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IV. Résultats et discussion 75 

IV.1 Les assemblages phytolithiques produits par les Poaceae 75 

IV.1.2 Signification écologique des sous-familles/tribus de Poaceae 78 

J’ai cherché à savoir s’il était réellement pertinent, compte-tenu des objectifs de ce mémoire, de travailler à l’échelle des sous-familles/tribus de Poaceae pour améliorer la résolution environnementale des GSSCs. En effet, la plupart des études environnementales menées jusqu’ici en Afrique tropicale ont associé les tendances écologiques générales des sous familles de Poaceae à leur schéma simplifié de production en GSSCs pour interpréter le signal des assemblages de GSSCs retrouvés dans les sols (Alexandre et al., 1997; Barboni et al., 1999; Bremond et al., 2004; Bremond et al., 2008b). Les relations principalement invoquées pour tracer les environnements tropicaux de basse altitude sont les suivantes : les Panicoideae produisent principalement des GSSCs de type lobé (bilobés et croix) et apparaissent majoritairement distribuées dans les environnements tropicaux humides de basses altitudes, tandis que les Chloridoideae produisent principalement des GSSCs de type selle et apparaissent majoritairement distribuées dans les environnements tropicaux secs de basses

79 altitudes (Twiss, 1992). L’indice d’aridité Iph, qui permet de différencier les grands ensembles climatiques (sahélien et soudanien) retrouvés en Afrique de l’Ouest, est notamment inspiré de ces observations générales (Diester-Haass et al., 1973; Alexandre et al., 1997; Bremond et al., 2004). Même si ce schéma général est juste, il reste limité car il n’intègre pas l’ensemble des sous-familles observées à basses altitudes (e.g. Aristidoideae, Ehrhartoideae), et parce qu’il ne tient pas compte des espèces « exceptionnelles » qui s’écartent du schéma général théorique énoncé précédemment, soit en terme écologique, soit en terme de production en GSSCs.

Notamment, lorsque j’ai examiné le jeu d’espèces de Poaceae dont je disposais, j’ai constaté qu’il n’existait pas de correspondance stricte entre la taxonomie et l’écologie des Poaceae, sauf dans le cas de quelques sous-familles telles que les Aristidoideae qui semblent confinées aux milieux secs (6/6 espèces xérophytiques), et les Ehrhartoideae qui apparaissent confinées aux milieux aquatiques/marécageux (4/4 espèces hydro-/hélophytiques) (Figure IV-2, p.79).

Figure IV-2 Percentages of helophytic/hydrophytic (He/Hy) (aquatic), mesophytic (Me), and xerophytic (Xe) grass species in the different grass subfamilies (and tribes) studied. N: number of species. This representation only includes the 94 grass species yielding phytoliths on their leaves. There is no strict correspondence between the taxonomy and ecology of Poaceae, with the exception of some subfamilies such as Aristidoideae that seem confined to dry environments (6/6 xerophytic species), and Ehrhartoideae that are confined to aquatic environments (4/4 hydro-/helophytic species). This lack of correspondence mostly concerns the Panicoideae and Chloridoideae subfamilies. These subfamilies are largely widespread in tropical African environments of low- elevation (Poilecot, 1999, César and Lebrun, 2003; Schmidt and al., 2011). Moreover, we note that the taxonomy-ecology relationship is not better on the scale of Panicoideae and Chloridoideae tribes.

80 Ce manque de correspondance stricte entre sous-famille et habitat s’observe principalement chez les deux sous-familles de Poaceae les plus représentées en Afrique subsaharienne, à savoir les Panicoideae et les Chloridoideae (Poilecot, 1999; César and Lebrun, 2003; Schmidt et al., 2011). Ainsi, si la majorité des espèces de Panicoideae étudiées sont à affinité hydro-/hélophytique ou mésophytique (~81%), une part non négligeable d’espèces est à tendance xérophytique (~19%). Cette hétérogénéité est plus forte encore au sein des Chloridoideae étudiées puisque ~48% des espèces sont à affinité xérophytique, contre ~26% à affinité mésophytique, et 26% à affinité hydro-/hélophytique. De plus, la relation écologie-taxonomie n’apparaît pas meilleure à l’échelle des tribus de Panicoideae et Chloridoideae. Ainsi, par exemple, la tribu des Andropogoneae étudiée rassemble 28% d’espèces hydrophytiques/ hélophytiques, 56% d’espèces mésophytiques, et 16% d’espèces xérophytiques.

Parallèlement, lorsque j’ai regardé les productions en « rondels », « bilobés », « croix », « polylobés » et « selles » des espèces de Poaceae en fonction des sous-familles, j’ai constaté qu’un certain nombre d’espèces s’éloignait du schéma général communément admis (Figure IV-3, p.81). Ainsi, même si la grande majorité des espèces de Panicoideae et Ehrhartoideae produisent des bilobés, croix et polylobés en abondance dans leurs feuilles (≥47% sur ∑GSSCs), quatre espèces produisent essentiellement des « rondels » (Louisellia flutens, Andropogon gayanus var. tridentatus, et Leersia hexendra) (>52%) ou des selles (Sorghastrum stipoides) (~59%). De la même façon, même si la majorité des Aristidoideae (5/6 espèces, toutes du genre Aristida) produisent des bilobés en abondance dans leurs feuilles (≥94%), une espèce (Stipagrostis uniplumis) produit principalement des « rondels » (~86%). Chez les Chloridoideae, le profil de production en GSSCs est très hétérogène, puisque seulement 11/23 espèces produisent des selles en abondance (>61%), tandis que 7/23 et 5/23 espèces produisent principalement des « rondels » (>73%) ou des bilobés (>68%). Notamment, la majorité des espèces du genre Eragrostis (5/6 espèces) produisent plus de 73% de « rondels » dans leurs feuilles.

81 Figure IV-3 Pattern of GSSCs production observed for the different grass subfamilies constituting our dataset (94 leaf assemblages). ROND: “rondel” and trapeziform cubic types; BILO: bilobate types; CROS: cross types; POLY: polylobate types; SADD: saddle types. Percentages are calculated on the sum of GSSCs.

I indicate on the figure species whose phytolith production is unusual compared with the general pattern of GSSC production. I also indicate the Aristida spp. because their pattern seems restricted to bilobates.

Even if most of the Panicoideae and Ehrhartoideae species produce bilobate and cross types in their leaf epidermis, three species produce rondels in abundance (>50% and up to ~78% in Leersia hexandra), and one species (Sorghastrum stipoides) mostly produce saddles. The pattern is heterogeneous for the Chloridoideae subfamily because even if the majority of species (11/23) especially produce saddles in their leaf epidermis (>50%), 7/23 and 5/23 species mostly produce rondels or bilobates respectively. With the exception of

Eragrostis pilosa, all Eragrostis species notably produce more than 73% of rondels in their leaf epidermis. At

last, even if most of the Aristidoideae species (Aristida spp.) mainly produce bilobate in their leaf epidermis, one species (Stipagrostis uniplumis) mostly produce rondels.

82 Compte-tenu de l’absence de correspondance stricte entre la taxonomie et l’écologie des Poaceae, ainsi que des limites d’application du schéma général de production en GSSCs (sur 94 espèces, ~20% ont un profil de production non conventionnel), j’ai choisi d’utilisé une autre approche que celle associant les sous-familles de Poaceae aux grandes catégories de GSSCs (« rondels », bilobés, croix, polylobés et selles) pour interpréter le signal des assemblages de GSSCs retrouvés dans les sols/sédiments.

L’approche utilisée a consisté à identifier les GSSCs qui étaient directement impliqués dans la discrimination des grands ensembles écologiques de Poaceae (hydro-/hélophytique ou aquatique, mésophytique, et xérophytique), et ce sans considération de la taxonomie. Pour ce faire, j’ai choisi d’exploiter l’étonnante diversité des GSSCs identifiée dans les assemblages des feuilles de Poaceae (42 types pour 94 espèces analysées). De nombreux auteurs ont en effet souligné l’importance d’utiliser une échelle de résolution morphologique des GSSCs plus fine que celle habituellement utilisée (= catégories générales de GSSCs), et ce notamment dans le but de mieux contraindre leur signification environnemental (et/ou taxonomique) (Lu and Liu, 2003b; Fahmy, 2008; Barboni and Bremond, 2009; Neumann et al., 2009). Aussi, je considère que cette approche est plus adaptée aux objectifs de reconstructions environnementales fixés dans ce mémoire, car elle permet d’éviter les biais d’interprétation dû au manque de correspondance stricte entre l’écologie et la taxonomie des Poaceae, puisqu’elle considère toutes les espèces de Poaceae comme des entités écologiquement distinctes. De mon point de vue, l’utilisation de la taxonomie est plus adaptée pour répondre aux problématiques associées à l’évolution des Poaceae (e.g. Strömberg, 2011), ou aux problématiques archéologiques (e.g. Piperno and Pearsall, 1998; Fahmy, 2008; Yost and Blinnikov, 2011). Par exemple, l’appréciation des relations entre les GSSCs et la taxonomie actuelle est indispensable aux études cherchant à définir l’origine des premiers représentants des taxons graminéens actuels dans le registre fossile ancien (e.g. Prasad et al., 2011), ou bien, à une toute autre échelle, à caractériser les pratiques agricoles, alimentaires, ou culturelles des civilisations passées (e.g. Piperno, 2009; Radomski and Neumann, 2009).

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