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DEUXIÈME CHAPITRE CADRE CONCEPTUEL

1. FONDEMENTS DE L’IDENTITÉ ET SON DÉVELOPPEMENT

1.1.2 Sentiments identitaires

Erikson (2011) conçoit que l’identité ne peut exister que par le sentiment d’identité. Bien que de tiers auteurs (Allport, 1970; Codol, 1980) traitent de ce dernier, Mucchielli (2009) décompose le sentiment d’identité en neuf sentiments décrits dans le tableau 3 qui suit.

Tableau 3

Le sentiment d’identité et les différents sentiments qui le composent

Sentiments d’identité et

ses divers sentiments Définition

Sentiment de son être matériel

Individuellement – Ensemble de sensations corporelles nous rappelant qui nous sommes.

Groupe – « Conscience, partagée par tous les membres des éléments matériels qui constituent l’ancrage de l’existence objective du groupe ou de la culture » (Ibid., p. 66).

Sentiment d’appartenance

Individuellement – La personne ayant un sentiment de participation affective. Groupe – Esprit de groupe ou le sentiment de solidarité. « Imprégnation culturelle identique pour les individus d’un même groupe qui fondent la possibilité de compréhension et de communication avec autrui » (Ibid., p. 67). Sentiment d’unité et de

cohérence

Individuellement et en groupe – Impression d’une unité, découlant des « expériences affectives, relationnelles, intellectuelles » (Ibid., p. 68), permettant de se remettre en question et qui reflète « le besoin de cohérence interne du système (psychique ou culturel) de l’individu ou du groupe » (Ibid.).

Sentiment de continuité temporelle

Individuellement – Nécessité d’intérioriser son changement et son développement.

Groupe – « Prise de conscience d’éléments partagés au cours d’une histoire commune » (Ibid., p. 70).

Sentiment de différence Individuellement et en groupe – Spécification de sa place au sein du groupe ou de ce dernier par rapport aux autres groupes. Sentiment de valeur Individuellement – Niveau d’aspiration et de participation à sa réalisation personnelle valorisant l’estime de soi.

Groupe – Succès et échecs passés et présents vécus en groupe.

Sentiment de confiance Individuellement et en groupe – Participation à la vie collective effectuée dans une certaine qualité et stabilité dans les relations affectives. Sentiment d’existence Individuellement et en groupe – Adhésion à des valeurs orientant les objectifs ou l’avenir de l’individu en favorisant la motivation et en suscitant une

sensation de bien-être individuellement et collectivement.

Dans l’ensemble, les neuf sentiments qui suivent corroborent le sentiment d’identité de l’individu évoluant au sein de groupes variés qui privilégient son développement: le sentiment de son être matériel, d’appartenance, d’unité et de cohérence, de continuité temporelle, de différence, de valeur, d’autonomie, de confiance et d’existence. Tout comme les référents identitaires, le sentiment d’identité valorise la cohérence chez l’individu par son développement identitaire qui se construit au fil des expériences ‘‘par, dans et avec’’ lesquelles il interagit.

1.2 Représentations identitaires

L’identité est un système complexe de représentations qui nécessite de cerner les relations entre les diverses sphères sociales de l’individu. La construction de l’identité se fait à l’aide de schèmes mentaux. À cet effet, Deschamps et Moliner (2008) conçoivent que « les constats que fait un individu sur sa propre évolution et sur sa ressemblance ou sa différence à autrui reposent sur les connaissances dont il dispose à propos des autres et des lui-même » (p. 93). La figure 5 qui suit présente la dynamique des représentations identitaires.

Figure 5: La dynamique des représentations identitaires (Ibid., p. 138)

Au centre de la figure se trouvent les représentations sociales correspondant à « l’ensemble d’opinions et de croyances partagées par les membres d’un espace collectif » (Ibid., p. 135). Celles-ci interviennent comme marqueurs identitaires, régulateurs identitaires ou résultantes du système identitaire dans sa globalité.

Entourant les représentations sociales, on retrouve le Soi (individu), les représentations endogroupes (groupes d’appartenance) et les représentations exogroupes (groupes extérieurs). Dans une tension dialectique, ces représentations sont comparées entre elles afin que chaque partie puisse se différencier des autres (Ibid.), car c’est en se situant par rapport aux autres que l’identité se forge.

Enfin, les représentations collectives et les représentations sociales modulent les processus mis en œuvre dans la dynamique des représentations identitaires influencée par les cultures ou les positions sociales (Ibid.) de tout un chacun.

En somme, celle-ci illustre les influences au regard des différentes sphères de la vie sociale sur l’identité. Voyons maintenant plus spécifiquement les processus impliqués dans la construction identitaire.

1.3 Processus identitaire

Codol (1980) envisage la construction de l’identité en fonction des trois étapes qui suivent, dont fait état la figure 6 en aval: la catégorisation, l’identification et la comparaison sociale. Ce processus permet d’illustrer non seulement les étapes de la création d’une identité, mais aussi les résultats qui découlent de chacune d’elles.

Étapes du processus identitaire

Catégorisation Identification Comparaison sociale

Résultats - Stéréotypes - Personnes marquantes - Similitudes

- Discrimination - Groupes d’influence - Différences Figure 6: Le processus identitaire, ses étapes et leurs résultats

Premièrement, le processus de catégorisation a pour fonction de supporter la compréhension du monde. D’après Deschamps et Moliner (2008), ce traitement de l’information permettrait « le découpage de l’environnement en regroupant les objets qui sont ou qui paraissent similaires les uns aux autres sur certaines dimensions » (p. 24). Le but de ce processus est d’obtenir une vision organisée du monde. À l’intérieur de ce dernier, deux mécanismes peuvent être distingués. Le premier est l’élaboration des catégories basées sur l’objet, le sujet ou sur l’interaction entre ceux-ci. Pour sa part, le second est l’appréhension de l’environnement. Les stéréotypes et la discrimination seraient le résultat de ce processus. D’une part, Deschamps et Moliner (Ibid.) définissent les stéréotypes comme « des ensembles de croyances relatives aux caractéristiques d’un groupe » (p. 28) et conçoivent qu’ils aideraient la classification des informations de soi et des autres. Parallèlement, la discrimination serait un sentiment négatif envers les individus membres d’un tiers groupe. Son utilité serait d’agrandir la différenciation intergroupe (Ibid.).

Deuxièmement, le processus d’identification est défini par Mucchielli (2009) comme « une assimilation d’un certain nombre de propriétés d’un autre que soi » (p. 58). Ce processus se distinguerait par une identification ‘‘d’autrui’’ et en une identification ‘‘à autrui’’ (Ibid.). Dans un premier temps, l’identification ‘‘d’autrui’’ est réalisée de manière inconsciente. Elle est l’action de situer l’autre par rapport à soi en valorisant le décodage des réalités sociales et en orientant les comportements. Dans un second temps, l’identification ‘‘à autrui’’ est l’assimilation et l’adoption de modèles de référence pour chaque fragment de sa personnalité. Celle-ci peut aussi être une adoption de l’identité du groupe auquel la personne s’identifie, menant ainsi à se comporter comme les membres de ce dernier. Ainsi, l’identification aux personnes marquantes et au groupe d’influence serait le résultat du processus d’identification.

Troisièmement, le processus de comparaison sociale est l’action de comparer les schèmes réalisés sur soi et ceux effectués envers autrui. Les résultats de ce processus sont le repérage de similitudes et de différences. Festinger (1957) mentionne qu’il y a recherche de similitudes si une pression à l’uniformité est actualisée lorsque des écarts entre les opinions sont présents. Pour sa part, Tajfel (1972) souligne l’apport de la communauté dans cette comparaison. En d’autres termes, les individus cherchent à se rassembler entre semblables. Cependant, il y a recherche de différence s’il y a une menace d’uniformisation. Conséquemment, une personne cherchera à se démarquer en créant de nouveaux critères de comparaison. D’après Lemaire (1975), ceux-ci seront ‘‘opposés’’ à la menace afin d’échapper à un prochain conflit. Pour résumer, Deschamps et Moliner (2008) mentionnent que « la comparaison sociale peut ainsi entraîner une remise en question de l’identité et induire par là même une recherche d’hétérogénéité, de différence, d’incompatibilité (et non d’homogénéité, de ressemblance) » (p. 38).

Nous venons de décrire les processus de catégorisation, d’identification et de comparaison sociale utiles à la construction identitaire. Ceux-ci correspondent à la mise en évidence du parcours mental d’un individu en fonction des informations qu’il perçoit. Toutefois, qu’en est-il des informations qui interviennent dans le développement de l’identité à partir de l’enfance?

1.4 Développement psychosocial de l’enfant

Le développement psychosocial de l’enfant s’effectue selon divers stades. Pour Erikson (2011), dans l’interaction avec son milieu social, toute personne cherche à se construire une personnalité pouvant être qualifiée de saine. Le développement de l’identité serait un processus toujours inachevé s’échelonnant de la naissance à la mort. La construction identitaire n’est donc pas la résultante d’activités spécifiques, mais de toutes les informations perçues par l’individu.

Plus précisément, le modèle du développement psychosocial d’Erikson (Ibid.) est constitué de huit stades qui caractériseraient différents moments du développement, dont fait état le tableau 4 qui suit. Cinq de ces stades touchent le développement de l’enfant et trois la vie de l’adulte. Pour chacun des stades sont identifiés les crises psychosociales, l’âge, les relations significatives et la vertu associée à la crise correspondant à l’un des stades.

Tableau 4

Les huit stades du modèle du développement psychosocial d’Erikson (Ibid.)

Stades Crises psychosociales Âge Relations significatives Vertus

1 Confiance / Méfiance 0-18 mois Mère Espoir

2 Autonomie / Honte et doute 18 mois-3 ans Parents Volonté 3 Initiative / Culpabilité 3 ans-6 ans Famille Conviction

4 Travail / Infériorité 6 ans-11 ans Milieu scolaire et amis Compétence