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La mosquée de Naldurg, Shahi Jama masjid (1560) est située à côté du manoir de Meadows dans l'enceinte principale du fort, sur la voie principale vers le barrage d'un côté et le Rang

Mahal de l'autre. Remarquablement bien conservée, elle est toujours en activité et témoigne

de l'architecture religieuse Adil Shahi. Il s'agit d'une petite structure simple avec un bâtiment et une esplanade surélevée au-dessus d'une cour fermée par un mur de clôture à l'Est. La cour accueille les tombes. Etant donné sa petite taille, elle ne devait servir qu'aux généraux et personnalités importantes de l'armée Adil Shahi. Le hall est divisé en deux ailes par des colonnes créant trois arches en façade. Seule la façade est monumentale, décorée avec des fleurs de lotus sculptées formant des équerres avec des traverses pour porter les avant-toits inclinés. Les autres murs restent bruts et simples. Le dôme central est élevé et se développe en profondeur. Un parapet décoré d'éléments en forme de pétales en plâtre fait la jonction avec le second niveau de forme octogonale rejoignant la naissance du dôme.

Déjà décrite par Yazdani, la mosquée a depuis perdue son inscription de style Thugra que nous retrouvons maintenant sur la dargah dans le village de Naldurg à quelques centaines de mètres de là315. Elle nous renseigne sur la date de construction : "Durant le règne du sultan, Abu-l-Muzaffar Ali Adil Shah – puisse Allah perpétuer son royaume ! – Cette mosquée et le fort ont été construit en même temps par Ni’matulla, fils de Kbwaja Ismail Kurd Khiraji de Nihawand, en 1560 (968 A.H.)."316

Le plan et la façade sont caractéristiques de l'art Bijapuri du 16ème siècle avec de hautes tourelles d'angles portants une décoration en forme de pétales et surmontées d'un dôme en forme de bulbe317. Le système de support des avant-toits se retrouve à Bijapur et sur la façade

315 YAZDANI, 1921, p. 2 : "The inscriptional tablet is fixed on the northern door of the mosque, which is rather

low and built in the pillar-and lintel style. The tablet is of polished basalt."

316 Traduction dans YAZDANI, 1921 : la construction par Ni'matulla est également confirmée par Ferishta et le Basatinu-s-Salatin.

317 MICHELL, 1999, p. 89 :de nombreuses mosquées sont construites sous le règne d'Ali Adil Shahi I, souvent

en plan simple comme à Naldurg ou plus complexe comme la Safa Shahuri masjid, construite en 1560 à Ponda (à 35 km au sud-est de la capitale portugaise de Goa). Le hall de prière de forme carré est surélevé à un grand réservoir. Il n'y a pas de voûtes ou de dôme, seulement une charpente de bois supportant un toit de tuiles en pente. Le style métropolitain est donc délaissé pour s'adapter au style local du Konkan.La mosquée de l'Ibrahim

de la mosquée du fort d'Adoni (façade construite en 1568318). Dans sa forme simple, il s'agit

d'une série de supports perpendiculaires au mur permettant de soutenir les chevrons portant les avant-toits319. Chaque support en équerre adopte une forme en S orné d'une ou plusieurs

sculptures de fleurs de lotus320.

La longévité du sultanat a permis l'élaboration et le développement d'un style propre à la dynastie Adil Shahi321. La qualité esthétique de la sculpture Adil Shahi témoigne d'un patronage fort, de ressources considérables et surtout d'un haut niveau technique des artisans locaux (qui travaillaient aussi sur les temples). Avant la chute de l'empire de Vijayanagara et la bataille de Talikota en 1565, les sultans de Bijapur construisaient des mosquées plus simples322.

Le traitement décoratif et monumental de la mosquée sert alors d'expression au pouvoir Adil Shahi en reproduisant le style purement métropolitain de Bijapur323. C'est un message important de la part du sultan pour marquer de son identité ce fort de frontière.

Rauza (1626) est un plan similaire à la mosquée de Naldurg, bien qu'à une échelle plus monumentale (trois colonnes avec six mètres de large pour quatre colonnes en profondeur). Le mihrab a une forme similaire.

318 EATON & WAGONER, 2014, note 39 p. 319.

319 EATON & WAGONER, 2014, note 39 p. 319 : dans certains cas, comme la porte de Shamshir al-Mulk, les

chevrons sont éliminés et les plaques de l'avant-toit sont réalisées directement sur les supports de traverses.

320 EATON & WAGONER, 2014, note 39 p. 319 : à partir de la fin du 16ème siècle jusqu'au début du 17ème

siècle, les supports perpendiculaires se subdivisent et le nombre de décoration en fleurs de lotus se multiplient pour former une impression de frise ornée de stalactites: Ibrahim Rauza at Bijapur (1626).

321 MICHELL & ZEBROWSKI, 1999, p. 86.

322 MICHELL & ZEBROWSKI, 1999, p. 86 : la mosquée d’Asen Beg de 1513 à Bijapur reprend les modèles des

mosquées du Nizâm Shahi avec des tourelles d'angles réduites portants une décoration de pétales surmontée d'un dôme en forme de bulbe. La mosquée d'Ibrahim et celle d'Ikhlas Khan témoignent des caractéristiques de l'architecture Adil Shahi. La mosquée d'Ikhlas Khan dévoile une triple baie surmontée d'un parapet rejoignant les tourelles d'angles permettant d'augmenter la monumentalité verticale de la façade.

323 EATON & WAGONER, 2014, p. 289 : Oleg Grabar constate que l'art musulman développé dans les

monuments de la victoire sert souvent les intérêts politiques de représentation du pouvoir. En effet, à travers la peinture, l'architecture et la sculpture, ces monuments expriment le pouvoir du souverain sur ses terres par le biais de la culture et de l'art. Le monument permet de visualiser pleinement et de signifier à la société le pouvoir en place. Dans le Deccan, Oleg Grabar constate ce procédé dans les mosquées, celle de Naldurg ou d'Adoni, dans le fort de frontière avec l'empire Vijaynagara (à 60 kilomètres au sud de Raichur). Fondée dans la première moitié du 16ème siècle lorsqu’Adoni était sous contrôle de l’empire de Vijayanagara, la mosquée a servie principalement aux soldats musulmans de la garnison. Elle était alors conforme à l’interprétation du style local utilisée pour les petits temples et mosquées régionales ; avec un toit plat en système de linteaux et de colonnes

citrakhanda en remploi. En 1568, plusieurs années après la bataille de Talikota, l’armée d’Ali Adil Shah assiège

le fort et marque son annexion par la reconstruction de la façade de la mosquée. Etant donné que la façade originale marquait son lien avec la capitale Vijayanagara, la reconstruction d’Ali montrait une version locale du style métropolitain de la capitale Bijapuri avec un système d'arches, d'avant-toit sur supports et de décoration en stuc. A travers le style et la position de la façade, mais aussi des modifications à l'intérieur (les colonnes de style

citrakhanda ont été enduites pour les cacher), les architectes d‘Ali Adil Shahi ont voulu gommer le modèle

architectural original afin d’effacer l’affiliation originale du fort avec l’empire Vijaynagara pour l’inclure dans le nouvel empire Adil Shahi. Les façades visibles des portes des villes étaient également reconstruites, il s'agit d'une « appropriation symbolique de la terre » (comme à Torgal, Raichur, Kalyâna).

Il y a une petite mosquée aujourd'hui abandonnée proche de la porte principale.

Figure 129 : élévation de la façade de la mosquée de Naldurg

Figure 131 : plan de la mosquée de Naldurg

Figure 133 : mosquée dans le fort de Ausa