• Aucun résultat trouvé

Les aménagements liés à l’eau

Les anciens systèmes d’irrigation encore visibles à Naldurg nous renseignent sur l’origine de ses constructeurs. La bâoli est creusée dans la roche fissurée à cet endroit, sur le bas de la

pente, la zone la plus basse de la surface interne du fort. Elle est maçonnée d’un côté afin de former une clôture. Un corbeau sur la partie supérieure atteste d’un système de puisage.

Figure 27 : réservoir, vue depuis la muraille sud

Figure 29 : coupe de la bâoli modifiée par l’ajout d’une tour à eau, Torgal (Karnataka)

Quatre tours à eau d’origine Adil Shahi sont encore présentes sur le site, à l’intérieur et à l’extérieur de l’enceinte. La tour à eau principale intra muros ou Kapile188 est construite

directement en relation avec le barrage et la nouvelle configuration du site liée au lac de retenue. Et en effet, le niveau d’eau arrivait au pied de cette tour qui permettait de la monter à un niveau supérieur pour être distribuée sur le plateau du site au sud (et peut-être alimenter la

bâoli lors des périodes sèches par l’intermédiaire d’un canal). Un appareil de puisage de type irattinam, inspiré du shaduf antique189, avec deux seaux attachés aux deux extrémités d’une

corde passant sur une poulie était installé en partie supérieure de la tour, au-dessus du puits190.

Une levée de terre à l’arrière de la tour permettait la traction animale sur un chemin en pente descendante pour tirer l’eau191. Ces tours permettent le transfert de l’eau du lac de retenue

vers un niveau supérieur, soit par le biais d’un canal ouvert ou si il y a une tuyauterie (en terre cuite) par siphon comme à Kumatgi. Il y a alors des ouvertures placées dans le réservoir à intervalles verticales permettant la distribution rigoureuse de l’eau pour l’usage du fort, mais aussi agricole car l’eau pouvait ainsi être amenée loin dans les terres en dehors du fort.

188 JAGADISH, 2005, p.109 : plusieurs inscriptions en Kannada indiquent Kapile ou Ara ghatti Yantra.

189 HILL, 2000, p. 266 : un simple outil de levage pour l’eau utilisé dans les régions arides depuis l’antiquité afin

d'acheminer l'eau vers des réseaux hydraulique plus élevés.

190 En aval, ce devait être un Kavalai, ou une roue perse, qui au moyen d’une corde tirée par des bœufs et

tournant sur une poulie puise avec un sac de cuir, l’eau du réservoir.

191 PHILON, 2010, p. 108 : "This process seems to have been the only one in use till the middle of the sixteenth

century. Later in Bidar and Bijapur, another device, generally termed “Persian wheel", was introduced and applied to some water bodies. In this case the water was lifted in small earthen or metal buckets fixed on a kind of girdle moved by a wheel. Instead of going up and down a slope, the draught animal here was turning around an axis on a platform. A third device was also invented during the seventeenth century at Bijapur. We here term it the “Kumatgi device” because the best preserved examples are found at Kumatgi near Bijapur. We do not know exactly how it was functioned. What is left of the structure shows a high wall built on one side of a well or reservoir; on top of the wall there are corbels to fix the lifting mechanism and small tanks; earthen pipes set in lime mortar linked the tanks to fountains. How the water lifting device was set in motion cannot be established. For certain, this device was invented to bring water under high pressure to fountains." Le système de la noria ou du saqiyas (d’origine égyptien) est parfois appelé roue sindhi (emprunt hellenistique antique ?).

Les réservoirs servent également de décanteur et placés entre les systèmes d’adduction, ils permettent de réduire la pression exercée par l’eau à l’intérieur des conduites et régule la vitesse de l’eau sur les canaux ouverts. Les réservoirs de ces tours sont enduits de mortier de chaux et de briques.

Ce type de tour à eau est courant à Bijapur, la capitale Adil shahi, et dans le sultanat192.Les pompes mécaniques ont aujourd’hui remplacé ces tours à eau et sont d'ailleurs installées dans ces tours ou à côté pour fonctionner efficacement.

Figure 30 : tour à eau, extérieur du fort de Naldurg (ouest)

192 ROTZER, 1984, p. 125-196 ; PHILON, 2010, p. 108 ; à Senji, DELOCHE, 2000, p. 191 : il s’agit de

réservoirs en pierre ou brique dans lesquels aboutissent les tuyaux en terre cuite emboîtés les uns dans les autres avec des joints de mortier de chaux (reliés aussi par des qanat ou des canaux). Ces tours font 2 mètres de côté pour 4 mètres de haut avec un décrochement en partie haute de 50 centimètres environ avec des ouvertures circulaires de 10 centimètres suivies de conduites verticales. L'enduit hydraulique de mortier de chaux et de briques recouvre les parois internes du réservoir.

Figure 31 : tour à eau principale du fort de Naldurg

Figure 33 : reconstitution d'une tour à eau, schéma de Klaus Rotzer 2009

Figure 35 : tour à eau de Senji, Tamil Nadu193

Figure 36 : bâtiment ouvert sur le lac de retenue avec la fortification derrière et la tour à eau en arrière plan

Figure 37 : installation surplombant le fossé au nord du Naya Qilah (relation au montage de l'eau ?)

Un canal ou nahar est visible sur quelques dizaines de mètres à l’intérieur de l’enceinte fortifiée. Il est maçonné et recouvert d’un enduit avec un bourrelet en quart-de-rond pour assurer l’étanchéité et il forme un aqueduc dans la partie basse du site pour permettre à l’eau d’arriver par une faible pente sur la partie la plus haute du site au sud. Il reliait le système d’élévation d’eau du lac vers d’autres parties du site dont un ensemble de petits bassins de répartition d’usage inconnu194, mais probablement liés à l’activité artisanale car les larges

canaux autrefois régulés par un système de vanne, permettaient de contrôler un fort débit d’eau195. Il n’est pas du tout certain que ces canaux aient été construits en même temps que le

système d’élévation d’eau du lac.

194 ABADIE-REYNAL Catherine, PROVOST Samuel, VIPARD Pascal (dir.), 2011, Les réseaux d’eau courante dans l’Antiquité, PUR, Rennes, 244 p. (article sur l’eau des Alpilles) : le bassin convergence et régulation. Ce

bassin a connu cinq modifications et aménagements pour permettre la convergence des eaux de deux aqueducs. Large de 0,80 mètre pour 1,10 mètres de haut, il est revêtu en mortier de tuileau. Les sorties d’eau sont percées sur la paroi du bassin afin d’évacuer l’eau, notamment lors des crues du canal ou des réparations nécessitant la vidange du conduit.

195 DAVISON-JENKINS, 1997, p. 97 : le canal est construit sur une pente calculée pour atteindre un équilibre

dans la vitesse de l’eau écoulée, car si le débit est trop rapide, l’érosion des berges est trop importante pour la pérennité du canal (d’où la stabilisation des berges avec des empierrements). Si c’est trop lent, le dépôt des alluvions dans le canal bouche rapidement les passages difficiles et finalement le cours du canal. FARRINGTON, 1985, p. 291-293: il évoque la formule de Manning pour calculer la force d’un canal pour un débit continu ; HUSAIN, 1963, p. 616 ; HUSAIN, 1970, p. 9-29 : le système de vannes se trouve également à Jahanpanah/Siri (construit par Ala-ud-Din Khalji (1296-1326) pour rejoindre le vieux Delhi. Long de 61 mètres, le canal à vannes de Satpulah a été construit probablement en 1326 et permet de décharger le trop-plein d'eau

Figure 38 : canal de Naldurg

Figure 39 : installation hydraulique en partie ouest intra-muros (bassins de répartitions, lavoir ?)

vers la Yamuna au sud de la tombe d'Humayun. Il se trouve plus tard à Fatehpur Sikri, sur le Terah Mori construit sous le règne d'Akbar pour réguler l'étiage de la Khari Nadi. Il permettait d'inonder les terres au Nord de la ville pour un avantage défensif.

Figure 40 : installation hydraulique en partie ouest (bassin de répartition ?)