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Service de santé scolaire

Dans le document « Tant qu'on a la santé... » (Page 90-93)

IV. Santé, école, services sanitaires et sociaux

1. Ecole et santé

1.3. Service de santé scolaire

Comme pour ce qui précède, il n’est pas très facile de faire parler les parents du service de santé scolaire. Une partie des parents paraissent sinon ignorer son existence, du moins n’en avoir qu’une idée floue, le service de santé scolaire et ses agents semblant peu identifiables pour beaucoup de parents interrogés. Plusieurs parents mélangent psychologues scolaires, médecins scolaires, infirmière du service de Protection Maternelle et Infantile... Néanmoins, une partie d’entre eux

évoquent de manière plutôt positive les visites médicales qui semblent aller de soi, faisant partie du fonctionnement normal de l’école.

Enquêteur : « Y’avait une visite médicale, euh… ?

Mme E. : Ouais. L’école, ouais. Fait deux fois j’crois pendant l’année. Enquêteur : Et elle y est allée, et ils lui ont dit ?

Mme E. : A l’école même.

Enquêteur : Mmm. D’accord. Et ils lui ont dit que, euh, qu’elle avait des problèmes de… ?

Mme E. : Ouais, ouais. Elle m’a donné une feuille, i faudra voir le méd’cin. Moi j’ai ramené chez l’méd’cin, elle m’a proposé lunette, j’en ai deux filles, euh, deux elle en a fait lunette. »

Enquêteur : « Et sinon vous connaissez l'méd’cin scolaire ou euh... Mme D. : Le quoi ?

Enquêteur : Méd’cin scolaire. Mme D. : Non !

Enquêteur : À l’école et tout ça, y a pas des visites euh médicales et tout ça ? Mme D. : Si mais euh... c’est euh, c’est des méd’cins qui vient des centres mm’, si... ça... j’ai été les voir pour Malika, et Medhi. Ça leur fait, i font des dessins euh... i rega, t’sais i font des visites euh... Si si ça, c’est t... ça s’passe très bien, ben ça s’était bien passé quoi la visite.

Enquêteur : Ouais, i font quoi dans la visite en fait ?

Mme D. : Il faut qu’il dessine le garage, il faut qu’il euh... qu’il regarde dedans pour la vue, pour euh... s’il entend mieux, s’il marche bien correctement, c’est tout, un peu tout. »

Si la nécessité de visites régulières détectant les problèmes de santé éventuels n’est guère remise en cause, celle de rencontrer le médecin scolaire, de pouvoir discuter avec lui, ne va pas de soi pour tous les parents, tout se passant comme si le rôle du médecin scolaire était borné au signalement des anomalies repérées au cours de la visite médicale.

Enquêteur : « Vous avez d'jà rencontré l'méd'cin scolaire de l'école ? M. C. : Non.

Enquêteur : Non vous l'avez jamais vu ? M. C. : Jamais.

M. C. : Ça chais pas... moi temps en temps, je rentre pas. Enquêteur : Et vous aimeriez bien le rencontrer ? ou pas ? M. C. : Pour quoi faire ?

Enquêteur : Pour parler d'la santé d'vos enfants.

M. C. : Ouh non, d't'façon si y'a que'qu'chose, i marquent sur le truc hein. Enquêteur : Ouais ouais.

M. C. : I donn'ra une feuille pour ach'ter médicaments. Riad i z'ont... il a passé mais y y'a rien di tout... il a dit je c'ois je c'ois qu'pour les dents, j'crois, mais là j'c'ois qu'il a marqué sur la feuille... »

A côté de cette relative acceptation du rôle de la médecine scolaire comme médecine de contrôle de l’état de santé des enfants, on trouve quelques parents énonçant des réserves ou des critiques qui sont parfois difficiles à faire préciser comme dans le cas suivant :

Enquêteur : « Et vous trouvez qu'c'est efficace... la méd'cine... de l'école ? Mme A. : Ben oui, oui et non.

Enquêteur : Et pourquoi oui, et pourquoi non ?

Mme A. : Oui et non, j'vous dirais pas pourquoi mais oui et non ! »

Ces réserves peuvent être l’expression d’un refus d’ingérence ou d’une peur d’être stigmatisé, désigné comme mauvais parents, expression que l’on retrouve chez les parents les plus méfiants à l’égard des institutions. Ici, les visites scolaires ne sont pas vues comme un dépistage permettant de prévenir les problèmes de santé mais le signalement d’un de ces problèmes au cours d’une visite peut être interprété comme signe que les parents soignent mal leurs enfants.

Enquêteur : « Et sinon par rapport à la visite... annuelle, on vous a déjà signalé des problèmes de vue ou d'oreilles... ou de dents ?

Mme X. : Non pour mes enfants, non parce que moi j'les fais soigner tout d'suite et bon quand j'vois qu'i s'plaignent bon ben c'est moi qui prend l'initiative c'est tout, personne me dit ts ts. »

Cette mère en déclarant en substance qu’il n’y a pas besoin de lui dire ce qu’il faut faire affirme qu’elle remplit bien son rôle de mère, qu’elle est attentive à ses enfants et manifeste un résistance à ce qu’elle vit comme une ingérence qui signifie toujours que les parents font mal...

Là encore, comme on l’a vu à d’autres occasions, des parents peuvent s’appuyer sur d’autres agents de l’institution médicale qui leur paraissent plus légitimes pour s’opposer ou dire leur opposition à la médecine scolaire.

Mme O. : « Personnellement j'aime pas quand l'école le suive, il a un prof... quand on me dit “euh on veut l'carnet d'santé pace que y'a l'méd'cin qui a... ” Qu'est c'que j'm'en fous du méd'cin d'l'école, quand c'est un enfant qui est comme ça il en voit deux par mois, i voit son professeur, i voit son chirurgien, i voit son pédiatre, i voit son généraliste ça suffit, laissez lui la paix ! Quand c'est des enfants qui sont en pleine santé encore à la rigueur oui, hop i regarde que les yeux et encore à la rigueur mais quand un méd'cin euh banal en fait moi j'dis banal pace que bon ben euh i te dit ah ben ouais, alors ma mère elle était obligée d'raconter à chaque fois sa vie : “Et ben il a eu ça, il a eu ça il a pris ça comme trait'ment”... Attendez, foutez-moi la paix, vous savez pas lire un carnet d'santé ou quoi, faut dire ce qui est c'est tout marqué sur le carnet d'santé non i faut la mère pour expliquer tout ça... »

Les préventions de ces parents à l’égard du service de santé scolaire comme les réticences vis-à-vis d’une éducation à la santé à l’école renvoient sans doute à un souci de fixer des limites entre ce qui relève de la resposabilité de la famille et de celle de l’école.

S’il n’existe pas une forte demande d’éducation à la santé (ce qui ne signifie pas qu’elle est totalement inexistante) mais une demande de prise en charge des problèmes de santé quotidiens dans l’école, c’est que cette prise en charge ne met pas en cause les pratiques familiales, c’est aussi que les parents se sentent autorisés à s’exprimer sur les « bobos » et autres problèmes ordinaires de la vie de leurs enfants alors qu’ils craignent ou qu’ils sentent plus ou moins confusément que leurs discours et leurs pratiques en matière de santé risquent d’être invalidés à l’occasion d’une action visant à éduquer leurs enfants et eux-mêmes aux normes sanitaires dominantes.

Dans le document « Tant qu'on a la santé... » (Page 90-93)