul Roy (La Presse, 20 juin 87)

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Le thèm e de la qualité de vie au travail semble avoir suscité beaucoup d'intérêt auprès des chercheurs au cours des dernières décennies. Nous déplorons, toutefois, l'insuffisance du nombre de recherches qui se sont attardées aux problèmes particuliers des femmes exerçant une occupation dont le statut socio-économique est relativement bas.

Dans cette catégorie, la situation des serveuses de bar retient pa rticulière m en t l'attention, non seulem ent en raison des caractéristiques inhérentes à leur rôle (notamment leur statut de subordonné en regard à la clientèle), caractéristiques qu'elles partagent avec d'autres travailleurs (Shamir, 1980), mais surtout de par la dimension particulière de la confusion entre leurs rôles occupationnel et sexuel, confusion qui conditionne, dans une large mesure, leur statut et que les stéréotypes illustrent dans l'imagerie populaire (Rocheblave- Spenlé, 1969; Kapp Howe, 1978).

Rocheblave-Spenlé (1969) soutient que certains rôles professionnels renferment des conditions propices à la production de déficits dans l'estime de soi des titulaires de ces rôles. Compte tenu des particularités que nous venons de mentionner, il nous apparaît vraisemblable, du moins à première vue, de présumer que le rôle de la serveuse appartient à cette catégorie. Cependant, notre expérience de travail en tant que serveuse ainsi que les propos recueillis auprès de nos consoeurs de travail nous ont permis d'observer que les serveuses ne réagissent pas de la même façon à ces aspects potentiellement problématiques de leur travail. Certaines n'y voient pas d'inconvénients majeurs alors que d'autres sont incapables de s'y adapter. Ce constat nous amène à nous interroger sur l'éventualité que les caractéristiques inhérentes à la situation professionnelle des serveuses de bar, quoique virtuellement préjudiciables pour l'estime de soi des titulaires de ces rôles, ne soient pas, pour autant, suffisantes à la production de tels déficits.

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La relation entre le rôle professionnel et l'estime de soi du titulaire du rôle a été abordée par plusieurs auteurs qui ont soutenu, sur ce sujet, des positions diverses. Ainsi Tharenou (1979) relève dans la littérature deux points de vue divergents concernant la stabilité du niveau habituel d'estime de soi des adultes.

Pour certains auteurs, (Cohn, 1978; Kasl et Cobb, 1970; cités dans Tharenou, I979), le niveau habituel d'estime de soi forme un trait de personnalité relativem ent stable, établi depuis la fin de l'adolescence, que seuls des changements majeurs intervenant dans le vécu des personnes (tels un divorce ou une perte d'emploi) peuvent modifier. Dans cette optique, les événements qui surgissent dans l'environnement occupationnel doivent se révéler traumatisants pour être susceptibles d'altérer l'estime de soi.

D’autres auteurs soutiennent que le niveau habituel d'estime de soi des adultes peut être affecté par des événements non traumatisants en eux- mêmes, mais répétitifs (Gergen, 1971; W ells et Marwell, 1976; cités dans Tharenou, I979). Par exemple, l'exposition constante à des stimuli tels que l'évaluation d'autrui, la comparaison sociale avec d'autres, le niveau d'acceptation des autres à son endroit, le recours d'autrui à la persuasion ainsi que des événements impliquant le succès ou l'échec peuvent créer des occasions propices à l'altération du niveau d'estime de soi des adultes (Argrysis, I964; Hall, I97I; Work in America, I973; cités dans Tharenou, I979).

Tharenou précise qu'il n'existe pas de conflit entre ces deux points de vue en ce qui concerne les personnes jouissant d'un niveau élevé d'estime de soi, mais pour celles dont l'estime de soi est faible, ces deux tendances représentent des processus opposés.

Cette divergence théorique pose donc un problème fondamental dans l'analyse de la relation entre l'estime de soi et le rôle professionnel. L'estime de soi représente-t-elle une entité relativem ent malléable susceptible d'être constamment affectée par les stimuli provenant de l'environnement occupationnel? Doit-on plutôt considérer l'estime de soi comme une caractéristique personnelle

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stable qui a la propriété de filtrer la perception des informations en provenance de l'environnement afin de maintenir une certaine cohésion avec les représentations déjà existantes, et que seuls des traumatismes importants sont en mesure d'altérer par le concours d'un mécanisme voisin de la dissonance cognitive?

Sans prétendre être en mesure de trancher définitivem ent cette question, il nous semble opportun de considérer la relation entre l'estime de soi et le rôle professionnel en nous attardant quelque peu sur les dimensions sociales et phénoménologiques du développement de l'estime de soi. Ainsi, nous verrons comment le sentiment de maîtrise (ou contrôle perçu sur son environnement) pourrait s'avérer un élément essentiel au maintien d'une forte estime de soi. Or, ce sentiment de maîtrise peut être altéré par l'avènement de situations qui échappent au contrôle de l'individu. Postulant que l'environnem ent occupationnel de la serveuse est fertile en incidents de nature à ébranler son sentiment de maîtrise, il nous apparaît pertinent de nous pencher sur la relation entre l'interprétation personnelle de tels événements (attributions) et ses conséquences sur l'estime de

Il s'agit donc ici de s'attarder à la relation entre les attributions et l'estime de soi en référence aux informations en provenance de l'environnement. Pour ce faire, nous décrirons, dans un prem ier temps, les particularités de l'environnem ent professionnel de la serveuse de bar susceptibles d'engendrer, croyons-nous, des situations suffisamment problématiques pour entraîner des déficits dans l'estime de soi.

Par la suite, nous nous attacherons plus étroitement à l'analyse de l'estime de soi en relation avec le rôle professionnnel, notamment par l'étude de l'influence du contexte et de la signification de l'action sur le sentiment de maîtrise de l'individu sur son environnement. Nous verrons, de plus, comment le sentiment de maîtrise pourrait être altéré par les conséquences inattendues de l'action.

Nous exam inerons, enfin, à l'aide de la taxinom ie élaborée par Abramson et al. (1978), l'impact sur l'estime de soi des attributions émises par l'individu lorsque les actes posés ne produisent pas les résultats escomptés.

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CHAPITRE I

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Les bars sont des com m erces où l'on vend aux clients une atmosphère agréable favorisant la détente et les rencontres sociales tout en les incitant à la consommation de boissons alcoolisées. Les serveuses jouent, en ces lieux, un rôle d'interm édiaire entre l'entreprise et les clients. En constante interaction avec ceux-ci, elles contribuent à créer une ambiance de détente tout en favorisant les ventes. On pourrait affirmer, à la limite, qu'elles doivent faire oublier, tout en lui perm ettant de s'accom plir, la vocation m ercantile de ce type d'organisation. Spradley et Mann (1979) décrivent ainsi cette ambiance:

«La vie sociale dans un bar entraîne notamment de fréquentes interactions entre les gens, le plus souvent entre des hommes et des femmes. Il y règne habituellement une atmosphère de détente et de sympathie qui permet aux gens de s’exprimer sans avoir à tenir compte des contraintes qu'impose la vie quotidienne. Mais de tels comportements laissent aussi filtrer ces valeurs profondément enfouies dont

on parle rarement, qui fondent l'ordre social.»

(p.10).

On ne peut décrire l'environnement occupationnel des bars sans observer au passage la coexistence des fonctions de travail et de détente, celle des mondes formels et informels. On ne peut, non plus, passer sous silence le fait que l'alcool agit comme un catalyseur en faisant sauter les inhibitions laissant entrevoir ainsi ce qui se cache sous le vernis d ’au moins une partie des protagonistes. Dans cette optique, on pourrait affirmer que, dans le cadre de leur travail, les serveuses se retrouvent parfois aux premières loges de ce que Balzac a si justement nommé «La Comédie Humaine».

Parmi les articles consacrés aux p a rticularité s inhérentes à l'environnement occupationnel de service, celui de Boas Shamir (I980) a retenu particulièrement notre attention parce que l'auteur y traite de façon fort intéressante des caractéristiques potentiellement génératrices de conflits dans les emplois subordonnés de service. Nous nous sommes inspirée principalement de cet article pour analyser la situation des serveuses de bar. Par ailleurs, nous comptons

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utiliser les observations de Rocheblave-Spenlé (1964 et 1969) afin d’accroître notre compréhension des phénomènes relatifs à la confusion des rôles et aux stéréotypes. Nous entendons ainsi dégager les cara ctéristiq ue s du rôle potentiellement génératrices de déficits dans l'estime de soi.

Nous tenons cependant à signaler que l'énumération des aspects problématiques reliés aux rôles de service n'a pas pour dessein d'occulter les éléments positifs (et valorisants) liés aux fonctions qui en relèvent, mais bien d'illustrer l'objet de nos préoccupations.

1.1. S e r v e u s e d e bar: u n rôle frontière.

Selon Thompson (I962; cité dans Shamir I980), les rôles frontières relient l'organisation à l'environnement par l'entremise de l'interaction entre un membre de l'organisation (en l'occurrence la serveuse) et un non membre. Le conflit est créé par les attentes et les pressions dirigées sur le titulaire du rôle («focal person»): attentes et pressions en provenance non seulem ent de l’organisation mais aussi de sources situées à l'extérieur de l'organisation (clients). Ceci place le titulaire du rôle dans une situation particulièrement difficile parce que, d'une part, il existe un conflit d’intérêt potentiel entre ces deux sources et que, d'autre part, la capacité de l'acteur à contrôler et à manipuler les attentes et les pressions provenant de l'extérieur de l'organisation est souvent plus limitée que son habileté à maîtriser et à influencer les attentes et les pressions provenant de l'organisation (Adams I976; cité dans Shamir I980).

Les organisations de services comme les bars (où les serveuses occupent un rôle frontière entre l'entreprise et les clients) comportent, selon Shamir(1980), deux caractéristiques principales:

1) Contrairem ent à d'autres types d'organisations (tels que les

hôpitaux et les écoles), on ne trouve dans ces lieux ni mission ni intention de changer ou de modeler le comportement du client. Les employés de ce type d'organisation ne sont pas considérés comme des experts ou des professionnels, c'est à dire qu'ils n'ont pas d'habiletés "ésotériques" reconnues.

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2) La participation des clients aux activités qui y sont offertes s'effectue sur une base volontaire; ils n'ont pas à utiliser les services mis à leur

disposition mais doivent être motivés à le faire.

1.2. Traits caractéristiques d u conflit personne-rôle.

Toujours sur la sellette, la serveuse peut éprouver des difficultés dans la "m aîtrise" des impressions (garder la face) dans des situations diverses et parfois délicates. Ainsi, lorsqu'un incident se produit, c'est toujours au vu et au su de tous, ce qui peut se révéler parfois très humiliant.

Dans un même ordre d'idée, Shamir (I980) attire notre attention sur les facteurs les plus susceptibles d'entraîner des tiraillements entre les impératifs du rôle de la serveuse et les besoins, valeurs, sentiments de la personne derrière le "masque". On peut les résumer ainsi:

1. On s'attend généralement à ce que la serveuse crée l'impression qu'elle a du plaisir à bien exécuter son rôle. L'expression la plus manifeste de cette attente consiste en l'exigence concernant le sourire.

Il semble exister une règle implicite, dans le milieu des bars, liée à une des principales fonctions de la serveuse (créer un climat de détente); elle consiste à susciter l'impression que tout va pour le mieux. On peut observer, dans ce contexte, qu'une perturbation dans la cadence du service ou qu'un «incident» impliquant serveuse et clients est souvent imputé, dans le milieu, à un manque d'habileté de la serveuse à maîtriser la situation.

2. L'apparence physique constitue un autre élément du conflit entre d'une part, les exigences du rôle et, d'autre part, les attitudes et les sentiments personnels de l'acteur. Dans le cas de la serveuse, on peut songer au costume imposé par l'établissement (ou, en son absence, aux remarques quant à la façon de se vêtir), au port de bijoux, parfums, etc., à la façon de se coiffer, de se maquiller, à la silhouette (poids, particularités physiques) qui peuvent faire l'objet de contraintes ou de commentaires désobligeants.

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3. Les exigences envers les titulaires du rôle de service peuvent aussi s'étendre à d'autres aspects des relations interpersonnelles. Ainsi, l'amorce et la

conclusion de l'interaction constituent d'autres facteurs de conflits. Contrairement à la plupart des relations où les deux protagonistes ont le droit et la capacité de décider de leur participation à l'interaction, dans les rôles de service, en raison de la position de subordonné du titulaire du rôle et de son "exposition" dans l'exercice de ce rôle, le droit de déterminer le début et la fin de l'interaction est un privilège qui appartient principalem ent au client. Non seulem ent cet aspect important échappe-t-il à la maîtrise du titulaire du rôle de service, mais, de plus, la nature de la relation ainsi que le degré d'intimité peuvent aussi être déterminés, dans la plupart des cas, par le client, qui a la possibilité de faire fi des souhaits, tendances, attractions et répulsions de son vis-à-vis. Les clients jouissent de la prérogative, que leur confère leur statut plus élevé, d'augm enter ou de réduire le degré d'intimité (Mehrabian, 1971; cité dans Shamir, 1980). Dans un même ordre d'idée, Shamir (1980) souligne que ce type de prérogatives est couramment utilisé lorsque le client est un homme et la personne qui le sert, une femme. Or Goffmann (1973a) rappelle que:

«(...) pour les personnes qui exercent des activités de service, l'accomplissement correct de leur tâche dépend souvent de leur aptitude à prendre et à garder l'initiative dans la relation de service; aptitude qui exige une subtile agressivité de la part de l'employé quand il est d'un statut socio-économique inférieur à celui de son client." (p. 19).

Dans la mesure où, comme le prétend cet auteur, il est plus facile de déterminer au début de la rencontre la nature de l'interaction plutôt que de la modifier en cours de route, on comprendra que cette prérogative, appropriée par les clients, constitue une source de tension pour la serveuse laquelle, pour accomplir une performance satisfaisante, se doit d'exercer une certaine maîtrise dans l'interaction, mais ne dispose pas pour autant des moyens nécessaires pour ce faire.

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4. Il existe un conflit inhérent à la divergence qui existe entre les caractéristiques du rôle de subordonné dans les relations de service et les valeurs

d'égalité qui se retrouvent dans la société. Cette divergence peut provoquer un conflit entre les exigences qui s'instaurent dans un rapport de subordination et l'image de soi du titulaire du rôle de service. A cet égard, plus les valeurs personnelles sont différentes des valeurs attendues au travail, plus cette situation risque d'être vécue de façon pénible par le titulaire du rôle.

1.3 Conflits d e territoire.

Selon certains auteurs, le genre humain peut être considéré, dans un certain sens, comme une espèce territoriale. Les humains retirent de leur territoire de nets avantages psychologiques tels qu'un sentiment d'identité et un surplus de pouvoir et d'énergie (Ardrey, I967; Scheflen, I976; cités dans Shamir, I980). Cette territorialité s’exprime dans plusieurs secteurs de l'activité humaine, y compris celui du travail. Les travailleurs tendent à développer un sentiment de propriété concernant leur lieu de travail, à marquer des frontières sur leur territoire de travail, à se sentir en sécurité à l'intérieur de ces frontières et à craindre d'avoir à les franchir.

Pour Shamir, si nous acceptons cette hypothèse relative à la territorialité humaine en regard du lien entre une personne et son lieu de travail ainsi que la présomption que le fait d'être dans le territoire d'un autre peut causer un certain stress, nous devons alors reconnaître la possibilité d'un autre conflit inhérent aux rôles subordonnés de service. Ce conflit est le produit des ambiguïtés territoriales où le dispensateur de services et les clients revendiquent la propriété du territoire sur lequel l'interaction prend place. Il en est ainsi, par exemple, des serveuses qui considèrent leur lieu de travail comme leur territoire ce qui leur procure les avantages psychologiques mentionnés plus haut. Cependant les clients peuvent considérer ce même territoire temporairement comme étant le leur (Argyle, I975; cité dans Shamir) parce qu'ils ont besoin de ce sentiment de propriété afin de se sentir détendus et en sécurité.

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Or, selon Goffman (I973b), " I l c o n v i e n t d e n o t e r u n t r a i t g é n é r a l c o m m u n à c e s d i v e r s e s f o r m e s d e l a t e r r i t o r i a l i t é : l e u r v a r i a b i l i t é s o c i a l e m e n t d é t e r m i n é e . ” (p.54). Il relie la dimension du territoire occupé par les individus à leur

statut. " E n g é n é r a l , p l u s l e r a n g e s t é l e v é , p l u s l e s t e r r i t o i r e s d u m o i s o n t v a s t e s e t p l u s l e c o n t r ô l e d e l e u r a c c è s e s t s t r i c t . " (p.5'4). Afin de faire respecter l'intégralité

de son territoire, une personne peut utiliser " d e s m a r q u e u r s f r o n t i è r e s , o b j e t s q u i m a r q u e n t l a l i g n e q u i s é p a r e d e u x t e r r i t o i r e s a d j a c e n t s . " {p.55). En ce qui concerne

l'environnement occupationnel de la serveuse, ces marqueurs frontières sont les pots d'olives et de cerises, les bâtonnets et les serviettes, les rangées de verres etc... qui servent parfois à délimiter le territoire où elles doivent s'installer pour passer les commandes au barman et les payer. Cette frontière n'étant pas toujours comprise ou respectée des clients, on assiste parfois, en ces endroits, à une lutte obstinée, lutte dont les serveuses et les clients sont les protagonistes. L'enjeu de cette lutte est le sentiment rassurant et valorisant d'avoir, en ce qui concerne les serveuses, un endroit strictement réservé, un lieu à soi, et pour les clients celui d'être partout chez soi en ce lieu.

1.4. Conflits entre les solliciteurs d e service (clients/emploveurs).

Ce conflit est caractéristique d'une situation dans laquelle les attentes des clients concernant un rôle de service sont opposées aux attentes exprimées par les patrons. De tels conflits peuvent être créés par des exigences et politiques incom p atib les, des requêtes co n flictu e lle s ainsi que par des standards d'évaluation parfois inconciliables (Rizzo et al., I970; cité dans Shamir, I980).

-L’organisation vs le client ou le dilemme de la subordination à deux patrons.,

Le type de tiraillement probablement le plus marquant dans les rôles de service consiste en l'opposition entre les exigences dirigées sur le titulaire du rôle par son em ployeur sous la forme des politiques, règlements, directives et instructions verbales des superviseurs et les besoins exprimés par les clients.

Ce type de conflit est particulièrem ent pénible dans les rôles subordonnés de service, rôles où le statut du client est sensiblement plus élevé

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que celui du titulaire du rôle, lequel se trouve par ailleurs aux prises avec une situation où il a à répondre à des attentes conflictuelles provenant de deux patrons différents. Ainsi la serveuse en interaction avec le client doit parfois intervenir afin de faire respecter les politiques établies par le bar, sans disposer de l'autorité nécessaire pour le faire.

Selon Shamir (I980) on retrouve certaines situations dans lesquelles le conflit entre les exigences du patron et les besoins des clients semble encore plus difficile à vivre pour la serveuse. Il en va ainsi dans toutes les circonstances où, sans pouvoir l’exprimer, la serveuse trouve fort légitimes les revendications du clients: par exemple, lorsqu'elle a à appliquer des règlements ou des directives de l'entreprise qui sont "contre" le client. Une serveuse peut comprendre que le client n'a pas le goût de consommer tout de suite (il lui arrive aussi d'être cliente!) mais elle doit appliquer à ce propos une directive qui n'est pas toujours populaire.

Ce type de situation se révèle encore plus problématique dans la mesure où les clients ont un moyen de contrôle direct ou indirect sur la personne qui dispense le service. Un des moyens de contrôle les plus communs sur les occupants de rôles de service en tant que subordonnés est le pourboire. Dans ce type de rôle où il est normal de recevoir un pourboire et où celui-ci constitue la majeure partie de la rémunération, comme dans le cas des serveuses, le titulaire du rôle doit se soumettre aux demandes conflictuelles de deux patrons, qui ont le pouvoir, tous les deux, de le rémunérer ou non, donc de récompenser ou de sanctionner sa prestation de service.

Shamir (I980) émet l'hypothèse que les conflits entre les exigences des solliciteurs dans les emplois subordonnés de service sont directement liés au contrôle exercé par le client sur la rémunération, ce qui lui permet de sanctionner ou de récompenser le comportement du titulaire du rôle. Le client dispose donc d'un moyen de pression (sanction et récompense) et de contrôle considérable: le pourboire. Tout comme la serveuse n'a pas le pouvoir d'influencer le mode d'interaction avec le client, elle ne peut, non plus, contrôler le pourboire qui est une source appréciable de récompense économique et symbolique (et la majeure partie de son revenu). C ependant, un bon service ne se traduit pas

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nécessairement par un bon pourboire. De plus, les définitions d'un bon service et d'un bon pourboire varient d'un client à l'autre, ce qui n'est pas de nature à alléger la tension vécue par la serveuse.

1.5 Conflits liés a u x rivalités entre clients.

Une autre source potentielle de conflit réside dans les attentes et exigences incom patibles des différents clients. Ce type de conflit intervient généralement dans des situations où des travailleurs ont à dispenser un service simultanément à plus d'un client ou lorsque le service offert à un client l'est en présence des autres clients. Certains de ces conflits résultant des attentes incompatibles entre elles des différents clients peuvent être considérés comme non spécifiques, c'est-à-dire qu'ils sont susceptibles de se produire dans toutes les fonctions de service, (indépendam m ent du type de service offert ou des idiosyncrasies dans les comportements ou la personnalité des clients). Ces conflits non spécifiques sont liés à la variabilité des attentes des différents clients à l'égard de dim ensions importantes dans la définition d'un bon service. Deux de ces dimensions occupent une place de choix en tant que source de conflit:

1. La vitesse du service:

Certains clients aiment être servis le plus rapidement possible tandis que d'autres n'aiment pas être bousculés. La nécessité d'adapter la performance à la cadence qui convient à chaque client (lorsqu'elle peut être devinée) et de changer de rythme avec chaque client peut constituer un problème pour la serveuse. De plus, il n'est pas toujours facile de deviner à quelle cadence un client veut être servi: trop rapidement, il pourrait croire que la serveuse désire pousser la vente, trop lentement, il pourrait se sentir négligé.

2. La spécificité du service:

Certains clients préfèrent un service correct et strictement relié aux fonctions officielles (i.e. un service qu’on pourrait qualifier de poli et d'anonyme). D'autres aiment mieux une reconnaissance personnelle ainsi qu'un certain degré

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de familiarité et d'intimité. Dispenser un service à un client en présence d'autres clients qui ont des conceptions différentes du service peut placer les serveuses dans une situation de conflit.

Par ailleurs, il n'est pas toujours évident que le client désire être servi de la même façon d'une fois à l'autre: un habitué peut apprécier généralement cette marque de familiarité qui consiste à lui apporter sa boisson habituelle sans qu'il ait à la commander, mais il se produit parfois des circonstances où cette

marque de reconnaissance peut le placer dans l'embarras.

S ham ir (I980) soutient que le niveau potentiel de conflit est directement relié au degré de variabilité des caractéristiques des clients: plus la clientèle est variée en terme d'âge, de sexe, d'éducation et de besoins, plus la probabilité de conflits interclients est élevée.

Il en est ainsi lorsque la serveuse travaille dans un bar où l'on ne retrouve que peu d'habitués. La clientèle y est diversifiée et anonyme, le service dispensé trop rapidement pour qu'une interaction signifiante et susceptible de transformer la relation puisse prendre place.

Nous pensons, à l’instar de Shamir (I980), que le niveau de conflit est inversement relié à la permanence des clients: un processus d'ajustement mutuel entre les clients et la serveuse pouvant prendre place avec le temps.

1.6. Le statut d e s u b o r d o n n é d a n s les organisations d e services.

Nous croyons cette dimension cruciale pour notre analyse dans la mesure où nous adhérons à cette allégation de Shérif et Cantril (I947; cité dans Rocheblave-Spenlé, I969):

"non seulement notre jugement d'une personne est affecté par le statut qu'elle occupe mais encore son propre jugement d'elle-même, ce qu'elle pense être, peut être, et est, est souvent déterm iné par les réactions des autres à son égard.» (p.256).

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Le statut occupationnel de service en est un de subordonné relativem ent au client, contrairem ent à la situation rencontrée dans les organisations de services dits "professionnels" (avocat, médecin, professeur, etc.). Le client, dans le cadre de l'interaction, possède un statut plus élevé que celui de la serveuse, il a aussi plus de pouvoir. Ainsi, les clients (et les patrons) s'attendent à ce que la serveuse mette de l'emphase sur son statut de subordonné dans son comportement en rôle. Il est communément assumé dans les bars que le client désire se sentir important et l'on attend de la serveuse qu'elle contribue à ce sentim ent d'im portance: *le client a toujours raison". Ainsi, il va de soi que la serveuse doit appeler le client "Monsieur", la cliente, "Madame", elle le vouvoie (généralement). Les clients peuvent s'adresser à la serveuse par son prénom, lui attribuer un surnom, ou encore l'apostropher en ces termes: "Waitress", "fille", "tss tss", siffler ou claquer des doigts pour l'appeler, etc...(Shamir, I980).

Le statut socio-économique de la serveuse pourrait constituer un autre indice de sa position de faiblesse en comparaison avec la plupart des autres statuts socio-professionnels. Par exemple, le salaire initial de la serveuse de bar se situe en deçà du salaire minimum. Lorsqu'une serveuse se retrouve au chômage, ses prestations sont calculées à partir de ce salaire: en conséquence, l'ex-serveuse doit, pour survivre, s'adresser au Bien-Etre Social, ce qui peut s'avé rer très hum iliant pour les personnes concernées. C ependant, les gourvernem ents provincial et fédéral prélèvent leur impôts sur la base, non seulem ent du salaire in itial, mais aussi des pourboires qu'ils calculent arbitrairement selon un certain pourcentage des ventes (ce procédé implique la collaboration des employeurs). Cette pratique soulève l'indignation des employés d'hôtellerie dont les tentatives visant à sensibiliser les gouvernem ents à la nécessité soit d'imposer le pourboire obligatoire ou bien d'ajuster les prestations de chômage sont restées, jusqu'ici, lettre morte.1

1 Nous avons ajouté en annexe un article de Monsieur Paul Roy, journaliste à La Presse qui fait état de plusieurs problèmes rencontrés par le personnel à pourboires, dont les difficultés économiques et le harcèlement sexuel.

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Rocheblave-Spenlé (1969) cite Carlson (1968) afin d'expliquer le phénomène d'asymétrie des statuts:

«Les rôles les plus chargés en prestige véhiculent les valeurs suprêmes de la société: richesse, succès, c u ltu re , re lig io n . En o u tre , lo rs q u 'il son t fonctionnellement uniques et que beaucoup d'autres positions en dépendent, leur im portance pour le groupe s'en trouve accrue.»

(p194).

Il s'agit, en général, de rôles où le commandement et la puissance qui peuvent s'appliquer aux autres hommes (le rôle de chef), à leur corps (le rôle de médecin), ou au surnaturel (le rôle de sorcier) sont considérés comme prestigieux. Le prestige dépend également de deux autres facteurs: la rareté et l'inaccessibilité du statut ainsi que les aptitudes nécessaires pour jouer le rôle qui s'y rattache (Benett et Tumin, I948; cités dans Rocheblave-Spenlé, I969 ).

A la lumière de ces critères, il n'est pas difficile de réaliser que le statut et le prestige de la serveuse ne sont pas très élevés. Ces femmes n'ont que peu d'autorité et de puissance sur leur semblables, les offres de services sont abondantes par rapport à la demande et les stéréotypes accolés à ces fonctions font croire qu'elles ne demandent que peu d'adresse et peu d'apprentissage, celles-ci étant reliées aux rôles traditionnels (et considérés comme "naturels") des femmes dans la sphère familiale.

Q uoiqu’il existe des écoles d'hôtellerie dispensant la formation requise pour le service des boissons, il est notoire que la plupart des serveuses apprennent leur métier "sur le tas". A première vue, n'importe qui peut exercer cette occupation, aucune aptitude particulière ne semblant exigée.

Par contraste, d'autres professions mieux reconnues socialement, telles que la pharmacie, exigent un certain nombre d'années de formation et tiennent à préserver cette exigence. A ce propos, Goffman (I973a) cite l'exemple de l'armée américaine qui, lors de la seconde guerre mondiale, scandalisait les

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membres établis de cette profession en formant des spécialistes compétents en cinq ou six semaines. Il commente ainsi cette réaction de scandale:

«Ce n'est pas par hasard s’il existe une sorte de "rh étoriq ue de l'a p p re ntissa ge ", au moyen de laquelle les syndicats, les universités, les firmes et d'autres organisations chargées de délivrer brevets, p a te n te s et a u tre s a u to ris a tio n s d 'e x e rc e r, demandent à leurs membres actifs de se soumettre pendant un certain temps à une formation initiatique, en partie pour maintenir un monopole, mais en partie aussi pour donner l'im pression que le praticien diplômé, patenté, est un être que son apprentissage a refaçonné et qui se distingue m aintenant des autres hommes.» (p.50).

Par ailleurs, les disparités de statuts engendrent des différences dans la façon dont nous agissons avec les personnes. Spradley et Mann (I979) décrivent ainsi le traitement que l'on accorde aux personnes qui occupent un statut moins élevé au sein de la société:

«Dans toute société, certains individus possèdent moins de valeu r que d'autres, ce qui donne

naissance à différents systèmes d ’inégalité. Les

gens qui ont un statut inférieur seront susceptibles d'être moins respectés, d'être traités comme des objets plutôt que des personnes. Quand des individus deviennent comme des objets, on peut sans hésitation violer leur intimité, parler d'eux en leur présence, les manipuler et les cantonner dans un lieu précis. Toutes les fois qu'un groupe humain est ainsi transformé en objet, il acquiert une sorte d'invisibilité sociale. Il devra dem eurer à l'arrière- scène dans les situations sociales (...). Lorsqu'une personne est devenue un objet, nous n'avons plus besoin de l'écouter non plus que de lui adresser la parole ou d'en te n ir com pte comme d'un être pleinement responsable et sensible. Cela ne signifie pas que cette personne ne puisse être admirée ou désirée; cela signifie tout sim plem ent qu'elle est quelque chose de moins qu'un être com plet et qu'elle doit se tenir à sa place.»(p.24).

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Goffman (I973a), estime que le rôle de non-personne entraîne habituellement un certain manque d'égards pour celui qui joue ce rôle et le met en position d ’infériorité.

1.7. C o n f u s i o n d e s rôles.

Nous avons vu plus tôt que le service au bar ne semble pas être un emploi qui requiert une longue formation, la plupart des serveuses apprenant leur m étier "sur le tas". On pourrait même affirm er que pour certains patrons l'apparence physique com pte davantage que l'expérience acquise et la compétence. Il est assez rare de rencontrer une serveuse âgée, corpulente ou ne correspondant pas aux critères traditionnels d'acceptabilité appliqués aux femmes sur le plan de l'esthétique ou du comportement. A ce chapitre, on semble encore craindre une éventuelle réaction négative des clients, la serveuse représentant, en quelque sorte, un élément décoratif de l'établissement où elle travaille au même titre que l'ameublement.

C ertaines serveuses sem blent avoir com pris ce phénomène et utilisent à fond la carte "glamour" afin d'augmenter la vente des consommations et les pourboires. Ainsi, un barman de notre connaissance nous a un jour cité en exemple cette serveuse qui portait des shorts roses en satin ultra courts, fendus sur les côtés et qui était très aguichante avec les clients: "Elle avait [affirmait-il] le tour avec les clients, travailler avec elle était très payant." Spradley et Mann (1979) expliquent ainsi ce phénomène:

«Les coutumes et moeurs de chaque culture doivent toujours créer un rôle féminin et un rôle masculin. Mère, co-épouse, fille, standardiste, céram iste, s e c ré ta ire , in firm iè re , c h a q u e fem m e est inévitablem ent façonnée par quelque définition culturellle de la sexualité. Si des changem ents surviennent cela ne signifie pas que l'individu soit libéré des contraintes que lui imposent les rôles masculins ou féminins, mais bien plutôt qu'il sera

d é so rm a is gu idé par de n o u ve lle s norm es

culturelles. Ainsi, les femmes devront non seulement assumer leurs rôles traditionnels et modernes, mais

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elles devront en plus apprendre à jouer ces rôles de façon à ce que les autres puissent les identifier comme féminins. Une société acceptera beaucoup plus fa cile m e n t que les fem m es tien ne nt de nouveaux rôles qu’elle ne leur laissera la liberté d'imprimer un nouveau style à ces rôles. Une femme pourra devenir professeur de lycée, rédactrice en chef, directrice de banque ou joueuse de tennis, mais elle devra encore et toujours se conduire comme une femme.» (p.14).

Cette obligation de s'acquitter de son rôle professionnel en conformité avec son rôle de "genre” est d'autant plus présente dans le cas de la serveuse que son rôle se trouve être, en quelque sorte, une extension du rôle traditionnel de la femme au foyer, dans la mesure où celle-ci est censée servir les autres. Ce rôle accompli gratuitement par la femme au foyer n'a pas de valeur marchande reconnue et est, de ce fait, dévalorisé.

Dans la perspective de l'inévitable trilogie "Vierge-Maman- Putain" on peut présumer que la présence des femmes dans un milieu traditionnellement réservé aux hommes n'en fait, dans l'imaginaire socio-culturel, ni des Vierges (quoiqu'une attitude de vestale soit fort recommandée afin de se faire respecter des clients) ni des Mamans (quoiqu'une attitude de patience et de compréhension toute maternelle s'avère parfois de mise). La serveuse partage par contre une caractéristique commune avec la prostituée: "on" la paie directement (pourboires) pour des services personnels que la femme rend gratuitement au foyer.

Par ailleurs, Rocheblave-Spenlé (I969) explique ainsi le phénomène de la confusion des rôles:

« En général, l'individu pris dans une situation interactionnelle possède d'autres rôles, en plus de celui qui est activé à ce moment précis et ceux-ci contribuent égalem ent à o rien te r sa conduite. C ertains de ces rôles accessoires apparaissent automatiquement au cours de l'interaction tels les rôles d'âges ou de sexe (...) En pratique, ces déviations résultantes d'autres positions de l'acteur, faciles à identifier par autrui, sont attendues par les

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autres membres de l’interaction qui associent les différents rôles perçus dans leurs expectations (sic).» (p. 142).

Ainsi la serveuse assume sim ultaném ent deux statuts -celui de femme et celui de serveuse- dont elle doit tenir compte dans sa façon de se conduire au travail. On peut présumer que pour être validée en tant que "bonne serveuse" la personne qui assume ce rôle doit se conform er non seulement à l'image sociale d'une bonne serveuse mais aussi à celle d'une "vraie femme". Elle devra jouer son rôle en tenant compte des attentes inhérentes à ces modèles.

Rocheblave-Spenlé (1969) reconnaît une certaine correspondance entre les attentes et les stéréotypes:

«Les rôles professionnels com portent avant tout certaines conduites ou tâches qui doivent être assumées par les personnes occupant un statut p ro fe ssio n n e l d é term in é. Mais ils e n tra în e n t égalem ent des traits de caractères particuliers, certains d'entre eux étant objectivement nécessaires pour exercer une profession déterm inée avec succès, d'autres étant sim plem ent attribués au représentant d'un certain rôle professionnel par d'autres groupes. Nous trouvons parmi eux des stéréotypes (...). Quoique partagées par la majorité de la population, ces attentes de rôles subjectives ne correspondent d'ailleurs pas nécessairem ent au consensus objectif, ni au rôle effectivement joué.» (p. 192).

De plus, la relation de service s'inscrit dans un laps de temps très court, ce qui ne permet pas de différencier la personne du rôle. On lui demande seulement de remplir une certaine fonction: toutes les serveuses sont, en ce sens, interchangeables. Comme le dit si bien Sartre (1943):

"Un épicier qui rêve est offensant pour l'acheteur, parce qu'il n'est plus tout à fait un épicier." (p.99).

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L'image qu'on se fait d'une serveuse fonde les attentes quant à la façon dont ce rôle doit être exécuté, colore les perceptions que l’on a de ses comportements en rôle et détermine les réactions à son égard.

1.8. L e stéréotype: reflet d e la dévalorisation d e l'occupation.

Nous empruntons à Rocheblave-Spenlé (I964) cette définition du stéréotype:

"Le stéré otype ap pa raît com m e un jugem ent s'appuyant non sur des faits réels ou sur des opérations logiques de la pensée mais sur des idées préconçues, sur une espèce de cliché mental. C'est une g é n é ra lis a tio n non scie n tifiq u e que les personnes font sur d'autres personnes soit comme personnes soit comme groupe (...)." (p.20).

Cette généralisation remplit selon Badin (1977) deux fonctions importantes. La première de ces fonction est "l'économie de la pensée"(p.48): puisque l'individu n'a pas suffisamment de temps ni d'énergie à accorder à une discrimination complète et intelligente à l'endroit de tout ce qu'il perçoit, il "simplifie le monde externe en y introduisant des catégories"(p.48). Et de fait, les stéréotypes se caractérisent par leur aspect collectif et leur simplification extrême. La deuxième fonction est d'ordre socio-affectif: Badin rappelle que les stéréotypes sont fréquemment liés aux situations de rivalités entre les groupes. Les stéréotypes renforcent la cohésion des groupes, justifient leur statut, assurent la sécurité affective des membres du groupe à l'égard des groupes extérieurs. De plus, les stéréotypes perm ettent de réduire la tension ém otionnellle qui résulte de la "concurrence réelle, virtuelle ou supposée d'un autre groupe"(p.49). Cette utilité des stéréotypes expliquent leur persistance même dans les cas où ils sont manifestement en contradiction avec la réalité.

Rocheblave-Spenlé (1964), pour sa part, note que les stéréotypes fournissent un "schéma d'interprétation"(p.22), un prisme, à travers lequel tous les comportements sont perçus et rattachés à des causes congruentes avec les idées

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"déjà reçues" (le stéréotype constitue un moule interprétatif rigide et préconçu). Ces causes fournissent une explication rassurante au groupe extérieur: ex. "/a serveuse s'est trom pée sur cette commande parce qu'elle est stupide comme toutes les serveuses".

«Ce schème d'interprétation est dû, moins à la conduite effective des membres du groupe qu'à des généralisations non rationnnelles des personnes extérieures, dérivant du préjugé, d 'a ntip athies primitives apprises souvent dans le groupe familial. Le stéréotype enlève au membre isolé du groupe tout cara ctère in dividu el et le fait apparaître uniquem ent comme le représentant du type. Ce processus de d é p e rson na lisa tion de l'individu permet d'ailleurs à l'hostilité du groupe extérieur de se déverser sur lui sans culpabilité.» (p.22).

Les stéréotypes relatifs à l'endroit de la serveuse témoignent, à la fois, du faible statut accolé à cette occupation et de la confusion des rôles occupationnels et sexuels (elle est prise à partie en tant que serveuse et tant que femme). Ils déterminent même dans une certaine mesure les caractéristiques de son environnem ent occupationnel ainsi que ses conditions de travail (port du costume, attitude des clients). Ces phénomènes échappent, en partie, au contrôle de la serveuse qui peut choisir en revanche de se conformer aux attentes et à l’image que l'on a d'elle soit afin d'être validée en tant que bonne serveuse, soit parce qu'elle ne perçoit pas ou ne perçoit plus de différences entre son image d'elle-même et celle véhiculée par son occupation.

Nous avons vu précédem m ent que les stéréotypes sont des simplifications, des caricatures. Et, comme toutes caricatures, ils comportent aussi leur part de vérité et leur part d'exagération. Rocheblave-Spenlé (I964) rend compte de la difficulté de décortiquer cet amalgame:

«Il est particulièrement difficile de déterm iner quel traits figurant dans les stéréotypes ont un fondement réel, de séparer les conduites qui figurent dans l'opinion d'autrui de celles effectivement manifestées par les individus ou des comportements socialement prescrits. Ces trois aspects ne sont pas totalement

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indépendants, les opinions des individus même déform ées par les préjugés reflètent égalem ent certains aspects de la réalité, en outre, les conduites ré e lle s pe uve nt fin ir par se c o n fo rm e r aux stéréotypes.» (p.24).

Reprenons l'exemple de cette serveuse qui travaille en shorts de satin rose ramenant ainsi de gros pourboires au barman: nous pouvons penser qu'elle a peut-être choisi de jouer le jeu du stéréotype en se conformant aux attentes et pressions dirigées vers elle afin d'éviter les sanctions et d’accroître les récom penses. Cette stratégie im plique cependant certa ins risques que Rocheblave-Spenlé (1969) relie au phénomène d'identification au rô\e:”rindividu qui cherche constamment à s'adapter aux expectations (sic) d'autrui ne saura pas se distancier intérieurement de ces attitudes induites.” (p.259). Il est rare, selon elle, que les personnes assument les rôles sociaux ”à la manière d'un automate” sans s'y impliquer quelque peu. " C'est pourquoi l'exercice d'un certain rôle exerce

une influence sur la personnalité et finit souvent p a r la m od ifie r.” (p.259).

R ocheblave-S penlé souligne, en outre, que lorsque la personne apprend

certaines conduites et assimile les attentes des autres, ces attentes finissent par faire partie de la personnalité "en vertu d'un processus voisin de l'identification.” (p.259).

Par ailleurs, puisque les attitudes d'autrui à notre égard peuvent influencer notre propre réaction face à nous-mêmes, on pourrait s'attendre à ce que les stéréotypes, en ce qu'ils colorent les perceptions et les attitudes des autres à notre endroit, constituent un facteur important de dévalorisation personnelle.

La description des particularités virtuellement problématiques pour l'estime de soi du rôle de serveuse de bar nous renvoie à cette question fondamentale de l'influence du rôle sur la personnalité du titulaire. Toutefois, on ne saurait réduire l'argumentation concernant l'impact des caractéristiques d'un rôle donné sur l'estime de soi à la seule énumération des particularités problématiques de ce rôle. S'en tenir à ce type de relation de cause à effet, équivaudrait à affirmer que l'individu est un être passif, perméable à toutes influences et sans recours dans son interaction avec son environnement. En définitive, cette position revient à

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nier la capacité humaine d'interpréter son environnement de façon à préserver son image de soi, et ce, même dans les conditions les plus difficiles.

A ce propos, Rosenberg (1979), prétend que l'in divid u est constamment en processus de réaction et d'adaptation aux événements sociaux et personnels qui constituent son expérience et que ce processus est au service de son propre système de motivation. Afin de préserver son image, il utilise divers moyens de sélection de l'information.

L'analyse de la relation entre le rôle professionnnel et l'estime de soi ne saurait éluder cette faculté d'interprétation sélective de l'environnement. Nous croyons cependant que les caractéristiques de certains rôles tels que celui de la serveuse de bar mettent à rude épreuve cette faculté notamment par les exigences de maîtrise des impressions et de contrôle des interactions sans le bénéfice de conditions propices à de telles performances.

De plus, le travail de la serveuse de bar est plutôt marqué par la dévalorisation au sein de notre imaginaire social. Celui-ci reflète la faible valeur accordée au statut de la serveuse de bar et influence, dans une certaine mesure, ses conditions de travail. Tout comme dans le cas des serveuses de restaurant, on peut prétendre, à l'instar de Kapp Howe (1978), que la dévalorisation de la profession est telle que beaucoup de ces femmes hésitent à se définir comme serveuse à l'extérieur de la situation de travail.

Ainsi les conflits inhérents au travail se doublent d'une vision socialement dévalorisée de la serveuse. Cette situation déborde du milieu de travail proprement dit puisque, même à l'extérieur de celui-ci, l'image négative accolée à cette profession produit comme résultat que certaines serveuses préfèrent oublier ce rôle à faible statut pour en mettre d'autres de l'avant (ex. étudiante, peintre, voire chercheuse d'emploi plus "intéressant"). Ces phénomènes nous amènent à nous interroger plus spécifiquement sur la nature du lien entre le rôle professionnel et l'estime de soi.

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CHAPITRE II:

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Nous avons exposé précédem m ent les pa rticularités du rôle professionnel de la serveuse de bar qui, croyons-nous, sont virtuellem ent dommageables pour l'estime de soi de celle-ci. Nous avons, par ailleurs rappelé que la présence de caractéristiques problématiques dans un environnement socio­ professionnel donné ne nous permettent pas, à elles seules, de prédire, de façon concluante, un impact négatif sur le niveau habituel d'estime de soi du titulaire du rôle.

Afin de comprendre dans quelle mesure et sous quelles conditions les caractéristiques de l'environnement socio-professionnel pourraient exercer ou non une influence sur le niveau habituel d'estime de soi, il nous semble opportun d'approfondir ici ce qu'est l'estime de soi et les dimensions multiples que revêt sa relation avec l'environnement.

2.1. L ’estime d e soi.

Tharenou (1979) définit l'estime de soi comme une évaluation que les individus font et maintiennent habituellement en regard de leur soi: elle exprime une attitude d'approbation ou de désapprobation et indique dans quelle mesure l'individu croit le soi capable, significatif, digne de valeur et de succès. Cette évaluation ou jugem ent de soi peuvent être aussi désignés par les expressions "acceptation de soi", "confiance en soi", "respect de soi", "satisfaction de soi", "valeur de soi", "sentiment de compétence", "congruence avec le soi idéal". La distinction entre les termes "estime de soi" et "concept de soi" repose sur le fait que ce dernier est utilisé pour nommer l'ensemble des perceptions conscientes que l'on a de soi plutôt que l'évaluation de ces perceptions (estime de soi).

L'estime de soi, tout comme le concept de soi, ne forment pas des entités statiques puisqu'ils tirent leur source du vécu humain. L'Ecuyer (I978) note "qu'entre vingt et soixante ans non seulement le concept de soi évolue, mais il peut être l'objet de reformulations périodiques." (p.153). Parmi les événements ou

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stimuli pouvant exercer une influence sur la perception et l'évaluation par un individu de ses caractéristiques personnelles, L’Ecuyer distingue:

«l'adaptation initiale à la profession ou au métier choisi; la variation du sentiment d'adéquation ou de com pétence en fonction du degré de succès ou

d'insuccès dans son tra va il; le statut socio-

économ ique; la culture; les rôles joués dans la société; le sexe des personnes concernées, etc.» (p.153).

2.2. L'estime d e soi et le rôle professionnel.

Les propos de L'Ecuyer que nous venons de citer trouvent leur confirmation dans une recherche menée par Mortimer et Lorence (1979) dont les résultats appuient "a generalization model o f the socializing effects o f work such that occupational activities and demands continously influence the developping p e rs o n a lity ." (p.320). Une analyse plus poussée de ces résultats révèle que l'estime de soi est reliée au statut socio-économique, à l'autonomie exercée dans le travail et au stress occupationnel.

Les conclusions d'une revue de littérature menée par Tharenou (1979) nous fournissent d'autres précisions sur le sujet. Ainsi, il apparaît que le niveau habituel d'estime de soi est aussi susceptible d'exercer une influence sur le choix d'une occupation. Une fois au travail, la personne jouissant d'une haute estime d'elle-même serait plus habile à influencer le niveau d'autonomie rattaché au travail, que la personne qui a une faible estime de soi.

Cependant, il semblerait que les caractéristiques intrinsèques de l'emploi (niveau d'habiletés requis, variété des tâches, défi, intérêt, autonomie, etc) influencent davantage le niveau habituel d'estime de soi de l'employé qu'elles ne sont affectées par lui. De plus, les caractéristiques intrinsèques énumérées précédemment ainsi que la clarté du rôle et l'absence de surcharge de travail sont positivement associées à l'estime de soi, en général, et plus particulièrement au sentiment de compétence. L'estime de soi fondée sur le sentiment de compétence constitue la meilleure prédiction de la performance au travail. Toutefois, Tharenou

(32)

n'a pas trouvé dans la littérature d'indications permettant d'appuyer le corollaire de cette affirm ation, à savoir, que la performance rehausse nécessairem ent le sentiment de compétence. Il semblerait enfin que la relation entre l'estime de soi et les facteurs inhérents à l'environnement professionnel soit tributaire du niveau d'implication personnelle dans le travail.

Les résultats de recherches rapportés par Mortimer et Lorence (1979) concernant la relation entre l'estime de soi et le statut socio-économique semblent en contradiction avec les données exposées par Shamir (1986). En effet, à la suite d'analyses longitudinales et intersectionnelles d'un échantillonnage composé d'hommes et de femmes jouissant d’un niveau élevé de scolarité ainsi que de plusieurs années d'expérience, Shamir a constaté que l'estime de soi n'est pas liée au statut de l'emploi exercé ni affectée par des changements de statut (ex. période de chômage). Bien que nous puissions nous interroger sur la relation entre le type d'échantillonnage utilisé et les résultats obtenus, ces résultats semblent indiquer, tout au moins, qu'on ne peut établir de correspondance claire entre l'estime de soi et le statut socio-professionnel. Il nous apparaît pertinent ici de considérer ces résultats de recherches selon la perspective qu'im pose la divergence théorique (rapportée dans notre introduction) concernant la relation entre l'estime de soi et le rôle professionnel.

Pour certains chercheurs tels que Korman, 1970 ou Ziller, 1973 (cités dans Shamir, 1986), le niveau habituel d'estime de soi est un trait de personnalité relativement stable qui filtre la perception des informations en provenance de l'environnem ent. Ainsi, les contingences stim uli-réponses sont assujetties au niveau habituel d'estime de soi, de façon à maintenir une certaine cohérence avec les représentations déjà existantes.

L'autre point de vue, soutenu par Gergen, 1978; Well et Marwell, 1976 (cités dans Shamir, 1986) stipule que le niveau d'estime de soi peut être altéré par des facteurs tels que l'évaluation des autres et les comparaisons sociales avec les autres. Cette dernière position semble appuyée par les résultats des recherches de Mortimer et Lorence (1979). Cependant, d'autres chercheurs, dont Shamir (1986), rendent compte de résultats qui appuient davantage la

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conception de l’estime de soi en tant qu'élément médiateur de la perception des stimuli en provenance de l'environnement.

Ces observations, plutôt contradictoires et ambiguës, reflètent la com plexité de la relation entre l'estime de soi et le rôle professionnel. Nous croyons donc opportun d'élargir notre compréhension de la nature de ce lien, en nous attardant, plus précisément, à la description que font Gecas et Schwalbe (1983) des p a rticu la rité s régissant le rapport entre l'estim e de soi et l'environnement.

2-3. D i m e n s i o n s sociales et p h é n o m é n o l o g i q u e s d u __ d é v e l o p p e m e n t d e l’estime d e soi.

G e ca s et S ch w a lb e (I983) p ré s e n te n t une c o n c e p tio n particulièrement éclairante du développement de l'estime de soi, selon laquelle, l'être humain apprécie ses caractéristiques personnelles non seulement à partir de ses perceptions de l'opinion des autres à son endroit, mais aussi par le truchement des conséquences des actions autonomes et efficaces accomplies et attribuées à soi-même en tant qu'agent dans son environnement (sentiment de maîtrise). Les conséquences de ces actions fondent les connaissances qu'un individu retire de son environnement et plus particulièrement sur lui-même.

Frank et Marola (1976; cités dans Gecas et Schwalbe, 1983) octroient un caractère "interne" à l'estime de soi fondée sur des actions efficaces et un caractère "externe" à l'estime de soi basée sur les perceptions qu'ont les individus des opinions des autres à leur endroit.

L'estime de soi "interne" proviendrait des conséquences des efforts individuels sur l'environnement. Elle se gagnerait par des actions compétentes accomplies par l'individu. La récompense (être fier de soi) est ici tirée de l'action elle-même plutôt que de son appéciation par un "autrui significatif".1 Toutefois, les individus n'ont pas les mêmes opportunités d'expérim enter les sentiments de compétence et

1 Nous utilisons l'expression "autrui significatif" afin de traduire le terme "relevant other" employé par les auteurs anglophones et pour lequel nous n"avons pas trouvé d'expression plus appropriée en français. Cet "autrui significatif" peut être une personne de l'entourage ou un modèle.

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d'efficacité sur lesquels se fonde l'estime de soi "interne". En effet, Gecas et Schwalbe (1983) affirment que cette source d'estime de soi est tributaire de la nature des contextes sociaux dans lesquels les individus agissent.

2.4. C o n t e x t e d e l'action.

Les individus ne jouissent pas des mêmes opportunités de retirer des sentiments de maîtrise et de compétence des actes accomplis. Gecas et Schwalbe (1983) proposent trois critères permettant l'analyse des contextes dans l'optique de déterminer s'ils sont de nature à aviver l'estime de soi fondée sur le sentiment d'efficacité. Ces critères sont:

1) le degré de contrainte de l'autonomie individuelle; 2) le degré de contrôle qu'un individu peut exercer;

3) les ressources (matérielles et symboliques) disponibles à l'individu afin qu'il puisse s'engager dans la production préméditée de résultats ainsi que les capacités individuelles à mobiliser ces ressources (le pouvoir).

Les deux premières conditions permettent la sélection et la poursuite des objectifs désirés alors que la dernière rend possible la réalisation de ces buts.

Lukes (I973; cité dans Gecas et Schwalbe, I983) considère qu'un individu est autonome lorsqu'il est libre de promouvoir la satisfaction de ses propres désirs sans être l'objet ou l'instrument de la volonté d'autrui. Par ailleurs,

Blauner (I964; cité dans Gecas et Schwalbe, I983) identifie deux aspects

importants reliés à la notion de contrôle dans le monde du travail: "Control over the use o f one's time and physical movement, and freedom from hierarchical authority." (P-81 )•

Il nous apparaît important d'analyser sous cet éclairage le contexte occupationnel où évolue la serveuse de bar. Parmi les caractéristiques principales dégagées du chapitre précédent, mentionnons celles découlant de sa fonction d'intermédiaire entre l'entreprise et la clientèle: les contacts fréquents avec des personnes qui ne font pas partie de l'organisation, un degré élevé d'exposition à toutes formes de sollicitation et les attentes parfois contradictoires de deux types de solliciteurs qui jouissent, tous deux, de prérogatives de sanctions et de

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