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Les SIG Collaboratifs

2.4 Quelques formes collaboratives en Géomatique

2.4.4 Les SIG Collaboratifs

Bien que les SIG aient connu une longue période de gestation et de mûrissement au niveau de leur construction technique et conceptuelle, leur concept fait toujours objet de plusieurs interprétations et visions. Les définitions du SIG convergent, implicitement ou explicitement, vers son caractère multidimensionnel (Joliveau, 2004). En effet, le SIG est vu comme boîte à outils, comme environnement informatique, comme base de données géo référencées, comme méthode de gestion intégrée d’information spatiale et aussi comme système d’information d’une organisation.

Les premiers objectifs assignés aux SIG étaient d’ordre technique, centrés sur l’automatisation de la cartographie et la performance dans l’intégration et la gestion des données (Pornon, 2007). En plus de leur composante technique, Joliveau (2004) soulève l’importance de la dimension sociale du SIG et propose une organisation du concept autour de trois conceptions: une conception basée sur une construction technique, une conception qui considère le SIG comme système d’information d’une organisation et une troisième conception qui envisage le SIG comme construction sociale, politique et culturelle, qui trouve place dans le rôle des innovations technologiques et le changement des pratiques sociales autour de l’information géographique (Joliveau, 2004). Le SIG social permet de valoriser la connaissance spatiale locale (Dunn, 2007). Ainsi défini, le SIG est vu comme une superposition de couches reliées entre elles par des protocoles dans un contexte de coordination et de communication qui recentre les SIG sur leur contribution à la compréhension du territoire et à l’amélioration de la transversalité dans les organisations (Fig.2.7).

Fig2. 7. Représentation du SIG sous forme d’un modèle en couches (Joliveau, 2004)

2.4.4.1 Des SIG intra-organisationnels…Vers des SIG collaboratifs

Avec le besoin accentué d’échange des données et des connaissances qui se pose à toute organisation, le SIG intra organisationnel trouve sa limite. Un SIG conçu par et pour l’organisation borne le cadre d’usage de l’information dans un contexte spécifique. Les SIG collaboratifs apparaissent comme solution potentielle qui dépasse les limites actuelles de tels systèmes et les placent face à de nouveaux besoins collaboratifs.

La littérature a abordé le sujet de la collaboration et des SIG selon deux concepts: le SIG participatif et le SIG collaboratif dans lesquels la collaboration prend deux perspectives différentes.

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2.4.4.2 Les concepts de SIG Participatif, SIG collaboratif dans la littérature

Dans les années 1990, plusieurs chercheurs ont commencé à explorer des sujets impliquant l’aide à la décision, la participation communautaire, la participation du public et les SIG. Dans ce contexte, le SIG participatif est apparu comme une intégration de connaissances locales selon des approches participatives incluant les technologies de l’information géographique dans les processus de prise de décision (Jankowski et al, 2009). A travers la participation du public dans les processus décisionnels, les SIG participatifs tendent à valoriser la dimension sociale des SIG (Elwood, 2006; Dunn, 2007). La prise de décision spatiale selon une approche participative requiert la mise en œuvre d’une infrastructure numérique intégrant les SIG avec d’autres technologies de l’information et de communication (TIC) pour le support d’analyse et de prise de décision au sein d’un groupe communautaire (Campagna et Deplano, 2002; Voss et al, 2004; Geertman, 2002).

La prolifération des technologies de l’information a considérablement amélioré les processus de planification urbaine (Doyle et al, 1998; Huang, 2003). Les SIG web ont démontré leur potentiel dans les designs urbains communautaires impliquant un public non professionnel (Drummond et French, 2008). Une des premières investigations du potentiel des SIG web pour supporter la participation du public dans la prise de décision a été faite par le CCG (Centre for Computational Geography) à l’université de Leeds (Kingston et al, 1999). Au début, les SIG Web participatifs étaient basés sur une cartographie 2D, puis des technologies 3D ont été intégrées pour fournir une visualisation intuitive du design urbain (Wu et al, 2010). Des applications SIG 3D sur le web ont fourni un moyen pour modéliser l’environnement urbain sur base de l’extrusion de cartes 2D (Yao et al, 2006) pour se passer de la difficulté d’acquérir des modèles 3D plus précis. Plusieurs exemples de systèmes participatifs ont été développés pour aider à la planification et la simulation urbaine 3D (Huang, 2003) en utilisant des formats de visualisation 3D comme VRML (Huang et al, 2001; Jiang et al. 2003) ou par combinaison de plusieurs formats: VRML, X3D et KML (Knapp et al, 2007). Dans ce même contexte, P3DM (Participatory 3D Modelling) est une méthode collaborative basée sur le mariage entre les méthodes d’apprentissage participatif et les technologies SIG et GPS pour faire une construction de la connaissance spatiale communautaire sous forme de cartes 2D et 3D utilisées comme des supports interactifs de discussion et d’échange et de prise de décision communautaire (Rambaldi et Callosa-Tarr, 2002).

Elwood (2006) considère que les SIG participatifs sont introduits pour améliorer l’accès aux SIG traditionnels et aux données spatiales numériques et diversifier les formes de connaissance et de logique spatiale qui peuvent être incorporées dans un SIG. Les SIG participatifs ajoutent aux capacités des SIG, des outils spécifiques pour supporter la prise de décision collective (Jankowski et Nyerges, 2001) et sortir des carcans professionnels et décisionnels pour toucher plus facilement le grand public (Mericskay et Roche, 2010) et à valoriser la dimension sociale du problème plutôt que sa dimension technologique, en mettant l’accent sur la participation communautaire à la production et à l'utilisation de l'information géographique (Dunn, 2007). Orban-Ferauge (2011) soulève un autre aspect sur les SIG participatifs: «Les chercheurs se classent selon ce qu’ils placent dans leurs priorités autour du SIG participatif: l’approche pratique du SIG au service de la participation (sigP), le développement de l’outil à des fins de participation (SIGp) ou dans la mise en œuvre de cet outil (SIGP)».

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En plus du SIG participatif, la littérature utilise un autre concept, celui des SIG collaboratifs. Une des premières approches collaboratives basées sur la technologie SIG pour une prise de décision spatiale est le système Strabo développé par Luscombe et Poiker (1983) (Faber et al, 1995) qui utilise la méthode Delphi et se base sur un réseau d’experts travaillant ensemble en utilisant les technologies SIG et un processus de communication structuré pour cartographier leurs visions et les étudier dans un processus itératif avant d’aboutir à un consensus autour d’une vision commune (Balram et Dragicevic, 2006). Le SIG collaboratif permet la capture, la gestion et la visualisation de la donnée spatiale et de la connaissance à la recherche de solutions et d’un apprentissage collectif (Balram et Dragicevic, 2005) au sein d’un réseau de hardware, de software et de groupes d’intérêt travaillant à l’exploration et l’analyse d’un problème (Armstrong, 1994). Le fondement autour du SIG collaboratif trouve ses racines dans la théorie de communication qui se base sur l’utilisation de la communication et l’argumentation comme des procédures formelles pour l’élaboration des idées et l’aboutissement à un consensus sur les décisions à prendre (Balram et Dragićević, 2005). Le SIG collaboratif favorise les interactions en temps réel, l’apprentissage social et la sensibilisation sur les défis communs qui nécessitent le recours à des solutions communes (Roche et Humeau, 1999)

Une des investigations les plus importantes sur les SIG collaboratifs est celle de Balram et Dragicevic (2006) qui définissent le SIG collaboratif comme «une intégration éclectique de théories, outils et technologies se concentrant sur, mais sans se limiter, à la structuration de la participation de l'homme dans les processus de décision spatiale de groupe» (Balram et Dragicevic, 2006) (traduction libre). Les auteurs placent le SIG collaboratif au sein d’une architecture mettant en relation les différents concepts étroitement liés comme: PPGIS (Public Participation GIS), PGIS (Participatory GIS), GSDSS (Group Spatial Decision Support Systems), CGIS (Collaborative GIS), etc. (Fig2.8)

Fig2. 8. Structure hiérarchique du domaine de la recherche comportant le SIG collaboratif (Balram et Dragicevic, 2006)

Les auteurs considèrent que les SIG participatifs représentent un contexte général regroupant deux variantes qui sont les GSDSS (qui visent des groupes réduits) et les PPGIS (avec des groupes plus larges). Les SIG collaboratifs sont placés sur le même rang que la géocollaboration et les PSS (Planning Support Systems) et sont considérés comme des

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implémentations des GSDSS. Dans le même sens, Pirotti et al (2011) considèrent le SIG collaboratif comme un sous ensemble des SIG participatifs. Selon les mêmes auteurs, l’approche participative s’avère utile dans les processus de gestion des problèmes à dimension spatiale, alors que dans une approche collaborative, l’interaction est limitée et la participation focalise sur la maintenance de la consistance des données et leur mise à jour (Pirotti et al, 2011).

Il s’avère à travers les définitions précédentes que le SIG collaboratif représente une architecture nouvelle dans laquelle l’utilisation du SIG traditionnel est étendu pour prendre en charge les interactions entre plusieurs acteurs dans un environnement de négociation et d’apprentissage collectif, à la recherche d’un consensus à propos de la décision à prendre pour la résolution d’un problème à dimension spatiale. A la différence du SIG participatif qui met le SIG à la disposition d’un public plus large, le SIG collaboratif, comme la géocollaboration, vise un public d’experts impliqué dans un système de prise de décision spatiale.

Dans les contributions énoncées ci-avant, le ″collaboratif ″ associé au SIG concerne l’approche de travail dans laquelle le SIG est un outil de collaboration. D’autres auteurs abordent une autre question, celle des solutions à mettre en œuvre pour doter les SIG d’un potentiel collaboratif. Dans ce contexte, Pornon (2007) considère que l’enjeu à venir autour des SIG est de les rendre plus collaboratifs, à la fois dans les organisations et entre organisations. Il préconise des solutions pour aller vers des SIG collaboratifs comme: la mise en place de serveurs fédérateurs pour les données de l’organisation, les infrastructures de données spatiales, les ontologies, l’utilisation des normes et standards, etc. D’autre part, le recours à de nouveaux modes de production (co-production) (Noucher, 2009b) ainsi que la mise en place de formes collaboratives comme les communautés de pratique (CDP) (Pornon et Noucher, 2007) est un carburant pour doter les SIG d’un potentiel collaboratif. Joliveau (2004) soulève une autre question qui nous paraît fondamentale: celle de la nécessité de revoir les méthodes de conception des SIG pour les rendre plus adaptés à la planification territoriale participative.