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Il y a également un lien entre Nosferatu (F. W. Murnau, 1922) et la saga Ringu se situant dans une même vision « occulte » du cinéma.

Comme l'a relevé Lotte H. Eisner173, la promotion du film de Murnau s'est, à l'époque, efforcée de définir Nosferatu comme étant presque un documentaire, par le biais de textes informant le futur spectateur de l'existence lointaine d'hommes non-morts, qui se lèvent la nuit pour sucer le sang de leurs malheureuses victimes. Albin Grau, le décorateur du film, y va également de son histoire, ramenant l'origine de Nosferatu à une anecdote qu'il aurait vécue en Serbie en 1916174 : au front, un camarade de son « commando d'épouillage », lui aurait raconté l'histoire vraie des vampires suceurs de sang. Grau enrobe son récit d'une multitude de motifs romantiques : la flamme vacillante d'une bougie, l'horloge indiquant minuit, etc., afin de le rendre presque « cinématographique ». Nous comprenons alors que c'est bien l'image, physique comme mentale, qui est visée derrière cet effort promotionnel.

En ce qui concerne Ringu (Hideo Nakata, 1998), il y a également un récit à l'origine du film. Le scénariste, Hiroshi Takahashi, raconte avoir rencontré un fantôme lorsqu'il était enfant175. C'est également le cas de Norio Tsuruta176, réalisateur de Ringu 0 : Bâsudei (2000) et des célèbres Scary True Stories à l'origine du renouveau de l'épouvante japonaise au début des années 1990. Mais, à la différence d'Albin Grau, ces révélations n'ont pas pour but de faire la promotion des films par le biais de l'irrationnel et d'une sorte de « devenir réel » de la fiction horrifique (comme c'est notamment le cas, nous le verrons, avec le found footage). Takahashi, comme Tsuruta, croit aux fantômes, et ils nous racontent ces faits autobiographiques pour éclairer notre compréhension des scénarios qu'ils écrivent et des films qu'ils réalisent. Pour eux, le cinéma est un outil pouvant communiquer la hantise qu'ils ont vécue.

Cet occultisme inhérent au cinéma de spectre se trouve bien dans Nosferatu. Nous le rappelons, Murnau qualifie le professeur Bulwer de paracelsien et le met notamment en scène lors d'une scène usant du cross-cutting pour amener la prédation d'Orlok et la contamination de Wisborg. Or, au sein de la théorie des signatures de Paracelse, se trouve une pensée analogique proche de ce que Murnau met en œuvre.

173EISNER Lotte H., F. W. Murnau, Paris, Le terrain Vague, 1964, chapitre VII, pp.119-127.

174Texte traduit et publié dans BOUVIER Michel & LEUTRAT Jean-Louis, Nosferatu, Paris, Gallimard (collection Cahiers du cinéma), 1981, p.17.

175Interview rapportée par DU MESNILDOT Stéphane, Fantômes du cinéma japonais, p.199. 176Ibidem, p.188.

Dans le livre premier de son Liber Paramirum, après avoir affirmé que « le semblable appartient au semblable », Paracelse nous enseigne que « de même que l'on donne à l'enfant ce qu'il demande, et non du poison, de même l'on donne au fiel ce qu'il demande, au cœur ce qui lui convient, au foie ce qui lui est propre. Ceci doit être une colonne sur laquelle s'appuie le médecin, à savoir que, à toute anatomie, il administre ce qui lui convient par similitude. Car le pain que mange l'enfant a l'anatomie de celui-ci, et c'est ainsi son propre corps qu'il mange. Ainsi une médecine quelconque doit avoir l'anatomie de sa maladie.177 » Paracelse envisage que le corps humain est « né du grand monde178 » et qu'ainsi nous pouvons trouver, de façon symbolique, l'univers entier dans l'Homme. Sa philosophie et sa médecine sont avant tout fondées sur des questions de ressemblances et d'images, et le réel n'est qu'un immense hiéroglyphe à déchiffrer. L'art cinématographique, comme art donnant de l'importance au montage d'éléments visuels hétéroclites, intégrera esthétiquement cette théorie des signatures, des similitudes et des analogies. La vision d'une plante carnivore pourra alors, analogiquement, amener ensuite la prédation et la folie. Ce n'est finalement pas Bulwer qui est paracelsien, mais Murnau, lorsqu'il associe Orlok à un animal sauvage dangereux, et lorsqu'il se sert du simple aspect du prédateur (la plante carnivore, le polype, l'araignée) pour que l'effet de sa viralité soit déjà actif sur les personnages présents au sein du montage.

Alexandre Koyré, dans une étude sur la pensée du mystique allemand relève que :

Pour Paracelse, et en cela il n'est que le fils de son temps, la nature n'est ni un système de lois, ni un système de corps régi par des lois. La nature c'est cette force vitale et magique qui, sans cesse, crée, produit et lance dans le monde ses enfants. La nature peut tout, car elle est tout, et tout ce qui se passe et tout ce qui se crée dans le monde est nature et produit de la nature. La nature est comparable à l'homme, à ce jaillissement intérieur qui dans notre âme fait surgir des pensées, des désirs, des images.

[Tous les êtres vivants] sont des produits naturels, des enfants, d'une seule et même force vitale et magique, qui est présente partout, en tout et en tous, qui est dans chacun d'eux et n'en est aucun.179

177PARACELSE, Œuvres complètes, I, Paris, Bibliothèque Charognac (Les classiques de l'occulte), 1913, trad. G. De Grivy, p.188.

178Ibidem, p.244.

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Nous retrouvons, ici, à la fois Nosferatu et les propos de Talbot. La nature y est un fluide, une lumière invisible qui lie entre eux tous les êtres, animés ou non. Le polype attrapant sa proie est lié au comte Orlok, pas uniquement par la thématique prédatrice, mais avant tout car, dans leur aspect, réside un même invisible : ils s'originent tous deux dans une même arkhè. De façon générale, dans la pensée de Paracelse, un invisible se cache derrière tout visible, que ce soit une âme ou un esprit180. Or, il en va allégoriquement de même dans la saga Ringu. Regarder l'image, ici la VHS maudite, c'est être hanté et mourir. Être confronté à une visibilité maudite c'est être touché par l'invisible qu'elle transporte. Il nous semble que cette vision « occulte » de l'image est l'un des motifs centraux du cinéma spectral.

La théorie des signatures nous permet également de préciser ce que nous nommons spectralité.Nous l'avons déjà relevé en introduction, la spectralité est liée à l'idée d'arkhè. Or, l'arkhè est l'une des trois signatures catégorisées par Paracelse, après l'Homme et les Astres, qui agissent en l'Homme. Selon le mystique, nous pouvons comprendre les dons secrets des plantes en comprenant l'arkhè à laquelle ils se rattachent. Par exemple, le satyrion, en forme de « parties honteuses » permet de rendre à l'homme sa « virilité » ; de même que l'euphraise, qui présente une tâche en forme d'œil, peut alors soigner les maladies de la vue ; ou encore, si les graines de grenadier calment les douleurs dentaires, c'est parce qu'elles sont en forme de dents181. Ainsi, selon Paracelse, nous pouvons décrypter le monde en nous rapportant aux similitudes et aux analogies perceptibles à travers les représentations que nous connaissons. Similitudes nous permettant, à chaque fois, de mieux saisir l'arkhè à partir de laquelle s'originent les différents éléments mis en lien.

Cette pensée magique survit au sein du cinéma qui se sert lui-même de l'aspect des choses et des similitudes pour faire avancer son récit. De plus, elle peut aussi nous aider à approfondir ce que nous nommons spectralité. Si le spectre est une arkhè invisible cherchant à tout prix à se rendre visible, alors ce en quoi elle s'incarne prend sa signature. La technologie audiovisuelle et les images qu'elle produit sont ainsi, selon le cinéma de spectre, le lieu même des signatures spectrales. Il y a une menace derrière tout visible, car tout ce qui existe va, peu à peu, au sein de l'épouvante, être signé par le spectre.

Au cœur de notre recherche enquêtant sur les survivances dans le cinéma de spectre et assumant son fonctionnement analogique, se trouve alors une spectralité agissant sous forme de signatures. Giorgio Agamben ne dit pas autre chose lorsqu'il affirme qu'Aby Warburg ne 180Ibidem, p.53.

cherche « ni des signes, ni des symboles, mais des signatures182 ». Nous assumons humblement de tenter d'appliquer une méthode similaire, laissant le spectre, cette signature vivace, insondable, dicter notre méthode.

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2. CINÉMA DE SPECTRE ET SPIRITISME 2.1 Fantasme de l'image autonome

Pygmalion, Jan van Eyck et planches ouija

Le cinéma spectral des vingt dernières années est le lieu d'un retour étonnant du spiritisme, de ses motifs et de ses croyances. Qu'ils composent une anecdote au sein du récit ou le centre même de ce dernier, comme dans les sagas Insidious (2011-2018), Conjuring (2013-2016) et Ouija (2014-2016), ces motifs spirites sont légions. À tel point qu'il ne semble plus possible de réaliser un film de spectre sans qu'il n'y ait un personnage doué de talents médiumniques, ou sans qu'il n'y ait une scène de discussion avec l'au-delà. Bien sûr, le motif spirite n'a pas attendu le XXIe siècle pour être présent au cinéma, et dresser la liste des dizaines de films qui proposent un ou plusieurs éléments issus de cette « culture » n'aurait ici pas de sens. De plus, comme nous le verrons, l'origine de certains aspects du cinéma lui-même se trouve dans les croyances et esthétiques spirites de la fin du XIXe siècle. Avant d'entamer cette recherche ayant pour but d'essayer de comprendre pourquoi le cinéma de spectre s'engage avec tant d'insistance dans le sentier du spiritisme, il nous faut d'abord revenir vers une idée : celle de l'image autonome. Pour ce faire, nous la questionnerons à partir de deux éléments exemplaires : le mythe de Pygmalion et les portraits peints par Jan van Eyck.

La première version du mythe de Pygmalion se trouve dans le livre X des Métamorphoses d'Ovide : le sculpteur Pygmalion, habité par un sentiment de rage envers les femmes, vivait en célibataire. Pourtant, il ne supportait pas la solitude et, face à cette tourmente, il usa un jour de ses extraordinaires talents artistiques pour faire naître, au sein d'un bloc d'ivoire blanc, une femme parfaite : Galatée. Bien qu'elle ne fut qu'une chose non organique, l'artiste tomba peu à peu amoureux de son œuvre. Il l'embrassait sans cesse et pleurait que la statue ne puisse lui rendre ses baisers. Il lui achetait des bijoux et la couvrait de parures. Puis, un jour, las de frustration et de solitude, il déposa une offrande au pied de l'autel de Vénus en demandant à la déesse de lui offrir une femme dotée d'autant de beauté que Galatée. La déesse, qui assistait, métamorphosée, à la célébration, comprit le souhait inavoué que dissimulait cette demande. Lorsque Pygmalion rentra chez lui, il embrassa la statue comme d'habitude mais sentit de la tiédeur sous sa main. Plus il la toucha, plus il lui sembla que la statue prenait vie. Peu à peu, l'ivoire devenait chair et Galatée devenait femme. Pygmalion, ébahi, réalisa alors que son vœu avait été exaucé. L'artiste épousa la jeune femme et ils eurent une fille, Paphos.

Afin de saisir au mieux les enjeux de ce mythe, convoquons une autre de ses versions, que l'on trouve cette fois-ci chez Jean-Jacques Rousseau183. L'histoire est sensiblement la même, bien que certains aspects déterminants diffèrent. Dans cette variante, plus politique, nous sommes confrontés à un monologue de Pygmalion. Celui-ci doute de son talent, il méprise son époque et ces artistes ne cherchant que la gloire. Il désire réaliser son œuvre, Galatée, mais n'arrive pas à l'achever. De plus, s'il désire la réaliser, c'est uniquement pour lui, non pour les spectateurs qui ne comprennent plus rien à l'art. Il sculpte derrière un voile, ne montrant son œuvre à personne, mais, de fait, ne pouvant pas non plus la contempler dans son entièreté. Un jour, cherchant à atteindre la perfection, il ôte le voile, puis il recule, subitement, saisi d'effroi. Jamais il n'avait vu pareille beauté. Il hésite à donner d'autres coups de marteau à la statue ; il se décide finalement à en donner un, puis lâche son matériel. Il lui semble avoir frappé de la chair. Cette statue est parfaite, sublime. Si elle devait rivaliser avec la nature, la seule chose qu'il lui manquerait serait une âme. C'est alors que Pygmalion s'enfonce dans une réflexion solitaire à propos de l'œuvre qu'il vient de créer. Ses divagations le conduisent à un désir de mourir afin que son âme se transporte dans Galatée et que la perfection puisse vivre. Enfin, alors que, dans le mythe d'Ovide, c'est une force extérieure, Vénus, qui donne vie à l'alter ego de l'artiste, ici, il semble clair que seule la volonté d'identification totale à l'œuvre suffit à l'animer : tandis que l'artiste est toujours dans ses pensées, Galatée, vivante, descend de son socle, se touche et dit « Moi ». Pygmalion, transporté, lui répond en criant : « Moi ! » Galatée se touche encore et répète : « C'est moi ». Elle s'avance, touche du marbre et dit « Ce n'est plus moi », Pygmalion la saisit, l'embrasse, et Galatée conclut « C'est encore moi ». Entre ces deux versions du mythe, il y a d'abord une similitude : celle de l'amour que l'on porte à l'image184. Dans les deux cas, Pygmalion est un solitaire misogyne ou taciturne qui va réaliser une œuvre d'art dont il va tomber fou amoureux. Nous pouvons insister sur le fait qu'il tombe amoureux de l'œuvre qu'il a créée, et émettre un discours sur l'acte de création et le rapport qu'entretient l'artiste avec son œuvre (identification affective et personnelle à l'œuvre qui serait plus présente dans le texte de Rousseau) ; mais nous pouvons également envisager que ce qui compte dans ce mythe est avant tout le fait de tomber amoureux d'une œuvre d'art, 183ROUSSEAU Jean-Jacques, « Pygmalion, scène lyrique » (1762) in Œuvres complètes, II, Paris, Gallimard

(Pléiade), 1962, pp.1224-1231.

184Cet amour que l'on porte à l'image sera au centre d'une autre version du mythe, celle du poème Le roman de la rose écrit en deux temps par Guillaume de Loris et Jean de Meung au XIIIe siècle. À ce sujet, voir AGAMBEN Giorgio, Stanze, Paris, Payot & Rivages (Petite bibliothèque), 1998 (1992), trad. Y. Hersant, p.109.

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qu'elle soit de l'artiste ou non. L'aspect déterminant pour cette question se trouve justement au sein de ce qui différencie les deux versions : d'un côté, l'energeia qui animera Galatée est extérieure et divine (liée Vénus) ; d'un autre côté, elle est en quelque sorte interne puisqu'elle provient de Pygmalion lui-même (ses pensées), et est alors humaine, car intellectuelle. Nous avons donc deux provenances distinctes et opposées de la « vie » de Galatée : magique, occulte, car, en aucun cas humaine, ou rationnelle (si toutefois cela est possible d'employer ce terme au sein d'un récit fantastique), et en aucun cas divine. Ces deux versions conduisent à deux visions de ce qu'est une image : réalisation d'un talent divin extraordinaire ou œuvre de l'esprit. Quoi qu'il en soit, ces interprétations divergentes se retrouvent conjointement avec plus ou moins de force dans les deux versions du mythe, et également dans celles que produira le Moyen-Âge. Nous pouvons aimer une image qui peut alors prendre vie ; seule l'origine du miracle diffère.

Enfin, une gravure réalisée par Pierre Firens en 1619, pour accompagner une édition des Métamorphoses d'Ovide, nous semble illustrer au mieux ce que nous évoquons par ce mythe (fig. 5). Dans cette image, alors alors que Pygmalion enlace Galatée, des montagnes, présentes dans un paysage au loin, se changent aussi en femmes. Ce n'est pas uniquement la statue qui prend vie sous l'effet du désir du sculpteur, maisle monde entier qui devient Galatée. Nous sommes alors face à un devenir-sublime de la Nature, qui est aussi un anthropomorphisme, et retrouvons l'idée que la technique crée la vie, mais aussi qu'elle devient naturelle : Galatée, œuvre d'art, image, se fait monde. Tout devient elle. Comme un spectre qui aurait rendu le monde similaire à son ontologie. À moins, bien sûr, qu'il ne ne s'agisse en fait d'une métaphore de l'amour, le monde entier devenant l'objet affectif de Pygmalion. Le cadre à droite ne serait alors pas une fenêtre, mais la figuration de l'esprit du sculpteur. Possédé par Galatée, le monde de Pygmalion se ferait femme et désir.

Si nous insistons sur le mythe de Pygmalion et sur les versions divergentes d'Ovide et de Rousseau, c'est parce que nous les retrouvons paradoxalement enchevêtrés dans ce que sont les motifs spirites de la création d'image au sein du cinéma de spectre. Mais avant de nous diriger vers cette étude, il nous faut encore complexifier ce fantasme d'une image vivante par le biais d'un autre apport historique. L'œuvre qui nous parle en disant « c'est moi », l'œuvre qui, par la main de l'artiste, trouve son autonomie, cette œuvre-ci trouve un exemple curieux et déterminant au sein de l'histoire de l'art avec les portraits de Jan van Eyck. Alors que nous reviendrons plus tard sur la peinture hollandaise du XVe siècle et sur ses représentations de l'espace pictural, nous nous intéressons plus particulièrement ici à quelques portraits de l'artiste flamand.

Nous attribuons à Jan van Eyck et à Robert Campin l'invention moderne du portrait en peinture, portrait autonome tel que nous le connaissons185, mais c'est sûrement le premier qui l'a porté à son plus haut degré de virtuosité. Ce que tentait de réaliser van Eyck, c'était une peinture voulant être « à la fois un objet réel – en l'occurrence, un objet précieux – et une reconstitution, plus qu'une représentation, du monde visible.186 » Ceci est notamment flagrant avec son Portrait des époux Arnolfini (1434) (fig. 6) : avant le concile de Trente de 1563, le mariage était le seul sacrement qui pouvait se passer de la présence d'un prêtre. Les époux étaient eux-mêmes les ministres mais il fallait, tout de même, que deux personnes témoignent de leur engagement. Jan van Eyck signe ce tableau des jeunes mariés par la formule « Johannes de Eyck fuit hic » (« Jan van Eyck fut ici ») et se représente, avec le second témoin, dans un miroir accroché au mur. Sa peinture, extrêmement détaillée, hyper-réaliste, se veut donc une preuve du réel : elle est censée transcender l'image pour devenir un véritable reflet du monde.

Ainsi, suivant cette logique, van Eyck fut l'un des premiers à peindre des portraits d'individus regardant droit dans les yeux le spectateur. Le Portrait de Jan de Leeuw (1436) (fig. 7) est, en ce sens, déterminant. Un orfèvre, Jan de Leeuw, nous contemple en tenant, dans sa main droite, une orfèvrerie. Mais le détail sur lequel nous souhaitons diriger notre examen théorique, c'est le cadre de ce tableau, similaire à bien d'autres cadres de van Eyck. Ces cadres étaient fournis avec énormément de précision par le peintre lui-même187, faisant donc intégralement partie du portrait. Sur celui de Jan de Leeuw, est inscrit, tout autour de la peinture : « Ian de (Leeuw) op Sant Orselen Dach / Dat claer eerst me oghen sach. 1401 / Gheconterfeit nu heeft mi Jan / van Eyck. Wel bliic wann eert bega (n). 1436 ». Le jour de

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