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IV. Résultats et discussion 75 

IV.1 Les assemblages phytolithiques produits par les Poaceae 75 

IV.1.1 Diversité des types 75 

Une diversité remarquable de types phytolithes est produite par les Poaceae, puisque j’ai pu identifier pas moins de 43 types de GSSCs et 16 types de non-GSSCs à l’issue de l’analyse des 98 espèces. Aussi, la totalité des types de GSSCs présentée dans la classification a été observée dans les assemblages de Poaceae. J’ai aussi constaté un certain nombre de disparité entre les assemblages produits par les feuilles et ceux produits par les inflorescences d’une même espèce, en accord avec les précédentes observations de certains auteurs (e. g. Mulholland, 1989).

Tout d’abord, j’ai obtenu 34% d’échantillons stériles (N=15/63) ou pseudo-stériles (N=8/63) en phytolithes suite aux extractions effectuées sur les inflorescences, contre seulement 4% (N=4/98) suite aux extractions effectuées sur les feuilles (Table II-1, p.39). Ainsi, si la présence des phytolithes dans les feuilles est presque systématique, elle ne l’est pas forcément pour les inflorescences.

De plus, j’ai remarqué que les catégories « rondels » et croix sont en moyenne plus représentées dans les assemblages produits par les inflorescences, tandis que les catégories bilobés et polylobés sont en moyenne plus représentées dans les assemblages produits par les feuilles (Figure IV-1, p.76). Plus précisément, les assemblages produits par les feuilles rassemblent une diversité de types plus élevée que celle rencontrée dans les assemblages des inflorescences (58 types de GSSCs et non-GSSCs observés dans un cas, contre 48 types observés dans l’autre). Parmi les GSSCs, quatre types produits par les feuilles n’apparaissent pas dans les inflorescences (types Tra1, Cr8, Poly2 et Poly4), et à l’inverse, un seul type (type S7) n’a été observé que dans les inflorescences de l’espèce Tragus berteronianus (Chloridoideae) à hauteur de 16% (sur ∑GSSCs). Le type S7 correspond aux selles à sommet effondré ou « collapsed-saddles », connus pour être largement produits par les représentants de la sous-famille des Bambusoideae (Strömberg, 2003), et plus récemment par des espèces de Chloridoideae d’Afrique de l’est (Barboni and Bremond, 2009). Même si aucune espèce Bambusoideae n’a été identifiée sur les différents sites modernes investigués, je sais que cette sous- famille a été observée au Tchad (parc de Zakouma, sud-est du Tchad) sous les traits de l’espèce Oxytenanthera abyssinica (Poilecot, com. pers.). Dès lors, il apparaît une nouvelle fois difficile d’utiliser le type S7 comme marqueur de la sous-famille des Bambusoideae dans le contexte de l’Afrique tropicale (Barboni and Bremond, 2009). Parmi les types de GSSCs uniquement observés dans les feuilles, les types trapézoïdes cubiques Tra1 et polylobés tabulaires Poly2 sont les plus redondants puisqu’ils sont retrouvés chez ~10 à 11% des espèces étudiées, et dans des proportions pouvant atteindre 26% des assemblages. Le type Poly-4, qui correspond aux « trapeziform polylobate » usuellement décrits dans les études environnementales (e..g. Bremond et al., 2008b; Barboni and Bremond, 2009), est produit ici par deux espèces aquatiques de type C3, Elytrophorus

76 spicatus (Danthonioideae) et Sacciolepsis africana (Panicoideae), à hauteur respectivement de 8 et 2% des assemblages (sur ∑GSSCs). En Afrique tropicale, les « trapeziform polylobate » apparaissent être de bons marqueurs des espèces en C3 de hautes altitudes (principalement Pooideae) puisqu’ils apparaissent majoritairement produits par ces dernières (Barboni and Bremond, 2009). Dans les milieux tempérés africains tels que l’Afrique du sud, ces types de GSSCs apparaissent également être de bons marqueurs des graminées en C3 (principalement Pooideae), cette fois largement distribuées à basses altitudes (Rossouw, 2009). Puisqu’aucune espèce de Pooideae n’a été identifiée sur les sites explorés au Tchad, et que leur aire de distribution en Afrique tropicale semble principalement confinée aux zones d’altitudes, la présence du type Poly4 dans les sols/sédiments peut être interprétée en termes de signal extra-local provenant des milieux d’altitude, ou bien, d’après mes observations, en termes de signal local associé à la présence certains taxons aquatiques.

Figure IV-1 Comparison of the GSSC assemblages produced by the leaves and inflorescences of 40 grass species. ROND: rondel and trapeziform cubic types; BILO: bilobate types; CROS: cross types; POLY: polylobate types; SADD: saddle types. Percentages are calculated on the sum of GSSCs. This representation only includes the grass species that produce GSSCs in both leaves and inflorescences. Grass leaves and inflorescences do not exhibit the same pattern of phytolith production. Bilobate and polylobate types are in average more represented in leaf assemblages whereas rondels and cross types are in average more represented in inflorescence assemblages. Moreover, the phytolith diversity is higher in leaves than in inflorescences (58 and 48 phytolith types observed respectively), and almost 34% of inflorescences samples were found sterile to pseudo-sterile in phytoliths against only 4% of leaf samples (see text).

77 Les types de GSSCs les plus fréquemment rencontrés dans les assemblages de feuilles sont les types de bilobés tabulaires courts à lobes tronqués, arrondis (Bi1,-2), concaves ou encochés (Bi7,-8). Ces derniers sont en effet produits par 46 à 58% des espèces étudiées. Au contraire, les types de GSSCs les moins rencontrés sont les types « rondels » coniques dont la hauteur est >15µm (Ro7), les types « rondels » oblongues (Ro8), les bilobés à section parallélépipédale (Bi10), les croix à symétrie axiale (Cr8), et les polylobés trapézoïdes réguliers (Poly4). Ces types sont produits par moins de 5% des espèces étudiées. Le type oblongue Ro8 de longueur ≥15µm a notamment été observé chez trois espèces de Panicoideae (Digitaria gayana, Hemarthria altissima, et Loudetia annua) et une espèce de Chloridoideae (Sporobulus helvolus). Ce résultat infirme donc l’hypothèse selon laquelle ce type n’apparaissait produit que par la sous-famille des Pooideae (Barboni and Bremond, 2009). Néanmoins, il n’apparaît pas fortuit de suggérer que l’abondance du type Ro8 dans les assemblages de sols/sédiments pourrait être utilisée comme marqueur de cette même sous-famille. En effet, même si ce dernier apparaît ici produit par d’autres sous-familles, son abondance dans les assemblages ne dépasse pas les 2%. Aussi, lorsque j’ai repris les planches élaborées par Rossouw (2009) sur les assemblages de GSSCs produits par les Poaceae sud-africaines, j’ai constaté que le type Ro8 apparaissait largement représenté chez la majorité des tribus de Pooideae (à l’exception peut-être de la tribu des Stipaeae). Le type Ro8 semblait correspondre au type « trapeziform smooth » identifié par Rossouw (2009, p.55). Malheureusement, aucune donnée d’abondance associée au type « trapeziform smooth » seul n’est disponible puisque ce dernier est associé aux types « trapeziform sinuate » et « trapeziform polylobate » dans la catégorie « oblong » utilisée par Rossouw. Des données quantitatives plus précises sur les assemblages de Pooideae permettraient donc de conforter l’abondance présumée du type Ro8 chez la sous-famille des Pooideae.

Par opposition aux feuilles, les types de GSSCs les plus fréquemment rencontrés dans les assemblages d’inflorescences sont les types « rondels » Ro1 et Ro6, les types bilobés tabulaires courts à lobes ronds Bi2, et les types bilobés trapézoïdes Bi11. L’ensemble de ces types est produit par 40 à 60% des espèces étudiées. Le type « rondel » Ro1, notamment, est présent à plus de 77% dans les inflorescences de quatre espèces du genre Andropogon, deux espèces du genre Eragrostis, et l’espèce Aristida stipoides.

Les types de phytolithes non-GSSCs observés uniquement dans les feuilles rassemblent les types aciculaires Aci3, les types blocs Blo-2,-4 et -5, les types allongés El-5, les types stomates Sto1, et les types plaques segmentées Pla9. Les types Blo4 et -5, notamment, sont apparentés à des cellules bulliformes silicifiées, dont l’allure cunéiforme est facilement déterminable dans les assemblages. Outre les Poaceae, les types Blo4,-5 apparaissent aussi produits par les Cyperaceae (IV.2.1.1, p.83). Ces deux derniers types, ainsi que les types stomates Sto1, comptent parmi les types non-GSSCs les plus occurrents dans les assemblages de feuilles puisqu’ils sont produits par ~30% des espèces analysées, et peuvent atteindre jusqu’à 18% des assemblages (sur ∑phytolithes) (ex. du type Blo5 chez Bracharia orthostachys). Cependant, les types non-GSSCs les plus représentés à la fois dans les

78 feuilles et les inflorescences sont de loin les types allongés à contour lisse ou ornementé El3, et les types aciculaires lisses Aci1. Ces types sont présents dans respectivement 86% et 73% des assemblages produits par les feuilles, et 76% et 23% des assemblages produits par les inflorescences.

L’ensemble des disparités de production et de composition des assemblages observées entre feuilles et inflorescences conforte l’intérêt de réaliser des extractions séparées entre ces deux types de matériel. Aussi, nous avons choisi par la suite de ne travailler qu’à l’échelle des assemblages produits par les feuilles, pour trois raisons. Tout d’abord, la diversité des phytolithes, et plus précisément des GSSCs produits par les assemblages de feuilles est plus grande que celle produite par les assemblages d’inflorescences. Deuxièmement, dans les feuilles, la représentativité des assemblages de phytolithes est meilleure puisque plus de 95% des espèces investiguées produisent des assemblages statistiquement exploitables, contre seulement 60% dans le cas des inflorescences. Enfin, la majorité des études portant sur le signal taxonomique et/ou environnemental des GSSCs sont basées sur les assemblages produits par les feuilles et non sur ceux produits par les inflorescences (e.g. Gallego and Distel, 2004; Honaine et al., 2006; Fahmy, 2008; Barboni and Bremond, 2009; Rossouw, 2009).

Néanmoins, les sols/sédiments intègrent tous les assemblages, aussi bien ceux produits par les feuilles, que ceux produits par les inflorescences, même si la part de biomasse constituée par ces derniers est moindre. En perspective, il serait par conséquent intéressant d’apprécier le signal environnemental des GSSCs produits par les inflorescences, en utilisant la même démarche que celle optée pour les feuilles (section IV.2, p.83). Cela permettrait de répondre aux questions suivantes : est- ce que les types de GSSCs définis chez les feuilles comme marqueurs d’intérêt pour tracer l’écologie des Poaceae sont retrouvés chez les inflorescences ? Et par conséquent, est-ce que ces nouveaux résultats confortent (ou non) les conclusions émises à partir de l’étude des feuilles ? Quelles implications cela engendrerait-il pour le traçage de l’environnement ?

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