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Dans notre ouvrage Le devenir postmoderne, nous entendons déplacer la perspective d’étude sur un terrain analogue à celui que nous venons d’évoquer, à savoir celui du rapport entretenu par l’Ecriture au Monde: une fois achevée l’époque des poétiques intentionnelles postmodernes, après avoir pris la mesure des décalages interprétatifs évoqués jusqu’alors entre phases historiques et poétiques, sommes-nous à même de dire concrètement aujourd’hui si la littérature contemporaine a enregistré des changements dans notre façon de penser, de vivre notre époque postmoderne?

Avant même de s’interroger sur les formes textuelles mises en œuvre ou érigées en cas d’école, ne faudrait-il pas analyser les nuances de cette sensibilité postmoderne qui se fait jour subrepticement, involontairement, parfois à notre insu, dans notre culture, dans notre façon d’écrire, de penser, dans notre système littéraire tout entier soumis à une constante évolution du fait de l’inévitable interaction entre les systèmes de pensée et de communication propres à l’ère internet?

Avec la première partie, composée des travaux de Remo Ceserani, Matteo Di Gesù et Ana Paula Arnaut, nous voudrions offrir à la lecture des perspectives interprétatives novatrices. Remo Ceserani, dans le sillage de ses plus récents travaux visant à sortir de l’impasse cognitive induite par l’emploi insatisfaisant du terme de postmodernité, se dote ici d’outils conceptuels qu’il invite à considérer avec attention pour mieux comprendre l’époque dans laquelle nous vivons, non pas indépendamment les uns des autres mais dans une optique de mise en relation complémentaire entre eux: revenant sur les concepts de modernité solide et modernité liquide employés par le sociologue Zygmunt Bauman, il fait ensuite appel aux méthodes interprétatives de l’anthropologue Clifford Geertz92

centrées sur une activité intellectuelle

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Un article de Mario DOMENICHELLI, intitulé Gli intellettuali e la cultura

neoconservatrice negli Stati Uniti, paru dans «Allegoria», 56, en 2007 mentionnait

que la pensée de Clifford Geerts n’avait pas été prise en compte par les plus attentifs observateurs du postmodernisme, ni par Linda Hutcheon, ni par Remo Ceserani. L’intervention de ce dernier en mai 2010 à Grenoble montre (en guise de réponse à Domenichelli?) qu’au contraire, il a intégré à sa réflexion les apports théoriques et conceptuels de Geertz, – que les chercheurs italianistes Pierpaolo Antonello et Florian Mussgnug ont également pris en considération dans leur introduction à leur ouvrage de 2009 en exposant sa théorie de la thick description. En 2007, Mario

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Domenichelli exposait ainsi l’apport novateur dans l’interprétation cognitive de cette expression comme suit: «Clifford Geertz [...] invece ha estrema rilevanza nell’elaborazione delle idee su cosa sia “testo”, “testo culturale”, e relative pratiche interpretative, come ci dicono in modo molto chiaro Greenblatt e Gallagher in

Practicing New Historicism. In The Interpretation of Cultures, Geertz ci dice che, in

ogni caso, anche se abbiamo a che fare con racconti orali, ci troviamo di fronte a testi culturali che vanno analizzati attraverso la Thick Description, una definizione che Clifford Geertz desume da quella di Gilbert Ryle. La prospettiva di Geertz è chiara nel primo capitolo di The Interpretation of Cultures. Si tratta di considerare, ci pare in modo molto postmoderno, il soggetto sospeso tra “webs of significance” (ragnatele, reti di significazione) e considerare l’uomo come animale interpretante delle webs che egli stesso ha “filato”. Thick Description in Geertz così come in Ryle si oppone a thin description. Ogni frammento culturale (atto, parola, ma ogni cosa in Geertz è testo culturale o frammento di testo culturale) compone queste webs of

significance con fili interconnessi in una poetica dell’infinita complessità. Ogni

frammento assume significato e significati complessi e intrecciati nell’intricarsi dei fili significanti che rinviano all’intero, mentre la thin description non è che la descrizione di un atto muto, di un frammento privato di ogni connessione, o con poche connessioni». Partant de ce concept et de cette approche méthodologique qu’il fait sienne, Domenichelli arrivait à une réflexion sur le rôle de l’intellectuel qu’il mettait en relation avec le concept même de vérité. Car, indiquait-il, «la verità si trova solo come costruzione culturale, collettiva, nella complessità della rappresentazione, e attraverso l’identificazione delle opacità, o delle finte trasparenze del discorso nei frammenti presi in analisi. Sicché la microanalisi si articola per interconnessioni virtualmente infinite, e in ogni frammento di testo culturale, atto, parola, appaiono infiniti links, soprattutto sono importanti quelli più celati nelle pieghe del detto, anche quelli meno consapevoli, e quelli più ovvii, tanto da non essere più percepiti». Domenichelli n’en reste pas là. Repartant des écrits de Lyotard

La condition postmoderne et Le postmoderne expliqué aux enfants, abritant le

concept de la perte de crédibilité des métarécits, il montre que le postmoderne «parte dall’idea che il progetto moderno di realizzazione dell’universalità, dell’universale emancipazione non è stato abbandonato e dimenticato ma distrutto, liquidato dalla storia nel suo farsi. Nello statuto stesso del postmoderno, in pratica, non si tratta della semplice liquidazione delle grandi narrazioni. Si tratta piuttosto della loro frantumazione e proliferazione in una serie di repliche di racconti di emancipazione tesi alla libertà, alla realizzazione compiuta della democrazia, o della propria identità di gruppo e dei diritti ad essa correlati. Dal punto di vista dell’analisi marxiana – che è a sua volta un grand récit di emancipazione – la frantumazione del fronte unitario delle rivendicazioni in una miriade di rivendicazioni settoriali e dunque di récits, è una strategia vincente del capitalismo, o del neocapitalismo». Domenichelli donne ainsi une interprétation politique à la fin du postmoderne en faisant coïncider cette dernière avec le retour des grands récits universalisants, symptômes du désir de l’Angleterre et des Etats-Unis – les deux pays qui se considèrent les dépositaires de l’idée de démocratie – de forger, asseoir et conserver leur suprématie politique. A ce propos, voir aussi les théories de Diana BRYDON et Helen TIFFIN: Tiffin pour ses observations sur le postmodernisme qu’elle perçoit en voie de devenir l’un des discours impérialistes dominants; Brydon qui considère la tentative de la culture américaine de consommation d’imposer globalement sa vision postmoderne comme la poursuite du processus de colonisation commencé par les pouvoirs européens. Diana BRYDON, The Myths That Write us: Decolonizing the Mind, «Commonwealth», 10, 1, autumn 1987, pp. 1-14. Helen TIFFIN, Post-Colonialism,

ouverte visant à établir des réseaux de signification (concept de la “thick description”), ainsi qu’à la théorie du psychanalyste Recalcati pour qui l’hypermodernité voit l’avènement d’un nouveau type d’homme, (l’uomo senza insconscio) épiphénomène d’un sentiment de précarité existentielle accru. De son côté, Matteo Di Gesù invite à repenser le tournant postmoderne et les études afférentes à partir d’un facteur générationnel: les différentes prises de position italiennes au sujet du postmoderne étant fortement lestées du poids de conflits générationnels latents qui se traduisent en écoles interprétatives, il transforme en outils d’analyse les omissions, attitudes réfractaires, déclarations ou annonces intempestives de la mort du postmoderne avant de tenter la voie d’une approche critique audacieuse consistant à relire certaines pages critiques sur le postmoderne comme des narrations autobiographiques et repérer dans certains travaux critiques canoniques non seulement des éléments formels utiles pour comprendre les esthétiques en présence mais aussi mieux définir les statuts théoriques, les caractères propres, nationaux, de ce que fut le postmoderne littéraire en Italie. Cette approche méthodologique le conduit à montrer comment se sont formées les positions réfractaires au postmoderne italien typiques d’une génération, du fait du charisme et de la notoriété de personnalités universitaires, et transmises au point de devenir école et de conditionner les écrits de la génération suivante. Parce que peu d’attention a été accordée à des écrits théoriques d’auteurs et écrivains qui aideraient à mieux cerner les caractéristiques narratives du postmoderne italien, il invite à une relecture attentive des textes de Celati et de Manganelli afin de sortir des ornières interprétatives traditionnellement ancrées sur les textes d’Eco et de Calvino. Sur le versant lusiste, Ana Paula Arnaut, qui est l’une des rares chercheuses à avoir travaillé sur la question postmoderne au Portugal, brosse le portrait d’un postmodernisme tout en nuances et raffinement: elle préfère parler de postmodernismes au pluriel, en raison d’écrits résultant tantôt d’une impulsion postmoderniste modérée, tantôt célébratoire, depuis l’œuvre de José Cardoso Pires qui constitue une pierre angulaire dans la production littéraire portugaise, dans la mesure où elle porte les signes de l’influence des écrits provenant des Etats-Unis, jusqu’aux plus récentes productions littéraires de Saramago et Lobo Antunes. Pour elle, la nouvelle sensibilité dans l’art littéraire ne tranche pas avec une tradition plus éprouvée de l’écriture: au contraire, anciennes pratiques romanesques (largement inspirées du roman du XIXe) et nouvelle sensibilité cohabitent, montrant que les rythmes propres du postmodernisme portugais ne s’accordent pas sur ceux de

Post-Modernism and the Rehabilitation of Post-Colonial History, «Journal of

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l’Italie, passée déjà à un “Après” auquel on a déjà tenté de donner divers noms, comme «l’ère de la Mutation»,93

ou le néo-moderne. 94

La seconde partie de notre volume rassemble des analyses explorant les voies, les perspectives et les transformations de la littérature au lendemain de la mort décrétée du postmodernisme alors que la critique italienne est en plein débat sur la question du «retour au réel». Trois auteurs, Ugo Perolino, Stefano Magni et Federico Pellizzi contribuent dans une première section à redéfinir de nouvelles bornes théoriques et pratiques pour mieux affiner la configuration et les contours du postmodernisme.

Ugo Perolino, convaincu que l’on ne peut expliquer l’avènement des formes littéraires postmodernes sans les mettre en relation avec la transformation radicale induite par la fin des idéologies politiques, analyse au tournant des années quatre-vingt l’entrée en Italie de la culture postmoderne fondée sur la fin des grands récits idéologiques, et son affirmation au moment même où sortent de scène deux personnalités politiques porteuses d’idéologie: Moro et Berlinguer. Si la mort d’Aldo Moro notamment, a contribué, dans toute sa dimension tragique95 à innoculer dans la société italienne l’idée d’une

spettacolarizzazione de la vie politique, les écrits d’Arbasino analysés

par Perolino s’érigent comme le meilleur moyen pour comprendre une réalité désormais réduite à l’état de fiction. Nuançant sur ce point les propos de Donnarumma96 qui voyait en Manganelli et dans une moindre

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Alfonso BERARDINELLI, Casi critici,... op. cit.

94

Romano LUPERINI, Dopo il postmoderno, op. cit.

95

Voir à ce propos Franco MANAI, L’Affaire Moro trente ans plus tard, «Les Lettres Romanes», 64, 3-4, 2010.

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Raffaele DONNARUMMA s’exprimait ainsi dans son analyse de Fratelli d’Italia d’Arbasino et Hilarotragoedia de Manganelli: «(à propos du livre de Manganelli) siamo di fronte a un atteggiamento manierista: cioè a una stilizzazione di materiali che si esibiscono di seconda mano, passati, e con un’intenzione più o meno pronunciata di ironia […] il manierismo ha due facce: da un lato, rivela l’aspetto epigonico, marginale, malinconico di una letteratura che, per sopravvivere, è costretta a rifare se stessa; dall’altro, celebra la potenza di una letteratura che si chiude in sé, si alimenta di sé, trova in sé la propria forza e il proprio tutto. In Manganelli prevale questo secondo aspetto, che finisce per porre le basi di una ideologia della letteratura. Proprio mentre denuncia quest’ultima come menzogna e il letterato come clown, infatti, egli dichiara i suoi articoli di fede: non esistono altro spazio che quello della finzione e altra veste che quella ludica, uniche possibilità di sopravvivenza in un mondo che altrimenti ti ignora o ti annienta. […] Il carattere propriamente italiano del postmoderno di Manganelli è dato da altri due elementi. Il primo, è l’atteggiamento metaletterario, o per meglio dire il feticismo della letteratura: la letteratura è ambiguamente lo strumento migliore per la comprensione di una realtà ridotta a finzione e privata di spessore (e dunque uno strumento che capisce tanto

mesure Arbasino, des auteurs confirmant la caractéristique postmoderne de l’autoréférentialité comme symptôme d’une littérature repliée sur elle-même, Perolino interprète au contraire l’œuvre d’Arbasino comme une veine polémique tournée vers la société de son temps, à même d’en dénoncer les contradictions les plus fortes par l’ironie, l’humour et la caricature. Stefano Magni, qui s’intéresse au procédé de la réécriture chez les auteurs postmodernes, contribue à revisiter les jalons définitoires du postmodernisme en s’appuyant sur les procédés de réécriture présents dans deux textes (Pinocchio de Manganelli et La

rosa e il suo doppio de Macchiavelli), qu’il adopte comme bornes

délimitatives d’un parcours possible du courant postmoderne, depuis sa naissance jusqu’à son épuisement. S’intégrant au point charnière du volume, l’essai de Federico Pellizzi repense dans son intégralité la question du postmodernisme et de la postmodernité en envisageant la question très débattue du retour au réel chez les romanciers italiens (et surtout de leur positionnement quant au sujet) comme le symptôme d’une non conscience de l’entrée dans une postmodernité davantage vécue que théorisée ou dogmatisée. La pertinence de sa position critique appelle une deuxième section consacrée aux caméléonismes du roman dans la période successive aux années quatre-vingt-dix.

Cette deuxième section regarde de façon décisive la littérature du présent, et dans une perspective critique, montre les différentes voies empruntées par la littérature pour traverser, voire dépasser le postmodernisme. Partant du postulat selon lequel les deux dernières décennies en Italie seraient marquées par la (recon)quête, de la part d’auteurs postérieurs à Eco et Calvino, d’une capacité narrative opérée en revisitant le genre romanesque et opérant un retour au réel (nous renvoyons notamment aux actes du colloque organisé sur le sujet en mai 2010 par Luca Somigli à Toronto),97 les critiques littéraires Filippo La Porta et Gilda Policastro examinent les toutes récentes productions narratives afin d’y déceler les infléchissements des derniers camouflages du genre romanesque – qui pendant longtemps a été considéré dans

meglio il mondo quanto più capisce e coltiva se stessa); e l’unico valore da opporre allo sfascio, non importa se un valore residuo, polveroso, marginale. […] Per i postmoderni italiani, invece almeno fino agli anni Ottanta il centro della riflessione è proprio la letteratura, satura della sua tradizione e di un prestigio oramai insostenibile. In questo Fratelli d’Italia et Hilarotragoedia si rivelano complementari: sebbene infatti Arbasino sembri prendere come suo oggetto la socialità, di fatto non sa farlo che attraverso la letteratura e per via di citazioni. Nel caso e nell’altro, il mondo esiste solo nella e per la finzione». Raffaele DONNARUMMA, Postmoderno italiano, qualche ipotesi, «Allegoria», XV, 43, p. 63.

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Il “ritorno al reale” nella narrativa italiana di inizio millennio [Actes du colloque

international, University of Toronto, 7-8 mai 2010], sous la direction de Luca SOMIGLI, Roma, Edizioni Aracne.

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l’imaginaire collectif littéraire comme le plus apte à porter et représenter le réel – tandis que la chercheuse Eleonora Conti, prenant pour étude la même période contemporaine, observe une tendance à l’abandon des non-lieux (selon la célèbre acception de Marc Augé) au profit d’une nette relocalisation au sein même des romans, tendance que l’on ne peut interpréter avec certitude comme fin ou dépassement du postmodernisme. Filippo La Porta, prenant position de façon catégorique pour un dépassement du postmoderne, brosse le portrait d’une génération d’auteurs, qui à ses yeux se sont totalement affranchis du postmodernisme pour avoir su partir de la réalité et montrer son revers illusoire, la post-réalité: sa théorie selon laquelle la redécouverte du rimosso et du tragique – au point de croisement ou de friction entre la post-réalité et la réalité de la condition humaine – nous ramènerait à une forme de réalisme, bien différent du naturalisme, n’est pas sans nous rappeler la théorie du reste évoquée par Philippe Forest dans Le roman,

le réel, et autres essais98 notamment lorsque ce dernier affirme que

le roman nous fait communiquer encore avec la part désormais dérobée de nos vies…et répond à l’appel du réel tel que cet appel s’adresse à chacun de nous dans l’expérience de l’impossible, dans le déchirement du désir et celui du deuil (le roman, le réel). Quelque chose arrive alors qui demande à être dit et ne peut l’être que dans la langue du roman car cette langue seule reste fidèle au vertige qui s’ouvre ainsi dans le tissu du sens, dans le réseau des apparences afin d’y laisser apercevoir le scintillement d’une révélation pour rien (le sens du réel). Tel est le réalisme du roman qui procède de l’existence afin d’en produire une représentation qui rende compte de l’expérience vécue (le réalisme même) et dont se déduit une vérité, le labeur de l’écrivain étant de la reprendre sans fin, à s’en revenir sans cesse vers elle (reprendre et revenir) […] le roman s’assigne pour tâche contradictoire la représentation de l’irreprésentable. Il représente: il raconte (intrigue, personnages, thèmes), il montre (le monde dans sa présence concrète et figurable). Mais son horizon – d’où il procède, vers lequel il chemine – reste l’irreprésentable (le point impossible, la part maudite où s’abîme la pensée, où se défait le sens). Si le roman se refuse à représenter, il glisse vers l’abstrait et perd tout contact avec le réel. […] Le réel, en tant qu’il a partie liée avec l’impossible, n’est un thème que dans la mesure exacte où ce thème a le statut d’un reste. Et, à ce dernier mot, pour éclairer son sens, on peut rendre d’abord son acception mathématique. Divisez 10 par 3: aussi loin que vous poussiez au-delà, de la virgule, quelque chose vous demeure du dividende et ce “quelque chose” laisse tout calcul inachevé. Le réel est cela dont l’opération du savoir ne vient pas à bout, ce “reste donc”, qui interdit que le compte soit jamais rond, que le calcul soit jamais juste. Ce

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Philippe FOREST, Le roman, le réel et autres essais, Nantes, Editions Cécile Defaut, 2007.

quelque chose est là qui persiste, hétérogène par rapport à l’ordre du discours, ne se laissant pas dissoudre à l’intérieur de lui, et appelant du coup l’écho d’une parole – le roman – qui saura le recueillir, ce reste dont la réalité ne veut pas, où il n’a pas sa place. 99

Le retour à la forme du roman, dans l’optique de Gilda Policastro, pose non point tant le problème de la récupération des genres traditionnels, même si dans des formes bouleversées, que le sérieux, voire la sacralité avec lesquels les auteurs proposent de nouveau et réinvestissent la forme romanesque. Selon elle, le postmodernisme se serait configuré en Italie comme jeu métalittéraire avec l’écriture, avec ses formes, ses pratiques, mais surtout comme antimoderne pour reprendre une catégorie utilisée par Antoine Compagnon, c’est-à-dire comme comportement critique par rapport à la modernité, et se serait traduit par un retour à des formes et des thèmes de la tradition littéraire, rarement dans une intention ludique ni avec légèreté mais avec un fort sens de la différence et une portée contestatrice par rapport aux conditions matérielles du présent. Dans cette acception, l’utilisation de la parodie constituait une forme de contestation du présent. Sur cette ligne de pensée, Policastro s’inscrit en faux contre Luperini qui voit un dépassement de l’idéologie postmoderne dans le renoncement à la fiction: si dépassement il y a, il ne peut être possible qu’en dilatant le potentiel de la fiction (et non pas en y renonçant) et en abandonnant cette cohérence obligée qui est la caractéristique la plus typique de la forme-roman. Eleonora Conti, poursuivant et approfondissant un travail sur le traitement réservé au paysage et en particulier aux non-lieux dans

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